LES DERNIERES HEURES DE MARILYN

La nuit du 4 août 1962, Marilyn Monroe mourait à trente-six ans d’une overdose de somnifères dans sa villa de Brentwood. Accident? Suicide? Assassinat?

Les circonstances de ce dénouement, tragique dans lequel les frères Kennedy étaient largement impliqués, furent délibérément passées sous silence.  L’affaire fut même classée le 17 août. A cette époque presque archaïque, aucun Watergate ou Irangate, aucun scandale érotico politique ne pouvaient coûter la Présidence à un homme d’état. Aujourd'hui pourtant, malgré la destruction des pièces à conviction, les contradictions des témoignages et la mort de certains protagonistes, des dessous de l’énigme Marilyn sont enfin dévoilés...

MARILYN, RECHERCHE DESESPEREMENT…

En 1962, Marilyn Monroe se trouve dans une grande solitude affective. Au divorce avec son troisième mari, Arthur Miller, s'ajoute le déclin de sa liaison avec Robert Kennedy. Pourquoi cette rupture ? Les chefs tout-puissants de la Mafia ont déclaré la guerre à l’Attorney général (Bobby) et au Président des Etats-Unis lui-même (John). Ainsi, John Edgar Hoover, responsable du F.B.I. presse les deux frères de rompre toute liaison avec une femme si dangereuse. Parmi les grands patrons du crime organisé, il y a Jimmy Hoffa, chef du syndicat corrompu des camionneurs (Teamsters Union) qui vient d’être inculpé d’extorsion de fonds, et Sam Giancana, un parrain de la Mafia qui craint les représailles du pouvoir central. Ces deux hommes menacent de tout révéler sur les relations entre l’actrice et les Kennedy. Or, justement, Marilyn, de plus en plus maniaco-dépressive multiplie les imprudences. Ne rêve-t-elle pas d’épouser l’un des deux frères, au point de l’avouer ouvertement à des journalistes dans ses moments de faiblesse! Ne fréquente-t-elle pas non plus un casino acquis par l’un de ses anciens amants, Frank Sinatra ! L’ennui est que “Le Col-Neva Lodge” est devenu un repaire de gangsters, dans lequel l’ami de Sinatra, Giancana en personne, possède des parts importantes.

Mais, désœuvrée après l’échec du tournage de “Quelque chose va craquer”, Marilyn n’accepte pas de se résoudre à une rupture avec Bobby. En août, elle cherche désespérément à le joindre, soit par l'intermédiaire de son beau-frère Peter Lawford (le mari de Patricia Kennedy), soit au Ministère de la Justice. Seulement, depuis le 25 juin, elle ne peut plus obtenir son amant que par le standard. La ligne directe lui est symboliquement interdite. Les hommes ne préfèrent plus les blondes...

LE MYSTERE DE LA CHAMBRE CLOSE

Sur la côte californienne, Brentwood, le 4 août 1962 vers minuit. Eunice Murray, la gouvernante remarque que la chambre de Marilyn est bizarrement éclairée. Trois heures du matin. Réveillée par “son sixième sens” Eunice Murray s’aperçoit que la lumière n’est toujours pas éteinte. Inquiète, elle appelle le docteur Greenson, le psychiatre de l’actrice. Celui-ci lui conseille de donner quelques coups contre la porte fermée à clef. En vain. Trois heures cinq. Le psychiatre arrive sur les lieux. Il parvient à briser la vitre d’une fenêtre sans barreaux, tourne la poignée et se hisse sur le rebord.

Trois heures quarante. Le docteur entre dans la chambre. Les épaules découvertes, la main droite crispée sur le combiné de téléphone, Marilyn gît à plat ventre sur le lit dans une position semi fœtale. “Je voyais déjà de loin, à quelques mètres d’elle que Marilyn ne vivait plus”, écrira-t-il. Quelques minutes plus tard, le docteur Engelberg, appelé auparavant par la gouvernante, confirme le décès de la star: “Elle nous a quitté pour toujours.”

Quatre heures vingt-cinq. Le brigadier Jack Clemmons croit à un canular de mauvais goût lorsqu’une voix lui annonce la tragique nouvelle. Il décide pourtant de vérifier sur place. Eunice Murray le conduit dans la chambre où les deux médecins veillent le corps. Le docteur Greenson lui montre le flacon de Nembutal, rebouché bien que vide qui traîne sur la table de chevet. Le suicide ne fait guère de doute et cependant, le brigadier ne peut s’empêcher d’être intrigué par cette chambre mortuaire: “Il n’y avait aucun indice particulier mais je partis avec le sentiment désagréable qu’il y avait quelque chose qui ne collait pas.”

