Céline Larrieu, j’ai sauvé ma famille
Céline Larrieu
«Par la CNV, j’ai sauvé ma famille »
Un enfant difficile, des conflits familiaux qui vous bousillent le quotidien, qui n’en a pas connus ? Il existe un moyen d’en venir à bout, de sortir du tunnel : la communication non violente (CNV).
Céline Larrieu est une jeune mère au foyer, animatrice de formation, vivant dans le Gers. C’est tout à fait par hasard qu’elle a découvert la CNV – la Communication Non Violente, processus destiné à améliorer la qualité des relations humaines : « la CNV s’attache à instaurer entre les êtres humains, des relations fondées sur une coopération harmonieuse, sur le respect de soi et des autres. Théorisée par Gandhi, apôtre de la non violence, cet outil de communication verbale est recommandé pour la résolution de conflits et permet de développer une meilleure relation à soi. Sa pratique repose sur l'expérimentation d'un nouveau modèle qui a pour principaux objectifs, l'identification des sentiments, des besoins et la formulation d'une demande en vue de les satisfaire. Cette approche s’avère tout à fait bénéfique pour communiquer en toute authenticité. »
Céline, enthousiasmée par cette forme de relation à l’autre, organise des réunions, avec la volonté de propager ce nouveau comportement porteur d’un renouvellement de la fraternité.
Son témoignage : J’ai écouté mon cœur
« Hasard ? Je ne sais pas… Je cherchais une solution à une situation familiale devenue ingérable. Si je n’avais pas cherché, le hasard n’aurait rien pu faire ! Une de mes amies m’a parlé d’un atelier mis en place dans sa ville, L’Isle-Jourdain, par le Centre d’action sociale. Le titre de cet atelier : “Parlez pour que les enfants écoutent et écoutez pour que les enfants parlent”, inspiré de la CNV. Depuis pas mal de temps, nous traversions une crise mon mari et moi avec notre petit garçon de six an et demi.
Déjà depuis quatre ans, avec Laurent, mon mari, nous faisions une thérapie pour guérir nos souffrances liées à notre propre enfance ; nous cherchions la clé… Mais rien ne bougeait. La situation devenait intenable. N’ayant plus rien à perdre, je me suis inscrite… Et j’ai sauvé ma famille ! »
Céline à de grands yeux bleus intenses. Il émane d’elle une impression faite de force et de paix. Elle a manifestement besoin de partager cette expérience si forte qu’elle vient de vivre. Laurent, devant la rapide métamorphose de Céline, a lui aussi, par la suite, suivi l’atelier mené par le Centre d’action sociale.
Et tandis qu’elle relate cette expérience, lui, s’active sur le plan de travail de la cuisine ouverte : il prépare le pain de la semaine. L’harmonie dans ce foyer est palpable.
« Dès la première séance, mon regard sur mon fils, sur la place qu’il occupe, a changé. J’ai fait la part des choses entre ce que la société attendait de moi, de l’éducation que je devais donner à mon enfant, et mon propre ressenti, les élans de mon cœur. J’ai mis le doigt sur ce que doivent être les limites : mon cœur, mes émotions, mes besoins. »
Céline, dit avoir soudain, compris son rôle de maman : elle doit trouver ses propres repères, ériger un cadre dégagé du regard de la société. Elle se libère alors de la dictature du qu’en dira-ton.
« Quand je suis rentrée de cette première séance, assez tard, mon fils refusait de se coucher. À la perspective d’aller à l’école le lendemain, il faisait une de ses colères à laquelle il nous avait accoutumés. Habituellement, je réagissais par la colère moi aussi, et le sermon : tu dois… Mais là, imprégnée de ce que je venais de vivre dans le groupe, j’ai eu un comportement totalement différent. J’étais partagée entre le fait qu’il devait obéir et en même temps, que ce n’était pas juste ; alors je l’ai écouté. Par certaines mimiques et petits sons de voix, je l’ai encouragé à parler. C’était bouleversant. Pendant une heure, mon petit garçon s’est confié. Il a dit sa souffrance à l’école. D’avoir pris en compte ses émotions lui avait permis de se libérer.
Laurent a été fortement impressionné par ce premier résultat. C’est ainsi que lui aussi a suivi ces ateliers, lors d’une nouvelle session.
Cette formation à la CNV a changé notre quotidien. J’avais un choix de vie à faire en tant que femme et en tant que mère. Une chose est sûre, la vie ne doit pas être souffrance.
On apprend au fil des ateliers. J’ai compris que c’est difficile pour l’enfant d’intégrer des choses qu’il ne connaît pas, comme manger un plat pour la première fois par exemple. Après tout c’est tout aussi difficile pour les adultes. Et devant quelque chose qui n’est pas facile, on se sans nul.
Par mes exigences d’une éducation normative, il était au pied du mur.
