Les deux frères ennemis
Christian Duteil
François Hollande et Nicolas Sarkozy se ressemblent et ont des points communs, notamment la même ambition présidentielle les anime depuis l’enfance. Pourtant, il se détestent cordialement et ne se ménagent guère… au point que l’un n’hésite pas à traiter l’autre de « nul » et de traiter avec mépris son challenger qui l’a battu lors de la dernière campagne présidentielle. Ce dernier lui fera payer au centuple l’ offense, pire cette faute qui consiste à sous-estimer l’adversaire.
Ambivalence des sentiments entre les deux derniers présidents de la République qui s’affichait lors de la passation de pouvoir sur le perron de l’Elysée, le 15 mai 2012. Poignées de main plutôt froides et visages fermés entre les deux hommes qui semblent s’éviter alors que les premières dames paraissaient plus décontractées, sereines et complices. Contrairement à la tradition et aux usages, le nouveau président, réputé pourtant courtois, ne raccompagne pas son prédécesseur jusqu’à sa voiture.
C’est le mérite du film de Laurent Delahousse « Un jour, un destin. Les ambitieux : François Hollande –Nicolas Sarkozy » diffusé récemment sur France 2 de démarrer sur cette scène significative et de casser les clichés qui ont la vie dure autour de ses deux personnalités qui nous gouvernent.
Harmonie des contraires dont parle le philosophe présocratique Héraclite. « Ce qui est à contrefil concorde et des discordants se fait la plus belle harmonie ». Ces deux frères ennemis de la politique ont à peu près la même taille et le même âge. Tous deux s’intéressent très tôt à la politique bien avant de se raser, aiment le football et vont atterrir dès l’adolescence à Neuilly. Tous deux sont couvés par leur mère très présente et se construisent contre le père contesté. Hollande use ses fonds de culotte au lycée Pasteur et se fait élire délégué de classe. A Sciences Po, il milite à l’Unef Renouveau et à l’ENA fonde un syndicat. En 1980, il choisit Mitterrand plutôt que Rocard.
Sarkozy, militant zélé de l’UDR locale, devient conseiller municipal à 21 ans et maire de Neuilly à 28 en grillant la politesse à Charles Pasqua qui n’en revient pas de tant d’impudence. C’est déjà un homme pressé qui aime forcer les portes en politique et brûler les étapes. Tous deux entrent le même jour à l’Assemblée nationale en 1988 et vont profiter de l’aspiration d’un leader devenu président pour accéder aux plus hautes fonctions. Ils seront soutenus dans leurs ambitions politiques par leurs compagnes Cécilia et Ségolène qui les quitteront alors qu’ils atteignent le graal du pouvoir.
Ces étonnantes ressemblances dans leur parcours de vie ne doivent cependant pas gommer leurs différences qui dépassent les clivages politiques et viennent de loin. De l’enfance et de leur tempérament.
Sarko, tout feu tout flamme, est un gamin nerveux, teigneux. Il s’affirme dans la rupture et démystifie la fonction de la présidence de la République. Au point de paraître « agité » et de réagir trop vite dans le registre de l’émotion et du fait divers. Hollande est un enfant plus tranquille, tout en rondeurs qui évite d’irriter son père, un médecin d’extrême droite doublé d’un affairiste, fuit les conflits et deviendra plus tard l’homme du compromis et de la synthèse. Au point de paraître indécis et d’être taxé de « flamby ».
Entre les deux là qui se tutoient, l’affrontement ne pouvait être que féroce. Comme dit Héraclite «Polémos, le combat est père de tout, roi de tout: des uns, il a fait des dieux, des autres des hommes; il a rendu les uns libres, les autres esclaves.»
CD