FEMME BLANCHE, AGEE DE TRENTE-SIX ANS, BIEN DEVELOPPEE...

Le 5 août, à dix heures trente du matin, le corps le plus convoité et jalousé du monde, est déjà prêt pour l’autopsie dont est chargé le Docteur Noguchi. Celui-ci aura d’ailleurs le triste privilège d’avoir disséqué des monstres du septième art comme Sharon Tate, William Holden Nathalie Wood, John Belushi... et - ironie du sort il examine le crâne de Robert Kennedy après son assassinat. “Une femme de race blanche, âgée de trente-six ans, bien développée, bien nourrie, pesant 53 kilos et mesurant I mètre 66 (...) Crâne recouvert de cheveux blonds. Yeux bleus (...). La pilosité pubienne est normale ainsi que la taille de l’utérus”. Après ces notes sinistres qui rabaissent la sculpturale déesse au rang d’un vulgaire macchabée de sexe féminin, le docteur fait procéder à une analyse toxicologique et à l’examen des flacons. Si triviaux, si éloignés du mythe rayonnant de Marilyn soient-ils, ce sont hélas ! les données médicales qui ont contribué à nourrir l’énigme de sa mort.

Le 10 août, Noguchi soumet son rapport final d’autopsie et définit ainsi la cause du décès: “Forte intoxication aux barbituriques dûes à l’ingestion d’une surdose”. Devant remplir la rubrique “Type de mort”, il entoure le mot “Suicide”, même s’il ajoute “probable” de sa main. Cette thèse du suicide de Marilyn ne satisfait pas tout le monde. En effet, certains faits curieux invitent à la suspicion. Aucune trace des capsules de Nembutal n’a été retrouvée dans l’estomac, ce qui tendrait à prouver que la dose fatale (LUI) fut administrée, par injection peut-être. D’autre part, I’absence de verre dans la chambre est troublante. Enfin, la rigidité cadavérique remarquée par le docteur Greenson - celle-ci apparaît après quatre ou six heures - situe la mort de l’actrice bien avant minuit. On pourrait multiplier les questions à l’infini. Qui est le dernier interlocuteur de Marilyn ? Pourquoi la police n’a-t-elle été prévenue qu’après quatre heures du matin ? Que sont devenues les bandes des enregistrements téléphoniques de celle qui était l’intime du clan Kennedy? Autant de questions sans réponses.

FBI, CIA, MAFIA... TROIS RAISONS DE MOURIR

Plusieurs hypothèses ont été émises par ceux qui sont les partisans du meurtre. La première, née dans les milieux d’extrême droite, soutient que les amis de gauche de Marilyn, les communistes ont organisé l’assassinat de la jeune femme afin de protéger Robert Kennedy des retombées du scandale de sa liaison. La seconde met en cause les Kennedy eux-mêmes: le journal intime de Marilyn recelant, un contenu trop explosif, il était préférable de se débarrasser de la dangereuse blonde hollywoodienne. Mais Marilyn, n’était-elle pas plus encombrante morte que vivante ! La dernière hypothèse, celle de Norman Mailer, est à la fois la plus fantaisiste et la plus crédible. Si l’écrivain reconnaît que son investigation ne repose sur aucune recherche, ses conclusions ne manquent pas d’intérêt. Ainsi, Marilyn aurait été supprimée par les ennemis du clan Kennedy afin de provoquer un scandale et mettre fin à la Présidence de John Kennedy. “... On ne pouvait imaginer un coup plus habile que de tuer Marilyn, de manière à ce que cela ressemble de prime abord a un suicide. Suicide si maladroitement mis en scène que dès la semaine suivante, tous les journaux parleraient, au conditionnel d’assassinat”. Qui avait intérêt à simuler un suicide de Norman Jean ? L’aile droite du F.B.I. et de la C.I.A., gênée par la politique trop libéral du Président démocrate mais aussi la Mafia qui pouvait du coup faire cesser la guerre contre le Syndicat du crime organisé.

