De la « pureté » ethnique des peuples et de leurs souverains Gil Jouanard Si les sujets du Roi de France étaient en partie la juxtaposition et en partie le mixage de Ligures, d’Ibères, de Celtes, de Latins et de Germains, que dire des souverains qui les gouvernaient et les exploitaient ? Ceux-ci, en effet, étaient les descendants d’une aristocratie d’origine majoritairement germanique, et, en terme de « nationalité », un patchwork de princes et princesses franco-hispano-austro-italiens, avec de ci de là quelques apports rhénans, bavarois, polonais, voire écossais. De qui s’agit-il au fond (TOUT AU FOND) ? Gil Jouanard L’un des rêves que j’ai longtemps caressés aurait été de passer en douceur du « Je » au « on », et de fondre ainsi mon ego dans le magma aléatoire et en perpétuelle mutation d’un anonymat et d’une neutralité proches de ceux de la cellule originelle. Dans un surcroît de raffinement dans l’ordre de l’inapparent et la non-différentiation, j’aurais par instant souhaité presque confondre, sinon mon apparence, du moins mes caractères identitaires et constitutifs avec ceux de l’être minéral, dont, vertigineuse perspective, l’espérance de vie est de plusieurs millénaires (ah, vivre siècle après siècle les troublantes sensations générées par le processus de transformation du rocher compact en milliards de grains de sable ou du bloc de granit en galet caressé par les flots atlantiques dans la péninsule de Rynvile ou celle de Dingle!) De la liberté et de l’égalité Gil Jouanard
Lorsque, aux alentours de ma douzième année, j’appris très officiellement sur les bancs de l’école que mes parents, en vertu de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, étaient nés libres et, d’autre part, égaux à chacun des autres humains, quels qu’ils fussent, je n’en crus tout d’abord pas mes oreilles et mes yeux (car nous avions été invités par le professeur à suivre du regard sur le manuel d’Histoire l’énoncé de cet article inaugural de la dite Déclaration, qu’il nous récitait de son côté avec conviction et un soupçon de solennité). Quand l’habit fait le bigot et la bigotte c’est l’apparence qui triomphe. Par Gil Jouanard Une dame à l’air austère et qui se fait passer pour une délurée féministe, par ailleurs Algérienne, s’indigne du fait que l’on rechigne à laisser se répandre dans nos villes le port de la burqa. Elle précise qu’elle-même ne porterait jamais cet accoutrement, mais que chacun a le droit de porter ce qu’il veut où il veut (note de l’auteur : sauf bien sûr dans quelques pays d’obédience musulmane, où il est interdit pour une femme de sortir tête nue, au risque d’être incarcérée, ou de porter pantalon, sous peine d’être fouettée !). Et elle assène cet argument péremptoire : « Je ne vois pas pourquoi on autoriserait les Bretonnes à s’habiller en Bretonne et interdirait aux Musulmanes de porter la burqa ». La vraie vie Par Gil Jouanard La notion de « vraie vie » est non seulement aléatoire, mais elle est aussi sujette à caution. Lorsque le jeune Rimbaud écrit qu’elle est «ailleurs», il lui serait probablement difficile de localiser cet ailleurs-là. Il veut sans doute dire qu’elle se situe hors du champ de notre «vécu» ordinaire, dans un espace hors pesanteur où de subtiles virtualités largement inexploitées seraient soudain activées et privilégiées, mises en lumière de façon valorisante, pour ne pas dire artistique. Elle évoque l’idée d’une mise bout-à-bout de ces instants d’exception où, par illumination, l’on se trouve propulsé dans un espace situé hors de portée du poids des contingences bio-organiques et psychosociologiques. «Un maçon chantait une chanson» Gil Jouanard Sans emboiter le pas aux vieux schnocks qui stipulent qu’ « avant c’était mieux », puisque, avant, les lois sociales qui nous protègent et nous surprotègent n’avaient pas cours, on ne peut s’empêcher de se dire que, du temps de l’imperfection sociale qui dura du Néolithique aux années 1936/1937 du XXe siècle de l’ «ère chrétienne», c’était assurément plus poétique. Hommage furtif aux passages pas sages Gil Jouanard Certains mots, usuellement intégrés au lexique de la géographie ou de la toponymie, disposent d’une charge onirique, et de ce fait poétique, et d’une puissance d’évocation et de suggestion, dont la force et la subtile efficience agissent instantanément (mais aussi à la faveur d’une cascade d’échos allusifs) sur notre imaginaire. Patriote, oui, mais sous toute réserve et sous conditions Par Gil Jouanard On ne saurait à bon droit se réclamer de la pensée libre, voire libertaire, de ces écrivains français qui, aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles offrirent à notre « culture nationale » ses lettres de noblesse les plus universelles, si l’on ne se déclarait pas irréductiblement ennemi de ces troupes qui, au nom du roi, de l’empereur ou de la République, assassinèrent les Cathares et ceux qui les hébergeaient, commirent des exactions durant les « guerres d’Italie » de la Renaissance, incendièrent le Palatinat au nom de Louis XIV, massacrèrent les Huguenots cévenols à la même époque, réprimèrent dans le sang l’insurrection des Madrilènes sous Napoléon, commirent des monstruosités en Algérie et ailleurs au nom du « maintien de l’ordre ». Et comment ne pas haïr et mépriser à la fois ces policiers et ces gendarmes également français qui, durant l’Occupation, raflèrent à Paris et ailleurs des dizaines de milliers de Juifs pour les livrer à l’occupant ? Et ceux qui tirèrent si souvent sur la foule ? AH, SI LA LIBERTE GUIDAIT NOS PAS, COMME NOUS CHANTERIONS VICTOIRE ! Par Gil Jouanard Accéder à un mode de pensée dégagé de tous les a priori est certes l’ambition de tout esprit féru -- ou mieux encore : avide -- d’indépendance, d’autonomie et, en premier lieu, d’émancipation. Mais le « travail » que l’on doit faire sur soi ne souffre ni repos, ni laxisme, ni aménagements, restrictions ou concessions. Cet ailleurs partout présent Gil Jouanard Ce conglomérat d’impressions diffuses, de vagues sensations et de sentiments flous qui se résolvent et se perpétuent en souvenirs dans la mémoire que nous conservons des lieux où nous avons vécu anime en permanence, quasiment à notre insu, l’univers kaléidoscopique de notre secrète intimité. |
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