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Michèle Perret
«L’art de raconter des histoires
et le goût des mots»
A l’heure de la retraite, Michèle Perret retourne à ses premières amours, l’art de raconter des histoires et le goût des mots qui, tels les grains de raisin parvenus à maturité, se sont gorgés de sa passion de vivre pour éclater au soleil de l’automne…
Depuis, elle a publié deux romans et un recueil de nouvelles.
Agrégée de lettres modernes, docteur ès Lettres et sciences humaines Michèle Perret a exercé la presque totalité de sa carrière comme professeur à l’Université Paris X – Nanterre et publié de nombreux ouvrages et articles de linguistique et d'histoire de la langue française. Médiéviste, linguiste, sa thèse portait sur les embrayeurs de lieu en Moyen français. Puis ses recherches se sont axées sur la promotion, l’édition et la traduction de récits du Moyen Age ; la narratologie, principalement dans ses débuts entre le XIIe et le XVe siècle ; la linguistique de l’énonciation ; l’histoire de la langue française. Michèle a également exercé des responsabilités éditoriales aux éditions Armand Colin (direction scientifique de la branche linguistique de la collection Cursus).
Fille des dunes et de la mer.
D’un tempérament fougueux, enthousiaste et frondeur, Michèle Perret a la répartie facile, son humour à fleur de sourire est indissociable de son regard d’eau claire : elle manie le verbe, à l’oral comme à l’écrit, avec faconde.
Michèle Perret qui se présente comme citoyenne du monde, est née à Oran. Elle grandit dans le domaine agricole familial de Mercier-Lacombe qui va nourrir son imaginaire et la greffer à une sorte d’inconscient collectif dont elle ourle son écriture.
Elle porte longtemps, telles les bribes d’un kaléidoscope éclaté, des notes sur ce temps de l’enfance coloniale,…
Le domaine agricole de Mercier-Lacombe (Algérie)
« ... comme une inondation, les vagues de l'oued vont déposer partout de vieux déchets qu'on récupère et rafistole. Une grande colère de la terre, tout est emporté, roulent boueux les pauvres objets où nous nous accrochions.
Là où le flot est passé, la terre est redevenue pure, le soleil commence à craqueler de grandes plaques d'argile. Nulle ombre, nulle trace.
Plus tard repoussent d'autres herbes. » (Citation extraite de son roman « Terre du Vent » chez l’Harmattan)
Michèle Perret, enfant, à la source
… tandis qu’elle épie les êtres, les siens, et ceux de l’entourage, la vie ; absorbe à s’en gorger à satiété, le tellurisme de cette terre natale qui, presqu’à son insu, l’estampille. Pour preuve, la femme de lettres qu’elle deviendra, s’intéresse principalement au Maghreb colonial et postcolonial (et plus spécifiquement à l’Algérie). Se reporter sur le site de Babélio où elle consigne ses critiques sur la littérature maghrébine.
http://www.babelio.com/auteur/Michele-Perret/
Nomade des mots et des lieux.-
Fougueuse , drôle et indépendante, Michèle développe très tôt un appétit de vivre hors contrainte et hors limite. Du reste, si elle vit à Paris ce n’est certes pas en sédentaire ! A peine déboucle-t-elle ses valises qu’une nouvelle destination s’affiche : Marseille, fief de son mari Henri Jacquier (il n’aime pas en rester longtemps éloigné), ou l’île Maurice où s’épanouit sa petite fille au pittoresque surnom de Zouille, ou encore les USA, pour ce qui est des lignes les plus fréquentées.
«Parfois je voudrais dire stop !» s’exclame-t-elle de sa belle voix profonde, moirée de soleil.
Michèle est une grande femme, blonde, au teint clair. Je l’imagine dans l’amphi à Nanterre du temps où elle y exerçait sa fonction de « prof » et je suis sûre qu’elle en imposait. De ses années universitaires, elle a acquis de l’assurance et il semblerait que rien ne puisse la désarçonner.
