Tunisie Après le printemps l’hiver
Tunisie: Après le printemps arabe, l’Hiver arrive !
Manifestation avenue Habib Bourguiba, aujourd’hui, mercredi 6 février, pour dénoncer l'assassinat de Chokri Belaïd. Fethi Belaïd
Quel que soit le résultat de l'enquête policière après l'assassinat de Chokri Belaïd, quels que soient les coupables, des constats s'imposent :
- la réaction des dirigeants de la troïka est faite de lieux communs, de langue de bois et de double langage. Aucune décision forte, responsable, n'est annoncée pour réduire les tensions et ramener le pays sur la voie de la transition démocratique. Le minimum aurait été une démission du ministre de l'intérieur, voire une déclaration forte, digne, responsable, du chef du gouvernement. On ne peut pas continuer longtemps à incriminer la contre révolution pour cacher ses propres insuffisances. La contre révolution a bon dos.
- la troïka est finie. Cela fait longtemps que nous sommes nombreux à dénoncer ses insuffisances, son incompétence, son incapacité à gérer le pays, son double langage, son autisme. Il parait désormais impossible de continuer ce cavalier seul des trois partis.
- quel que soit le responsable, il y a une certitude : toute la classe politique et pas seulement les opposants, doit dénoncer la spirale de haine et la complaisance qui l’a entretenue. Le pouvoir, les ministères de l'intérieur et de la justice, le grand manitou d'Ennahdha, ont couvert le premier chaînon qui mène vers l'assassinat politique : les discours de haine, l'incitation à la violence, le takfir (excommunication), le takhwin (traiter les opposants de traitres et de contre révolutionnaires).
Traiter, du haut de la tribune d'une mosquée, des opposants d'être des apostats, des mécréants, c'est un permis de tuer. Le pouvoir l'a toléré, défendu et parfois couvert. Marzouki a reçu, en son palais, des représentants radicaux des mouvances anti démocrates, des mouvances qui se sont illustrées par le discours incitatif, salafistes et Ligues de protection de la révolution.
- ces différents discours ont entraîné le pays dans une spirale. Citons des exemples : les nombreuses attaques planifiées, annoncées à l'avance, contre des réunions de l'opposition, contre le siège de l'UGTT, le meurtre par lynchage de Lotfi Nagdh à Tataouine en octobre dernier, l'attaque de l'ambassade américaine le 14 septembre dernier, les armes qui circulent,…
- la violence commence par le verbe. Et la loi tunisienne permet de poursuivre les incitations à la haine et à la violence, ainsi que le takfir. Mais le parquet n'a rien fait. A tel point qu'il était devenu extrêmement difficile pour l'opposition de tenir ses meetings.
- l'intérêt de la Tunisie commande aujourd'hui de réfléchir en termes d'union nationale. Mais n'en déplaise à Moncef Marzouki, le consensus n'est pas un marchandage. Il y a des principes qui ne sont pas négociables. Tout ce qui concerne la prééminence de la loi, l'égalité citoyenne, la véritable démocratie ne peut être négocié.
C'est le seul moyen de corriger la situation et d'essayer de rattraper les gigantesques dégâts qui ont été casés par l'autisme, le double langage, les ambitions personnelles et l'incompétence des gouvernants actuels.
Naceureddine Elafrite