Pascal Martinot-Lagarde : « Les autres athlètes peuvent me craindre »
Le Monde | 07.03.2014 à 14h43 • Mis à jour le 07.03.2014 à 15h05 | Propos recueillis par Anthony Hernandez
Figure de proue d'une délégation tricolore famélique – sept athlètes seulement – lors des Mondiaux en salle de Sopot (Pologne) du 7 au 9 mars, le spécialiste des haies Pascal Martinot-Lagarde représente la principale chance de médaille d'or française. Champion du monde junior du 110 m haies en 2010, médaillé de bronze sur 60 m haies en 2012 lors des précédents Mondiaux indoor, le hurdler de 22 ans a laissé derrière lui des problèmes au dos, qui l'ont handicapé cet été. Nanti d'un changement technique, il se présente avec la meilleure performance mondiale de l'année sur la distance, 7 s 45.
A Moscou, en août, lors des derniers Mondiaux en plein air, une blessure au dos récoltée lors d'un exercice de musculation vous a handicapé. En avez-vous tiré des enseignements pour modifier votre préparation ?
La concurrence semble moins élevée que lors des derniers grands championnats. Vous êtes le seul, avec l'Américain Jeff Porter, non présent dans la sélection des Etats-Unis, à avoir réalisé moins de 7 s 50. Que faut-il en penser ?
Je pense qu'il s'agit des retombées post-Moscou. Tous ceux qui ont été forts là-bas ont un coup de mou, à l'exception peut-être du Russe Shubenkov qui est encore présent (7 s 55). Le champion olympique de Londres, Aries Merritt, est par exemple aux abonnés absents. Mais je ne compte pas sur l'absence de certains pour remporter l'or. J'ai envie de prouver que je suis le meilleur. On est toujours plus fier de s'imposer lors d'une course relevée.
Si vous aviez eu l'occasion de briller à Moscou, auriez-vous été présent à Sopot ?
Je n'aime pas faire les impasses. Rester trop longtemps à l'entraînement sans se testeren compétition n'est pas dans ma nature. Je veux zapper le moins de compétitions possibles. J'ai toujours envie d'aller au combat. Tant que je tiens debout, je cours.
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Que pensez-vous de la relative désaffection pour ces Mondiaux en salle, illustrée par l'absence de beaucoup d'athlètes du top niveau ?
Je trouve ça dommage même s'il est vrai que dans notre spécialité, c'est le 110 m haies qui est olympique. Je suis un peu dégoûté car pour le moment, je me suis illustré en salle. Je ne suis donc pas encore reconnu comme un grand athlète. Je dois confirmer en extérieur. A mon sens, mes performances indoor, malgré mon grand gabarit, prouvent que je peux faire mieux en plein air.
Vous êtes passé cette année de huit à sept foulées avant la première haie. Expliquez-nous ce changement technique capital...
Ce changement me rend beaucoup plus performant. Avant, je me faisais laminer au départ. Je ne revenais qu'à la deuxième ou troisième haie. Désormais, dès la première haie, je suis devant. C'est une nouvelle sensation, pas désagréable. Depuis 2007, tous ceux qui ont fait moins de 13 s sur le 110 m haies ont tous procédé à cette modification technique. A 8 foulées, on est obligé de se rétrécir, c'est juste. Quand on parvient parfaitement à placer 7 foulées, on peut se libérer. Pour cette nouvelle génération, maîtriser le passage de 8 à 7 foulées équivaut à maîtriser à l'époque la technique du Fosbury au saut en hauteur. Il s'agit d'une véritable révolution de ces cinq ou six dernières années.
Pensez-vous avoir franchi une étape dans votre carrière ?
Avec mes 13 s 12, réalisées au Stade de France l'an passé, j'ai passé un cap. Depuis, j'ai été énorme à chaque course, hors blessure bien entendu. A ma première vraie course de rentrée, je réalise 7 s 45 à Mondeville. J'ai aujourd'hui un acquis. Je peux rêver de médailles. A Istanbul en 2012, j'étais un bébé. Je découvrais, je regardais les autres athlètes. Maintenant, j'arrive certain de ma valeur. Je n'ai plus rien à craindre. Ce sont les autres qui peuvent me redouter. C'est pas mal ça. Cela induit un nouvel état d'esprit.
Visez-vous l'or cet été lors des prochains championnats d'Europe à Zürich ?
Récemment, le Russe Shubenkov a déclaré qu'il dominait l'Europe depuis deux ans. Je l'ai battu en février lors du meeting indoor de Birmingham. Je vais clairement lui montrer que tout cela est fini. Je suis capable d'être champion d'Europe à Zürich (12 au 17 août). J'y vais pour l'or.
La nouvelle génération de l'athlétisme français, dont vous faites partie avec notamment le décathlonien Kevin Mayer ou encore le coureur de 800 m Pierre-Ambroise Bosse, n'est-elle pas attendue au tournant en Suisse ?
Zürich est en effet l'occasion de confirmer notre jeunesse performante. Sopot n'a clairement pas été l'objectif de beaucoup. Les championnats d'Europe de Barcelone en 2010 avaient été exceptionnels. Nous pouvons compter sur de nouveaux athlètes qui sortent de nulle part. C'est bien de commencer par l'échelon européen, plus accessible, pour progresser.
L'an passé, vous êtes revenu émerveillé par un stage en Californie. Où se situe votre avenir ?
J'ai été, il est vrai, impressionné par la qualité des infrastructures – les salles de musculation, les stades – axées pour la performance. Un championnat universitaire attire autant de monde que des Mondiaux. Les athlètes américains ont l'habitude de ces grands rendez-vous et sont donc complètement relax en grand championnat. Et puis, que dire du climat californien, propice à l'athlétisme... Aujourd'hui, si je gagnais à l'Euromillions et si je pouvais emmener mon coach, je m'exilerais peut-être.
Le top du top serait d'avoir mon entraîneur dans les conditions de travail américaines. Il faut savoir que tous les athlètes étrangers qui vont s'entraîner aux Etats-Unis le font à leurs propres frais, à l'exception de ceux qui peuvent intégrer une université. Comme j'ai un contrat avec un équipementier, je n'entre pas dans ce critère. Les Etats-Unis entrent plus dans la catégorie du rêve que du projet.