Aux années bouillonnantes de la jeunesse, a succédé la sérénité … « ou presque ! » reprend-elle en riant. Michèle vit en accord avec la vie qu’elle s’est bâtie.
Un premier mariage quand elle a vingt-sept ans sera éphémère. La situation du couple, est plutôt atypique (on est en plein bouleversements après mai 68) : pour des raisons professionnelles, ils ne partagent que les week-ends et les vacances. Quand finalement survient l’opportunité de vivre ensemble à plein temps, les habitudes sont prises et la cohabitation s’avère impossible. Il y a divorce, mais sans conflit. On est intellectuels !! Et puis il n’y a pas d’enfant…
« Deux choses m’ont vraiment faite évoluer à cette époque : ma vie de célibataire donc la liberté et le temps à utiliser que cela me procurait. A la quarantaine, j’ai subi une intervention (je souffrais d’une affection rénale chronique handicapante) qui a changé ma vie : je n’étais plus fatiguée, je me sentais capable de tout. Capable ! C’est alors que j’ai soutenu ma thèse. Ma vie de femme s’en est trouvée boostée.»
Michèle Perret, qui n’a alors pas encore rencontré l’homme de sa vie, s’épanouit dans le célibat, les amitiés, les séjours universitaires à l’étranger, en divers lieux aux States (Los Angeles, Bâton-Rouge, Philadelphie, Amherst University) ou en Europe: Madrid, Murcie, Helsinki… Car Michèle est une sommité dans son domaine : la linguistique.
Michèle Perret, à Washington…
Le groupe de linguistique romane (1971-1980)
Médiéviste et linguiste, Michèle Perret a publié plusieurs ouvrages de linguistique dont une Introduction à l'histoire de la langue française (Armand Colin) qui fait référence sur le plan international, et des traductions de récits médiévaux.
Et, toujours passionnée, elle raconte :
« J’ai passé mes années de lycée dans une institution catho… Sans commentaire ! Et puis je suis entrée à la Sorbonne. J’avoue que mon orientation vers la linguistique historique est due au hasard… J’avais choisi au départ la linguistique moderne. Mon mémoire de maitrise concernait la notion de fautes de français. C’était une sorte de classification savante des fautes. »
Fin 1970, la vieille Sorbonne n'est plus la seule faculté de lettres de Paris. Nanterre (Paris X) avait été fondé en 1965 pour désengorger Paris, Vincennes (Paris VIII), faculté expérimentale, est créé après 1968 par Edgar Faure pour répondre aux revendications étudiantes…
« Rentrée 1971, j’ai une thèse inscrite à Nanterre avec Robert-Léon Wagner, qui enseigne l'ancien français. Dans les nouvelles universités, la linguistique a fait sa percée, des départements se sont créés, se séparant de ceux du français. La linguistique des années 1970-1971 est distributionnelle…
C'est l'époque du "structuralisme militant" que les plus virulents des conservateurs appellent la "linguistique marxiste" !
En mai 1971, un article de Jean Batany dans Langue française" Ancien français, méthodes nouvelles", fait le point sur les travaux inspirés par la linguistique : les plus nouveaux tentent d'appliquer la méthode structurale aux descriptions phonétiques, morphologiques et lexicologiques. On s'interroge sur les facteurs d'évolution d'un système à un autre, on jette les premières bases d'une linguistique computationnelle, quelques audacieux se demandent comment concilier l'ordre des mots de l'ancien français avec la grammaire transformationnelle …
Michèle Perret à Saint-Pétersbourg…
C'est dans ces conditions que se formera à la fin de l’année 1971 notre groupe de chercheurs médiévistes. Nous découvrons alors l'intrication d'une langue : un sujet entraîne tous les autres, il faut se mettre au clair sur la question des cas, de l'ordre de mots, des attaques de phrases, du statut discursif etc.