Depuis que cette nouvelle communication a été enclenchée entre nous trois, tous les jours il se passe quelque chose. Par exemple, on a deux heures de route à faire, et mon fils râle. Au lieu de s’énerver, on va dans son sens, on dit : “ Ah j’aimerais bien avoir un hélicoptère, on y serait en cinq minutes ! ” Et le voilà qui commence à élaborer tout un projet, à partir de cet hélicoptère. Par ce moyen on l’a stimulé de façon ludique et non autoritaire, pour trouver des solutions et on l’a laissé en proposer, en l’encourageant par des riens, des signes, un petit mot.
Je sais à présent qu’on ne vit pas dans la même réalité. Personne. Mon fils a chamboulé notre vie, il est venu pour nous en faire prendre conscience. »
Un regard présent
L’atelier de communication a fourni des outils à Céline et Laurent. L’essentiel se résume à cette maxime : « Mieux vaut une phrase qu’un sermon, mieux vaut un mot qu’une phrase ; mieux vaut rien qu’un mot ». Ce « rien », bien entendu, précise Céline, est un silence accompagné d’un regard bienveillant, un regard présent.
« Tu arrêtes et tu écoutes, tu ponctues ce que l’enfant te dit par des mimiques du visage et de la voix. Il ne te perçoit plus comme le juge qui va l’annuler parce qu’il va mal et qu’on ne le comprend pas. Mon rôle de parent n’est pas de détruire. Je m’exprime en profondeur, avec mon cœur.
J’avais arrêté d’écouter mon cœur pour rentrer dans le moule voulu par la société. Parler avec mon cœur, ça résonne comme vérité : c’est mon chemin de vie. »
Céline a réussi à me captiver. J’ai vraiment envie d’en savoir plus sur sa métamorphose. Elle ne se fait pas prier :
« Je travaillais sur mes besoins, mes sentiments. J’avais découvert que derrière chaque parole, chaque acte, chaque décision il y a un besoin fondamental. On doit apprendre à mettre des mots sur nos sentiments, nos émotions et apprendre à regarder ce qu’il y a derrière, quel est le besoin qui s’y niche ? Voir en l’autre, apprendre à reconnaître ses besoins d’après ses réactions.
Tu apprends à te connaître et tu te détaches des regards, tu ne projettes plus tes colères.
On arrête de détruire les autres avec la violence verbale. On prend en compte nos émotions. »
Mise en place d’ateliers de CNV
A partir de ce moment, Céline a réfléchi au moyen de partager cette extraordinaire expérience qui a transformé la vie de sa famille. Elle travaille sur un projet : devenir formatrice à son tour. Et elle a commencé en tant que bénévole :
« Il fallait maintenant aller plus loin. J’ai réuni quelques amis en janvier, chez moi. Le Centre d’action sociale de L’Isle-Jourdain m’a prêté son kit de formation. Et nous avons suivi l’atelier sur plusieurs rencontres. »
Céline a défini ainsi cette formation : « Communiquer avec l’autre sans lui nuire ».
Elle a récemment invité Diane Baran¹, formatrice de CNV reconnue, pour présenter les principes de la Communication non violente au cours d’un atelier d’initiation de trois heures. Le public est venu, les bases sont lancées. Céline attend l’automne pour démarrer une session.
Témoignages de Mercédès et de Nadine
Tandis que Céline parle, arrive Mercédès, biokinésilogue². Elle a suivi les ateliers de janvier, conduits par Céline :
« Ce qui m’a motivée ? Je connaissais Céline. Avant les ateliers qu’elle a suivis pour résoudre ses difficultés avec son fils… et après ! Son témoignage et sa transformation interpellent. Quand elle m’a parlé de cette réunion chez elle, j’ai voulu voir ce qui en était. Quelque chose de très fort s’est produit à la suite de quoi je me suis inscrite aux ateliers. Dès le premier atelier, j’ai entendu que c’était le chemin le plus court vers l’amour de soi, et tous les possibles avec les autres. Au niveau du groupe, cela a ouvert des choses. On a touché la compassion, les essentiels. Ce chemin, c’est que du bonheur, de l’authenticité, la connexion vraie. Je suis ravie, ça a changé plein de choses au niveau de mon travail de biokynésiologue. »
Témoignage de Nadine, artiste libre :
« J’étais venue passer le week-end. Je vis à Revel pour le moment mais ici (Le Gers, ndlr) il se passe vraiment beaucoup de choses et je vais emménager prochainement dans une caravane sur le terrain de Céline. Je suis revenue tous les mois chez Céline et Laurent, après qu’ils aient participé à cette formation. C’était comme si je regardais un film, j’observais les changements dans la famille et surtout du petit C. qui se bonifiait. J’entendais Céline parler d’une drôle de façon. C’était fascinant. Je suivais l’évolution. Alors je suis venue à sa première intervention de janvier et j’ai participé aux ateliers. C’est magique. Depuis, ces dernières semaines, j’utilise cette méthode, en rupture avec « avant »… J’ai entamé le processus d’écoute empathique avec mes proches, dans la vie de tous les jours. C’est comme un boomerang : si on est dans l’écoute, au plus profond de son cœur, on peut être connecté au cœur de l’autre, comme si l’énergie solaire circulait… C’est un art de vivre très concret, un processus très simple. Mais, généralement, on est déconnecté… »
©Mahia Alonso
Diane Baran découvre la Communication Non Violente en rédigeant un mémoire de DEA sur l'impact d'une communication plus relationnelle en milieu scolaire au Québec. Constatant l'impact puissant et positif de cette méthode dans sa vie et ses relations, elle décide de l'enseigner en France et à l'étranger, notamment au Québec et à Hawaï en animant des stages, des formations et des groupes de pratique.
