Le serpent cosmique : de Jérémy NarbyAprès cette lecture, vous ne regarderez plus jamais les arbres qui vous entourent de la même manière. Et vous aurez passé un excellent moment à voyager au coeur de l'Amazonie
La vérité n'est pas ailleurs... Au début des années 80, un jeune étudiant en anthropologie par en Amazonie vivre dans un village indien pour les besoins de sa thèse. Il est Suisse, mais a obtenu une bourse pour faire son doctorat à Stanford. Idéaliste, il veut se servir de ses recherches pour démontrer que les indiens utilisent les ressources de la forêt de façon rationnelle et durable afin de les aider dans leur combat contre la déforestation grandissante et l'expropriation de leurs terres décidées par leurs gouvernements. Pour ce faire, il choisit comme sujet la pharmacopée indienne et commence à recenser les différents médicaments et traitements que les indiens utilisent. En cela, il ne fait que suivre la trace des grands laboratoires pharmaceutiques qui depuis la fin des années 60 pillent le savoir pharmacologique indien pour déposer ensuite des brevets. L'exemple le plus flagrant est le curare. Développé pour les besoins spécifiques de la chasse en milieu forestier, il est utilisé quotidiennement en chirurgie pour anesthésier les patients. Lors de son étude, Jérémy Narby va être confronté à un problème majeur. Alors qu'il observe les effets de substances extrêmement complexes (association de différentes plantes afin de neutraliser des enzymes, préparations longues afin d'évacuer des éléments toxiques...) et leur très réelle efficacité, qu'il va expérimenter en faisant soigner une douleur chronique du dos dont même une opération ne l'avait pas soulagé, il ne peut croire les praticiens indiens quand ils lui disent tenir leur savoir des plantes elles-mêmes. Il sait que la bio diversité de l'Amazonie n'est pas compatible avec un savoir aussi complexe s'il ne résulte que de la seule démarche empirique. Mais il sait aussi que les plantes ne parlent pas. Même avec l'aide de substances psychotropes. Il sait que les hallucinations sont générées par le cerveau et qu'elles n'ont pas de réalité. Il rejette donc les explications qui lui sont données sur la source du savoir, mais compile quand même le savoir lui-même, une petite partie tout du moins, soutient sa thèse, rentre en Suisse, travaille pour une association qui aide les populations indigènes à lutter contre les expropriations, se marie et devient père de famille. Des années plus tard, en 1992, lors de la préparation du Sommet de la Terre à Rio, il va rencontrer d'autres anthropologues, mais aussi de nombreux biologistes, certains travaillant pour des laboratoires, qui tous tiennent le même discours : le savoir indien est réel, immense, aussi complexe que celui produit avec les méthodes et outils les plus modernes de la science occidentale, mais franchement, on ne peut les prendre au sérieux quand ils disent communiquer avec les plantes aux moyens de drogues hallucinogènes. C'est à ce moment que naît l'idée du livre. Jérémy Narby décide de poser les termes de ce paradoxe scientifique. Il ne pense pas alors arriver à une réponse satisfaisante, il estime juste que cette impasse épistémologique mérite d'être étudiée. Et pour cela, il doit comprendre le cheminement de la pensée médicale indienne. Il n'a donc plus le choix, il va devoir prendre les indiens au sérieux. Je vous arrête si vous pensez à une énième redite de Castaneda. Jérémy Narby est un homme sérieux, qui ne cherche pas à être convaincu et qui n'a rien d'un mystique. Il va seulement découvrir des similitudes plus que troublantes entre la communication des plantes et des humains et les découvertes occidentales sur la génétique et l'ADN. Il va revenir de son voyage persuadé que les indiens ont bien des microscopes, simplement ils utilisent leur propre corps au lieu d'outils de verre, de plastique et de métal. Il va aboutir, non pas à une nouvelle religion, mais à une nouvelle façon de percevoir les liens et les filiations entre les êtres de cette planète, fussent-ils animaux, végétaux ou minéraux. Au final, ce livre est assez convaincant, mais même si vous n'adhérez pas à toutes ses conclusions,vous ne regarderez plus jamais les arbres qui vous entourent de la même manière. Et vous aurez passé un excellent moment à voyager au coeur de l'Amazonie grâce aux qualités de guide hors pair de Jérémy Narby. |