Si certains indices, la pose de micros chez Marilyn ainsi que la mise sur écoute de sa ligne téléphonique, confirment cette thèse, beaucoup de preuves manquent.

HYPOTHESE SUR UNE MORT CAMOUFLEE

Voilà sans doute le vrai scénario de la mort de Marilyn Monroe. Le 4 août, Robert Kennedy se trouve bien à Los Angeles et voit Marilyn dans l’après-midi. Il essaye de lui expliquer le danger qu’elle représente pour son avenir politique. Seule, dans sa maison de Brentwood, la femme délaissée lance des appels à l’aide désespérés. Vers dix heures du soir, elle téléphone à Peter Lawford. Sous l’effet des barbituriques, elle bredouille, divague, affirme qu’elle va se suicider. Déborah Gould, I’ex-épouse de Peter Lawford entend Lawford dire: “C’est idiot, Marilyn, reprends-toi. Mais, mon dieu, je t’en conjure, quoi que tu fasses, ne laisse rien d’écrit.” Il est probable que Robert Kennedy, témoin de cet appel au secours, accompagne son beau-frère jusque dans la villa. Découvrant Marilyn dans le coma, “ils” appellent une ambulance qui emmènera à l’hôpital de Santa Monica. Ken Hunter, un conducteur d’ambulance, déclare s’être rendu dans la célèbre villa dans les premières heures du matin. Admettons que Marilyn soit morte au cours du trajet: Robert Kennedy se suicide politiquement s’il continue à avancer à visage découvert. La seule solution consiste donc à ramener le cadavre à Brentwood, dans le lit où elle a donné ses derniers coups de téléphone. Il faut effacer aussi les derniers indices compromettants avant que le docteur Greenson ne vienne constater le décès de Marilyn Monroe vers trois heures trente. Quant aux relevés téléphoniques des dernières heures de l’actrice, ils doivent disparaître de la même manière. Un hélicoptère est loué et prend un mystérieux passager dans la villa de Peter Lawford avant de le déposer sur l’aéroport de Los Angeles. “L’heure indiquée se situait après minuit - entre minuit et deux heures du matin, je crois - le nom inscrit m’échappe aujourd’hui, mais je suis certain que c’était soit "LAWFORD", soit "KENNEDY". Tel est le témoignage du pilote de l'Hélicoptère. L'enquête et les conclusions d’Anthony Summers “Les vies secrètes de Marilyn Monroe” ont le mérite de ne pas céder au sensationnalisme pervers. Selon le producteur de la BBC, I’actrice est morte accidentellement d’une dose massive de somnifères, sans avoir eu l’intention de se suicider “Selon toute vraisemblance, aucun crime n’a été commis ce soir-là bien que le retour de la dépouille de Marilyn à Brentwood et la destruction des pièces à conviction par Lawford soient un acte on ne peut, plus illégal".

MARILYN MONROE : 1926-1962...

Au Funérarium du Mémorial Park de Westwood Alors que ses cheveux raides et plats sont recouverts de la fameuse perruque des misfits et que sa poitrine applatie est recomposée avec la bourre d’un coussin, Marilyn retrouve pour quelques instants sa légendaire beauté vénusienne. “Le Createur l’a faite effrayante et splendide” dit le pasteur dans son homélie inspirée d’un verset du livre des psaumes tandis que Joe DiMaggio, le second mari pleure. Le cercueil est expédié jusqu’au colombarium.

“Marilyn Monroe: 1926-1962”:

ce sont les quelques mots laconiques gravés sur la plaque de marbre où repose l’héroïne d’Asphalte…

Jungle, près de la tombe de son amie Nathalie Wood et des cendres de Peter Lawford Mais oublions un peu le mystère, les ombres qui entourent la mort de Marilyn. La véritable énigme de cette femme fragile et intelligente qui souffrait, résidait peut-être dans son sourire. De toute façon, cette fin prosaïque et sans éclat, un scandale pour le corps et l’esprit, n’éteindra pas de sitôt la petite lumière qui demeure dans les yeux des spectateurs, une fois la projection terminée.

BIBLIOGRAPHIE:

Les vies secrètes de Marilyn Monroe d’Anthony Summers, pour la traduction française: Presses de la Renaissance, 1986.

Disponible en livre de poche dans la collection J’ai lu Marilyn, de Norman Mailer, Londres, Hodder and Stoughton, 1974.

Fr. Cadet