²La kinésiologie consiste à collecter des informations au niveau de l'inconscient grâce à un test musculaire, la bio signifie "corps". Celui-ci exprime des émotions non conscientisées et permet de trouver la raison d'un mal être profond, qu'il soit d'ordre de la maladie ou de l'émotionnel.
http://www.dailymotion.com/video/xe2c2e_diane-baran-jardiner-ses-possibles_webcam
La Communication non Violente (CNV)
Cela consiste à exprimer ses sentiments et ses attitudes, exprimer les besoins.
Le Centre pour la Communication NonViolente (CNVC) est une organisation mondiale qui promeut l’apprentissage et le partage de la CNV et aide les gens à résoudre leurs conflits de manière pacifique et efficace, qu’il s’agisse de conflits interpersonnels, au sein d’une organisation ou dans un cadre politique.
« La relation et la vie nous demandent constamment d'improviser et nous avons besoin de développer nos capacités à vivre le moment présent avec ce qu'il propose d'inattendu. La CNV nous invite à écouter nos ressentis et ceux des autres et nous avons besoin d'apprivoiser nos émotions, nos ressentis et d'expérimenter que ces émotions peuvent être au service de la relation et non un obstacle. »
Selon les principes de la CNV, il n'est pas nécessaire d'utiliser les exigences, la menace, les ordres ou la manipulation. De telles méthodes sont même considérées comme induisant des conséquences négatives, par exemple de la peur ou de la frustration, et ne suscitent pas la bienveillance chez notre interlocuteur.
Marshall Rosenberg,
(élève du psychologue Carl Rogers), il est le fondateur de cette méthode, s’appuyant sur les travaux de l'économiste chilien Manfred Max-Neef, qui a analysé les besoins humains: « La Communication Non Violente, c'est la combinaison d'un langage, d'une façon de penser, d'un savoir-faire en communication et de moyens d'influence qui servent mon désir de faire trois choses : me libérer du conditionnement culturel qui est en discordance avec la manière dont je veux vivre ma vie ; acquérir le pouvoir de me mettre en lien avec moi-même et autrui d'une façon qui me permette de donner naturellement à partir de mon cœur ; acquérir le pouvoir de créer des structures qui soutiennent cette façon de donner. C’est le langage et les interactions qui renforcent notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer aux autres le désir d'en faire autant ».
Marshall Rosenberg, docteur en psychologie clinique, a créé et développé le processus de la Communication Non Violente il y a plus de 35 ans. Il a beaucoup voyagé aux Etats-Unis et dans de nombreux pays du monde, en faisant connaître le processus de la CNV et en contribuant à la construction de la paix et aux efforts de réconciliation dans des régions déchirées par la guerre.
La CNV est utilisée pour résoudre les conflits, améliorer les relations et accroître les performances dans virtuellement tous les domaines de l’activité humaine, que ce soient les écoles, les entreprises, les prisons, les hôpitaux et les gouvernements, la police, les bandes organisées, les militaires, les militants, les parents, les enfants et les couples.
Processus de communication non-violente
Le processus de communication non-violente peut être utilisé de trois manières :
- pour clarifier ce qui se passe en soi (auto-empathie)
- pour s'exprimer d'une manière qui favorise le dialogue
- pour écouter l'autre d'une manière qui favorise le dialogue, et quelle que soit la manière de s'exprimer de l'autre
Pour que ce processus favorise réellement la coopération et le dialogue, cela suppose deux cadres :
- une attention au moment présent
- une intention claire de favoriser le dialogue et la coopération
Selon David Servan-Schreiber
Dans son best-seller Guérir, David Servan-Schreiber décrit le processus de la CNV en termes relativement simples. Selon lui, le premier principe de la CNV est de remplacer tout jugement par une observation objective, afin d'éviter les réactions habituelles de son interlocuteur face à une critique. Le second principe est d'éviter tout jugement sur son interlocuteur pour ne parler que de ce que l'on ressent, l'autre ne pouvant contester cela. L'effort consiste alors à décrire la situation en commençant ses phrases par « je », pour être « dans l'authenticité et l'ouverture ».
Je ne suis reconnu en tant qu’être qu’à partir du moment où je reconnais l’autre en tant qu’être. Si je cesse de me préoccuper de moi et commence à regarder l’autre avec un regard qui lui donne vie, la relation commence.
(Henri Gougaud, Parole d’Atelier)