M. Ayrault veut rassurer en Martinique et en Guadeloupe, déçues par la gauche
Le Monde | 26.06.2013 à 18h41 • Mis à jour le 26.06.2013 à 18h41 | Par Bastien Bonnefous (envoyé spécial à Fort-de-France, Martinique)
Avec un taux de chômage général dépassant les 20 %, dont plus de 55 % en ce qui concerne les jeunes de moins de 30 ans, et des tensions toujours aussi vives autour du niveau des prix, la situation martiniquaise et guadeloupéenne est tout sauf paradisiaque. Dénoncée en 2009 lors d'un conflit social en Guadeloupe qui avait duré plusieurs semaines, la "vie chère" demeure. A l'occasion de la visite de Jean-Marc Ayrault, les exploitants de stations services en Martinique ont d'ailleurs relancé leur grève contre la fixation des prix des carburants qu'ils jugent trop désavantageuse pour eux.
Le différentiel des prix des biens de consommation entre les Antilles et l'Hexagone est de 8 %, selon l'Insee, mais il atteint entre 30 et 50 % pour les produits de grande distribution, alors que dans le même temps le revenu moyen des ménages est plus bas de 35 % en outre-mer. D'où la mise en place par les pouvoirs publics d'un "bouclier qualité-prix" pour encadrer les prix de certains biens de consommation, que M. Ayrault doit présenter à Pointe-à-Pitre.
Entre les cérémonies à la mémoire d'Aimé Césaire et une "déambulation" prévue jeudi dans le centre-ville de Fort-de-France, le premier ministre, qui signera également le premier contrat de génération en Guadeloupe ainsi que plusieurs emplois d'avenir recrutés dans le Parc régional du département, "vient surtout traiter des questions de la vie quotidienne des Guadeloupéens et des Martiniquais", explique-t-on à Matignon. Sa visite est principalement centrée sur deux sujets sensibles : le développement économique de l'outre-mer rendu plus difficile encore par la crise économique, et la lutte contre l'insécurité alors que les actes de violences et de délinquance connaissent une forte augmentation.
Sur le premier point, Jean-Marc Ayrault devrait rendre publique la position de l'Etat à propos de la réforme du dispositif fiscal en outre-mer. Ces fameuses "niches fiscales" ultramarines qui ont tout du dossier explosif. Sauvées in extremis en 2013, ces mesures de défiscalisation spécifiques doivent être repensées avant l'élaboration du budget 2014 qui aura lieu en juillet.
Depuis un an, un véritable bras de fer oppose les partisans de la refonte d'un système dont Bercy estime qu'il a coûté un milliard d'euros à l'Etat en 2012, et l'ensemble des acteurs politiques et économiques ultramarins qui exigent un dispositif pérenne d'aides au développement local. Récemment, les 51 députés et sénateurs des outre-mer, toutes tendances politiques confondues, ont demandé "avec fermeté" le maintien de la défiscalisation pour soutenir les économies ultra-marines fragilisées, rappelant l'engagement de François Hollande en janvier 2013 de "maintenir à l'euro près la totalité de la dépense consacrée aux outre-mer dans la loi de finances 2014".
Deux rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat ont déjà été rendus sur ce sujet. Le système actuel de défiscalisation est prisé des contribuables les plus aisés puisqu'il permet à un particulier de réduire son impôt sur le revenu en investissant dans un équipement d'une entreprise ultra-marine ou dans le logement social outre-mer. Pour les élus antillais, c'est ainsi un levier économique pourvoyeur en emplois sur place.
Jean-Marc Ayrault doit présenter l'arbitrage de l'Etat qui, de source gouvernementale, devrait se situer dans "une certaine continuité avec ce qui existe déjà". Parmi les hypothèses, figuraient jusqu'à présent le maintien du système actuel mais mieux encadré, le remplacement du dispositif par des subventions publiques directes d'un montant équivalent, ou un mélange des deux avec maintien de la défiscalisation pour le logement social et crédit d'impôt pour les investissements dans les entreprises.
Le premier ministre doit également aborder un autre dossier sensible : la hausse de la délinquance et des violences en Martinique et Guadeloupe. Entre 2008 et 2012, les violences aux personnes ont augmenté de 26,6% en Martinique (+17,8% en Guadeloupe) et rien que pour les cinq premiers mois de l'année 2013, les atteintes aux personnes ont grimpé de 11% en Martinique contre 21% en Guadeloupe. Une zone de sécurité prioritaire a été mise en place durant l'été 2012 à Fort-de-France, mais " la situation reste préoccupante ", explique Matignon.