La possibilité d'une aube
Peut-on rire de tout ?
Sans doute pas, et pourtant un seul petit verre de rosé en regardant le soleil se coucher sur les monts du Luberon et l'esprit vagabonde autrement, trouve à sourire de la tragédie, voire de la souffrance et des difficultés qui d'un coup ne donnent à voir que leur absurdité.
Depuis quelques semaines j’ai du mal à écouter les infos Françaises, agacée qu'elles soient si peu informatives et tellement mensongères sur ces questions qui vont de la prise en compte de l'humain, à ce système économique global qui bien qu'ayant démontré son inaptitude sera bientôt remis sur pieds, comme « s'ils » ne pouvaient, à gauche comme à droite, concevoir d'autres systèmes que ceux dont ils ont l'habitude ou qui leur profitent si bien.
Des petits faits-divers donc et un ronronnement médiatique coutumier des vacances, bref Clochemerle dans la petite lucarne.
Crise intégrée, guerres, famines, maladies, révolutions et injustices peuvent perdurer, aucune communion nationale ni révolte pour pleurer des disparus qui chaque jour s'ajoutent à des listes déjà longues.
Heureusement il y a des soleils flamboyants pour croire qu'un jour le monde sera bon, et des enfants pour encore dire : Quand je serai grand je serai inventeur !
Heureusement il y a la possibilité du vin.
Juste un peu, quelques gorgées à peine, pas de quoi faire hurler les ligues anti-alcool. Heureusement l'absurde a toujours sa place et me fait sourire même de ce qu'il ne faudrait pas.
Exemple ? La simple idée que le gouvernement soit parvenu à mettre la France entière sur le trottoir m'emplit de jubilation. Ouvriers, SDF, lycéens, universitaires, médecins ou avocats, tous identiques sur le macadam. Quelques gorgées d'un vin frais sur le plateau de Valensole et cette France arrimée aux trottoirs m'enchante comme un 14 juillet qui aurait pris le pouvoir, un trou dans un pantalon, un bras d'honneur à tous les intégrismes. C'est Ubu, Jésus et Raspoutine qui déclinent à joie en veux-tu et à plus en pouvoir sur tous les frontons « maisons closes ». Vous suivez ?
Les gens dans les rues revendiquent leurs désirs dans un joyeux bordel tandis que les maisons dites de joie, abusivement appelées « maisons closes », sont maintenant réellement closes et vides de chair et de sens. Sens interdits, sens dessus dessous que les fumeurs se réapproprient sur les trottoirs, terrasses improvisées où ils se reconnaissent comme frères : de résistance, de plaisirs, de femmes et d'hommes qui passent. Si tant est que le plaisir est source de vie. Ce que je crois absolument. Qui pourrait ne pas y croire. Pas vous qui vous demandez où je veux en venir, avec quelque part sans doute, le désir d'en faire autant. Dire, dire librement et en vrac l'absurdité des choses et leur nécessité.
Vous voyez où un seul petit verre de rosé nous mène? Me mène ? En sera-t-il autrement lorsqu'un décret rejeté, mais qui une autre fois, en période de vacances, sera voté en douce et permettra que cette vinification particulière du rosé, devienne un simple mélange de vin blanc et de vin rouge au risque de mettre sur le trottoir (toujours on y revient) des vignerons qui s'évertuent à donner des lettres de noblesse à ce breuvage d'entre deux couleurs.
Alors au risque de déplaire, je veux avec Omar Khayam, Baudelaire, Rimbaud et les autres, boire encore un peu à la beauté du monde, si terrible soit-il. D'autant que je ne peux toujours pas m'intéresser aux infos édulcorées qui surfent sur les ondes. À ces manipulations des masses qui suintent des paroles, sourires et regards de présentateurs pareils à des enfants respectueux des pouvoirs hiérarchiques qui les mettent en place.
Impossible d'apprécier ces faux penseurs, ni ces dirigeants de nations dont pas un seul n'a en tête autre chose que sa propre gloire et son maintien au sommet. Ces représentants dont le capitalisme à tous crins est à l'origine des désastres actuels, et qui aujourd'hui récupèrent à leur profit un fantasmatique sauvetage planétaire. On se croirait revenu aux mauvais temps des Révolutions françaises et mexicaines où les bourgeoisies détournèrent à leur profit les nouveaux acquis.
Mais, et heureusement, Joshua est là, et je me dis qu'il y a des milliers d’enfants, des milliers de Joshua, de Mansour et de Tristan, et qu'avec eux, grâce à eux, demeure la possibilité d'une aube.