Très rapidement, nous serons hébergés par le Département de Recherches Linguistiques (DRL) de Paris VII, qui nous procure un petit bureau avec une vue superbe dans la tour de Jussieu et les moyens d'acheter un dictionnaire (le Godefroy, quand même !). Nous choisissons alors le nom de notre groupe (Linguistique Romane), et dans le creuset du DRL, nos conceptions s'affinent. Une occasion nous est donnée de nous faire connaître des linguistes : un colloque organisé en décembre 1974 par les départements de linguistique de Paris VII et Paris VIII. Nous présentons là notre manifeste, ce sera "L'objet ancien français et les conditions propres à sa description linguistique", l'aboutissement, pour le groupe, de plusieurs années de lectures, de discussions et d'approfondissement. »
Consciente que sa présentation est bien trop technique pour la profane (pour ne pas dire l’ignorante) que je suis, Michèle conclut :
« Tout cela, pour rendre compte de notre état d'esprit. Nous voulions penser conjointement notre discipline, avec le désir de l'associer aux progrès contemporains des sciences humaines, et la ferme intention d'y prendre bien du plaisir. »
(Je renvoie les lecteurs plus éclairés à un article qu’elle a publié en 2006 dans A la quête du sens, Etudes littéraires, historiques et linguistiques en hommage à Christiane Marchello-Nizia, C. Guillot, S. Heiden, S. Prévost, éds. Lyon, publications de l'Ecole Normale Supérieure, 16-20)
J’ai retenu de cet entretien sur la linguistique que ce sont les femmes qui font le plus évoluer la langue : les hommes seraient grégaires, tandis qu’elles, elles briguent plutôt le statut social.
Un brin charmeuse, tandis qu’une belle lumière filtre par les baies de son appartement parisien, près de Michel-Ange Molitor, Michèle ramène l’entretien à ce qui, aujourd’hui, est son principal centre d’intérêt : l’écriture littéraire.
La touche étoile…
«En lisant «La Touche étoile» de Benoîte Groult, je me suis dit et pourquoi ne pas t’y mettre, toi aussi?»
Il y a déjà quelques années, Michèle avait publié chez Flammarion La légende de Mélusine, un roman pour adolescents. En 2010 parait à l’Harmattan Terre du vent, un récit inspiré de son enfance. Chapitre après chapitre, comme on feuillette un vieil et cher album rempli de photos précieuses, on s'attarde sur les mots qui font naître les images... on sent éclore une source, monter une émotion, et on n'a surtout pas envie de terminer le livre... et puis là, la dernière page tournée, une pluie sur le visage si douce, une caresse qui arrive de si loin, du pays mystérieux de l'enfance, dans le berceau de l'inconscience qui prend là ses racines souterraines et aériennes, de lumière et de vent, de terre et de légendes, de vieilles peurs et d'espérance... Et sous ce ciel trop bleu qui musèle encore la tourmente, Choune, la jeune héroïne, s’éveille au bonheur de vivre, de ressentir, toute pétrie de cette terre algérienne qui ne laisse aucun de ses enfants indemnes, mais dépose une empreinte de feu dans les âmes.
Cette année, elle a récidivé chez le même éditeur avec un recueil de nouvelles D'ocre et de cendres, Femmes en Algérie (1950- 1962). Elle y raconte le destin fracassé de femmes, semblables à des aquarelles toutes de délicatesse. Elle dit en quelques mots l’indicible des éblouissements amoureux, des chagrins silencieux, des espoirs avortés, ces vies de femmes entre chien et loup, pénombre propice aux faux oublis, aux rêves inversés…
Cette année, elle a également collaboré aux Histoires minuscules des révolutions arabes sous la direction de Wassyla Tamzali aux éditions du Chèvre feuille étoilée.
Un prochain roman est en gestation alors qu’elle vient de terminer les Contes pour Zouille, illustrés par son amie Kay Wernert.
Mais… et l’amour ?
