Mariage pour tous: enfin des chiffres et des lettres!
Christian Duteil
Depuis plusieurs mois, on débat et on s’invective à propos des couples de même sexe sans en connaître le nombre exact et encore moins le nombre d’enfant vivant dans ces familles. On n’est d’accord sur rien, non seulement sur le principe de la loi et ses modalités mais aussi sur l’évaluation de la population concernée qui peut varier du simple au double… comme lors du comptage des manifestants du défilé du 1er mai.
Savoir/ pouvoir. L’étude récente «Le couple dans tous ses états» publiée par l’Institut national de la statistique et des études (Insee) permet de préciser de quoi l’on discute, de qui l’on parle et donc les enjeux réels de ce débat public qui ne laisse personne indifférent.
Tempête dans un verre d’eau: malgré l’évolution des mœurs, les couples homosexuels restent peu nombreux si l’on en croit cette vaste étude qui porte sur 360 000 personnes. Près de 200000 sondés déclarent vivre en couple avec une personne du même sexe, soit 0,6% du total des gens vivant en couple. L’Insee recense donc 100 000 couples homosexuels en France. Mieux, grâce à la taille significative de l’échantillon, elle permet de mieux connaître les modes de vie des homosexuels et de «se cogner au réel» (Lacan) de petites parties de la population.
Ainsi, dans 60% des cas, il s’agit de couples d’hommes. Jusqu’à présent, on avait tendance à surévaluer les couples homosexuels en extrapolant à partir des exemples étrangers et à estimer ce nombre à 150 000, soit 1% du total des couples en France.
Pour éclairer a posteriori les débats interminables de nuit à l’Assemblée sur le mariage pour tous, l’institut fournit une estimation basse du nombre d’enfants vivant dans ces familles marginalisées. A savoir, 20 000 personnes en couple (80% de femmes) vivraient avec au moins un enfant. En jouant sur l’hypothèse de fratries nombreuses, l’Insee donne la fourchette vraisemblable de 24 000 à 40 000 enfants éduqués dans un contexte homoparental. C’est peu par rapport au chiffre inflationniste de 300 000 enfants avancé par les associations de parents homosexuels pour faire pression sur les pouvoirs publics et l’opinion.
Régimes de pouvoir, régimes de vérité. Les couples homosexuels sont pacsés dans près de la moitié (43%) des cas. Il sont plus diplômés (20 points de plus que les personnes en couple hétérosexuel), plus jeune (la moitié a moins de 40 ans), et résident davantage dans les métropoles, en particulier en Ile-de-France.
Enfin, histoire de souligner l’actualité brûlante de cette loi sur le mariage pour tous, l’Insee précise en élargissant le débat que 72% des hommes et des femmes vivant en couple sont mariés, soit quelque 23 millions de personnes. L’union libre pointe en deuxième position (7 millions) et le pasc en troisième (1,4 million). L’enjeu n’est donc pas ici et là un simple jeu de politique politicienne malgré les milliers d’amendements mais bien un vaste débat de société.
«On a là un processus très réel de lutte; la vie comme objet politique a été en quelque sorte prise au mot et retournée contre le système qui entreprenait de la contrôler. C’est la vie beaucoup plus que le droit qui est devenue alors l’enjeu des luttes politiques, même si celles-ci se formulent à travers des affirmations de droit», déclarait déjà Michel Foucault en évoquant le développement du bio-pouvoir dans nos sociétés post-modernes.