Harcèle le pain
et sauve les femmes !
Par Ghada El-Wakil, observatrice
Manifestation de femmes Egyptiennes entrées en résistance contre les islamistes qui les agressent et les violent, les humilient.
En Égypte les agressions sexuelles contre les femmes se multiplient tandis que les Frères musulmans souhaitent leur ôter leurs « droits » à être libre.
En Egypte, le pain c’est sacré. Le pain et le sel, d’ailleurs.
Il existe un lien entre les Egyptiens et ces produits, un lien qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde. Le lien du pain, du blé, de la terre et du sel, fils de la mer. Si on a mangé ensemble, on est lié pour la vie. Aujourd’hui les femmes Egyptiennes reprennent ce symbole collectif comme une bannière contre les abus de pouvoir contre elles.
C’est comme ça.
Importuner une marchande de pain, c’est pratiquement sacrilège. Car la marchande de pain est sacrée elle aussi... figure mythique, personnage légendaire, thème archaïque... avec au centre une seule pensée : la solidarité et le respect d’autrui.
Depuis des millénaires, les Egyptiens se respectent mutuellement, le pain qu’ils partagent les unissant. On ne trahit jamais quelqu’un avec lequel on a le lien du pain. Et pourtant c’est exactement ce qui se passe... depuis un moment. Le lien du pain est violé tous les jours, partout, et très violemment. Car, s’il y a une offense impardonnable en Egypte, c’est bien le harcèlement de la femme. L’Egypte majestueuse, qui, jadis, orna les têtes de ses prestigieuses femmes de couronnes, aujourd’hui les méprise. Trahissant ainsi le lien sacré.
Des hordes organisées de prédateurs assoiffés de chaire, bêtes humaines armées de poignards tranchants, et d’un vocabulaire non moins tranchant, jeunes et moins jeunes, déambulant comme téléguidés, comme abrutis, comme conditionnés, dévorant avec grossièreté la liberté et l’innocence de millions de femmes et jeunes filles humiliées, angoissées, révoltées. Toutes y passent .
Les copieusement corpulentes, les magnifiques des beaux quartiers, les étudiantes au triple voile gonflants, les jeunes, les vieilles, les belles, les moches, les gentilles et les méchantes .
Des harceleurs professionnels, surentraînés, longeant les rues, introduisant leurs mains et leurs bras sous les robes et les jupes... et même sous les couches noires épaisses du voile intégral... à la recherche instantanée d’un contact charnel. Un instant de déshonneur. Et la femme égyptienne riposte. Elle refuse de devenir le cliché abaissant de la femelle-objet, le corps sans âme, la grande COUPABLE aux yeux de certains pervers, qui l’accusent d’être la cause de ce harcèlement. Non mais... Accusées de susciter les envies charnelles, si elles ne s’appliquent pas à des règles vestimentaires des bédouines d’il y a deux mille ans. Même pas d’ici.
Et pourtant, plus de 90% des victimes de ces contacts non désirés, s’y appliquent…, lâchement.
Mais, les pervers persistent. Ils exigent qu’elles soient confinées, ces sales créatures répugnantes. “Qu’on les enferme chez elles ces allumeuses”, crient les vieux barbus -de formation douteuse- sur la toile. “Qu’on les enferme ces pétasses qui obligent les pauvres jeunes hommes purs et démunis à pêcher du regard’. Et du toucher aussi. Non? Le lien sacré du pain est brisé.
Injustement culpabilisées de la criminalité de ces armées de violeurs, sortis on ne sait d’où et dirigés on ne sait par qui, (mais certifiée par l’armada anti-Gillette de la toile) -et en attendant de démasquer les meneurs-, les femmes et les jeunes filles égyptiennes boudent le pain. Et en guise de sel, désormais elles ne se déplacent jamais sans poivre. Le lien du “pepper spray”.
En Orient, on mange très épicé. Ils sont fous ces Egyptiens.
Egypte : plaidoyer des Frères contre l'égalité des femmes
Par Anne-Laure Frémont
Accorder trop de droits aux femmes et en faire les égales des hommes conduirait à «la destruction totale de la société» égyptienne. C'est ce que déclarent sans équivoque les Frères musulmans, dont est issu le président Mohamed Morsi. Dans un communiqué publié cette semaine sur son site internet officiel, Ikhwanweb, la confrérie s'oppose en effet à un texte devant être adopté ce vendredi à l'ONU à l'issue de deux semaines de discussions «contre la violence faite aux femmes».
Dans leur réponse, les Frères musulmans estiment que le document onusien est «trompeur», qu'il «inclut des articles qui contredisent les principes établis de l'Islam, réduisent à néant la moralité islamique et détruisent la famille, base de la société». Pour eux, ce texte serait même «la dernière étape de l'invasion intellectuelle et culturelle des pays musulmans».
Nécessité «de demander l'accord du mari pour voyager»
Pour justifier ses propos, la confrérie expose dix arguments. Elle s'oppose par exemple à l'«octroi aux filles d'une liberté sexuelle totale», à «l'égalité totale dans la législation du mariage», à «la fourniture de contraceptifs aux adolescentes», à «l'annulation de la nécessité de demander l'accord du mari pour voyager, travailler ou utiliser des moyens de contraception», à «la protection et au respect aux prostituées» . Les Frères dénoncent également le fait d'«accorder à l'épouse le plein droit de poursuivre en justice son mari pour viol ou harcèlement sexuel» ou encore le fait de «retirer au mari l'autorité du divorce pour la placer dans les mains de juges».
Depuis leur arrivée au pouvoir, après la chute du régime de Hosni Moubarak en 2011, les Frères musulmans se montraient, sinon rassurant, du moins évasifs sur la question des droits de la femme. Morsi, lui-même, se présente comme un modéré. Mais avec ce communiqué, la confrérie expose pour la première fois de manière explicite ce que doit être, selon elle, la place de l'Egyptienne dans la société.
Le gouvernement prend ses distances
Dans une interview réalisée jeudi et révélée par le quotidien américain The New York Times, Pakinam El-Sharkawy, conseillère politique du président Morsi, prend ses distances vis-à-vis de la déclaration des Frères, qui, selon elle, ne parlent pas au nom du président.«Ce n'est pas l'institution de la présidence, et ce n'est pas une entité officielle», assure-t-elle. Les Frères musulmans ont en effet une vitrine politique, le parti de la Liberté et de la Justice (PLJ, au pouvoir), que dirige Morsi. Le régime fait tout pour «mettre fin à toute forme de violence à l'égard des femmes», ajoute Pakinam El-Sharkawy.
Pourtant, depuis l'arrivée à la tête de l'Etat de ces derniers, mais aussi de groupes fondamentalistes (les salafistes d'Al-Nour sont désormais la deuxième force politique du pays), nombreux sont ceux qui s'inquiètent de voir le pays devenir plus conservateur et patriarcal. Pour Ghada Shahbandar, de l'Organisation égyptienne des droits de l'homme - citée par le quotidien américain, «c'est la première fois que nous les entendons tenir ce genre de propos sur la scène mondiale, mais cela fait partie de leur rhétorique depuis des lustres».
Egypte : le calvaire des femmes violées et harcelées