« Un jour, une de mes amies me téléphone : ″Je t’invite à déjeuner avec quelqu’un extra. Surtout ne te défile pas : il est fait pour toi !″ C’était Henri … »
Cela fait près d’une vingtaine d’années…
Et effectivement, Henri n’est pas n’importe qui. En plus d’être très bel homme et d’une exquise courtoisie, ce marseillais, ingénieur de l’Ecole Nationale supérieure de Géologie de Nancy (1959) et de l’Ecole Nationale supérieure du Pétrole (1960) avec Maîtrise de la Faculté de Droit de Nancy (1960)- MBA Harvard Business School (1967), après quelques années de collaboration au sein de filiales du groupe Schlumberger et de l’Institut Battelle a rejoint le groupe Cousteau comme conseiller administratif et financier de 1971 à 1999. Il est l’auteur, avec le Commandant Cousteau, d’un pamphlet, «Français, on a volé ta mer» (Robert Laffont, 1981).
Alors Michèle, le mot de la fin : comment vous percevez-vous?:
«Pas facile… je me vois comme une marante, très tournée vers l’amitié, un peu paresseuse et très affective…»
©Mahia Alonso
Bibliographie
Ouvrages littéraires
La légende de Mélusine, Paris, Flammarion, (Castor poche junior), 1997
Terre du vent, une enfance dans une ferme algérienne (1939-1945), Paris, L’Harmattan, 2009
Histoires minuscules des révolutions arabes, collectif, sous la direction de Wassyla Tamzali, Montpellier, Le Chèvre feuille étoilée, 2012.
D’ocre et de cendres, femmes en Algérie (1950-1962), Paris, L’Harmattan 2012
Ouvrages scientifiques et traductions
Introduction à l'histoire de la langue française, Paris SEDES, 1998 ; troisième édition revue et mise à jour, Armand Colin (Cursus), 2008, 204 p.
Renaut de Beaujeu, Le Bel Inconnu, texte et traduction présentés par Michèle Perret, Paris, Champion, 2003, 340 p.
L'énonciation en grammaire du texte, Paris, Nathan (128), 1996
Renaud de Beaujeu, Le Bel Inconnu, traduit de l'ancien français par Michèle Perret et Isabelle Weill, Paris, Champion, 1991, 112p.
Le signe et la mention : adverbes embrayeurs CI, CA, LA, ILUEC en moyen français (XIV-XV° siècles),Genève, Droz, 1988, 294 p.
Jean d'Arras, Mélusine, roman du XIV° siècle. Préface de Jacques Le Goff, traduction et postface de Michèle Perret, Stock, 1979, 334 p2.
Numéros de revues scientifiques et recueils collectifs (direction)
LINX : Linguistique de l'énonciation, approche diachronique, Paris, 1995.
LINX : Les français professionnels, Paris X, 1992 (En collaboration avec F. Cusin-Berche)
Mélanges ... à la mémoire de A. Lerond, numéro spécial de la revue LINX - Paris X, 1991. (En collaboration avec André Eskenazi)
Le nombre du temps, en hommage à Paul Zumthor, Champion-Slatkine, Paris, 1988. (En collaboration avec Emmanuelle Baumgartner, Françoise Ferrand, Christiane Marchello-Nizia.
Moyen Age flamboyant, XIV°-XV° siècles, Revue des Sciences humaines(183), Lille III, 1981-3. (En collaboration avec Christiane Marchello-Nizia).
Grammaires du texte médiéval, Langue française (40)Décembre 1978. (Encollaboration avec Jacqueline et Bernard Cerquiglini, Christiane Marchello-Nizia).
http://www.pluzz.fr/10-minutes-pour-le-dire-2012-06-06-10h00.html
http://www.polemic-info.com/2012/03/de-la-nostalgie-douce-au-terrorisme/
http://www.passagedulivre.com/livre-116858-d-ocre-et-de-cendres--femmes-en-algerie-1950-1962.htm?couleur_choisie=1
http://nananews.fr/fr/munitions-litteraires/2860-docre-et-de-cendres