Iran : Les incompétents de Washington
Par Lucie
Je vous entretenais dans un précédent article de la situation explosive (c’est le cas de le dire) qui entoure l’Iran. On entend en général les uns et les autres rejeter le blâme de cette situation, qui sur les israéliens avec leur capacité nucléaire, qui sur l’Iran et sa volonté de puissance, voire sur les russes qui encouragent le régime iranien ou sur les États-Unis et leur politique de domination mondiale. Selon les affinités et la position de chacun, la faute est rejetée sur l’autre, forcément fou, impérialiste ou que sais-je encore.
Le fait est que si faute il y a, elle est à mettre exclusivement sur un petit groupe de personnes qui se sont plantées monumentalement il y a une quinzaine d années. Ces personnes auraient été ressortissantes d’un pays « normal » cela n’aurait pas eu tellement de conséquence à l’échelle mondiale. Malheureusement, ces incompétents sont américains, et en mettant à mal l’hégémonie américaine ils ont tout simplement mis en marche une redistribution des cartes mondiales dont la possible confrontation avec l’Iran serait une conséquence directe.
Revenons en arrière, nous sommes en 1997 : les Etats-Unis sont le « gendarme du monde ». Le monde n’est pas parfait, loin s’en faut, mais il est stable, au point que l’on pense pouvoir se diriger vers une gouvernance mondiale. De plus, le pays qui tire les autres est une nation dont les valeurs phares sont la démocratie, la liberté individuelle et le progrès. Dans les faits, ces valeurs sont mises à mal, c’est une évidence, mais c’est l’idéologie vers lequel on tend.
Des néologismes comme « droit-de-l’hommisme » n’ont pas encore été entendus et le relativisme culturel n’est pas encore une excuse pour les exactions commises.
Je me permets de le rappeler pour ceux qui pensent qu’un monde plus « équilibré » est un monde meilleur : le jour où les valeurs de la Chine sont devenus des modèles à suivre fut un jour où les valeurs de l’humanisme ont nettement reculées.
Cela étant dit, aux États-Unis, certains s’inquiètent. De la Chine justement. A l’époque c’est le pays dont les « stratèges » américains redoutent une montée en puissance qui pourrait mettre à mal la domination américaine.
Une idée commence alors à germer : pour mater la Chine, il faut s’assurer qu’elle n’a pas accès aux ressources énergétiques mondiales sans passer par les Etats-Unis. Une des façon de le faire est de briser les Etats Nations du Moyen-Orient, ainsi ils ne pourront pas s’organiser mieux qu’ils ne le sont actuellement. La région sera plongée dans le chaos mais rien qu’une bonne compagnie de sécurité ne puisse gérer. Les Etats unis pourront donc s’y implanter, contrôler les ressources et avoir les mains libres pour dompter les chinois.
Dit clairement, la recommandation qui va être faite est :
« D’activer les rivalités ethniques, tribales et religieuses de la région ».
D’un point de vue moral, c’est ignoble. D’un point de vue pratique c’est débile.
Au delà des actions discrètes qui vont êtres menées par les services, la première véritable action de déstabilisation régionale est la guerre d’Irak.
Sans revenir en détail sur le processus, il suffit de voir que l’Irak d’aujourd’hui est un agglomérat d’intérêts particuliers, religieux, ethniques et tribaux.
Où cela devient délicat, c’est que les principales ressources énergétiques de l’Irak sont dans des zones à dominance chiites.
Et c’est là que la question « qui à gagné la guerre d’Irak ? » prend toute sa saveur : la réponse correcte est l’Iran.
Jusqu’en 2003, l’Irak n’était une menace que pour un seul pays, l’Iran. Cette frontière hostile pompait une bonne partie de ses ressources. En 2012, l’Iran a pour voisin un pays en faillite dont une grande part de la population est naturellement portée à se rapprocher de ses « frères chiites ». Débarrassé de la menace, l’Iran peut mettre une partie de ses ressources à se rapprocher des chiites de Bahreïn et d’Arabie Saoudite. Pour cette dernière, sa population chiite vit elle aussi dans les principales zones pétrolifères.
Or l’Iran est un des rares pays de la région à être relativement homogène ethniquement et religieusement. C’est aussi un des seuls dont le gouvernement peut se targuer d’une certaine légitimité démocratique. Bref, c’est le seul avec Israël à être presque immunisé contre une telle politique de déstabilisation.
En fait si Dick Cheney et Donald Rumsfeld étaient des agents iraniens implantés de longue date avec « made in Iran » gravé sur leur ADN, ils auraient agis exactement comme ils l’ont fait.
Les monarchies sunnites du Golfe l’ont mauvaise, on les comprend. Ils ont vue la montée en puissance de l’Iran en convergence avec la destruction de l’Etat irakien, la partition du Soudan, l’agitation remonter le Nil pour atteindre l’Egypte… les révolutions étant contagieuses, surtout quand le terrain est bien préparé, elles se répandent en Syrie, à Bahreïn et au Yémen (encore que cela ne change pas grand chose pour ce pays). La Lybie participe de ce même mouvement et le Sahel est à son tour entraîné.
Le pire est que lorsque les néo-conservateurs (pour les nommer) sont tombés en disgrâce, la politique qu’ils avaient lancée ne pouvait plus vraiment être arrêtée.
Aujourd’hui, les monarchies sunnites savent qu’elles sont en sursis. Et pour peu qu’elles trouvent de nouveaux incompétents influents, elles pourraient bien faire croire à la, (encore), première puissance mondiale qu’il est dans son intérêt de faire la guerre à l’Iran.