«La route est longue et la pente est rude» : état des lieux non exhaustif des droits des femmes en France.
(Et quelques chiffres mondiaux histoire de ne pas regarder que notre nombril…)
Maîtrise de son temps, maîtrise de son corps et de sa sexualité, le partage des tâches liées à l’éducation des enfants et à l’entretien du domicile est un bon indicateur des progrès faits en matière d’égalité des droits. De plus, ce domaine recouvrant la vie privée, il permet d’éclairer l’évolution des mentalités hors contraintes légales.
Un chiffre encourageant : aujourd’hui les femmes passent en moyenne 4h par jour dans des activités purement domestiques quand les hommes n’y consacrent que deux heures. Si l’égalité n’est pas parfaite, loin s’en faut, le progrès est réel. D’autant plus qu’aucune loi ne force un homme à participer aux tâches ménagères. C’est donc parce que d’une part les femmes se sentent en droit d’imposer à leurs conjoints de prendre part à l’entretien du domicile, et d’autre part parce que de plus en plus d’hommes trouvent normal de ne pas mettre les pieds sous la table quand ils sont chez eux.
Pour ce qui est des soins aux enfants, les mères d’enfants de moins de 15 ans consacrent 1h30 par jour au temps parental quand les pères n’y passent que 30 mn, soit 3 fois moins. On le sait, les traditions ont la vie dure. Mais des deux côtés probablement. Est-ce les pères qui ne veulent pas biberonner ou faire réviser les tables de multiplications, ou est-ce les mères qui ont du mal à lâcher ce qui fut longtemps leur « chasse-gardée » ? Un peu les deux sans doute. Vouloir se sortir des rôles traditionnels théoriquement (pour les femmes mais aussi pour les hommes) et le faire concrètement au quotidien sont deux choses bien différentes.
La possibilité d’investir un rôle de femme et de n’être plus cantonnée uniquement aux rôles de fille puis de mère et d’épouse passe par la maîtrise de la sexualité et de la procréation.
Dans cette optique la révolution que fut l’accès à la pilule contraceptive reste une étape majeure dans la lutte pour l’égalité.
En 1970, seul 5% des femmes de 20 à 44 ans prenaient la pilule contraceptive. Ce pourcentage passe à 37% en 1978 pour atteindre plus de 60% en 2007.
Cette possibilité de ne plus tomber enceinte tous les ans pour les femmes mariées leur permet d’envisager d’autres options, de faire des études, de faire carrière, sans pour autant renoncer au fait d’être mère. Avoir 1, 2 ou 3 enfants, et choisir le moment où elles les ont, laisse la possibilité aux femmes d’investir le domaine professionnel. Elles gagnent ainsi leur indépendance matérielle et elles deviennent des acteurs économiques de la société.
Cette « conquête » du terrain professionnel passe évidemment par l’éducation supérieure. Mais quelle éducation pour quels diplômes ?
En 1984, les femmes qui sortent diplômées d’une école d’ingénieur ne sont que 15%. En 2007 leur part est de 26% et en 2011 elles étaient 27,4%. Si l’augmentation est claire, ce type de cursus est toujours vu, par les hommes mais aussi par les femmes, comme « masculin ».
Les écoles de commerce paraissent plus « mixtes » ; en 1985, elles étaient 38% à en sortir diplômées et elles sont 48% en 2OO7 ; une parité presque parfaite !
Diplômées ou non, les femmes françaises travaillent ! On peut d’ailleurs noter une spécificité française dans l’augmentation très forte (comparativement à d’autres pays d’Europe) de la population active féminine qui a plus que doublée entre 1968 et 2008 pour atteindre 46,5%.
Mais là encore de quel type de travail parlons-nous pour quel type de rémunération ?
La catégorie qui emploie le plus de femmes avec 72% de ses actifs est la catégorie….attention…roulement de tambours... « agent d’entretien » !
Les femmes composent 37% des cadres et professions intellectuelles supérieures et 17% des chefs d’entreprises de plus de 10 salariés.
Sur les 3,4 millions de personnes qui travaillent pour moins que le smic mensuel, 80% sont des femmes.
Mais si la féminisation des cadres existe et que le progrès est réel, les salaires sont en moyenne de 22% plus bas pour les femmes que pour les hommes. On peut toutefois remarquer une tendance encourageante : cette différence salariale est de plus de 30% dans la catégorie des 40/49ans, mais elle tombe à 7% chez les moins de 30 ans. Une question reste malgré tout en suspend : cette égalité se fait-elle au détriment des travailleurs dans leur ensemble par un nivellement par le bas ?
Maîtresses de leur corps, actives et ayant la possibilité d’être indépendantes financièrement, les femmes sont aussi des citoyennes, actrices politiquement.
Pour rappel, la France, pays des lumières et des droits de l’Homme, ne donne des droits politiques aux femmes qu’en 1945.
Cela étant dit, si elles ont le droit de vote et le droit d’être élues, les traditions et leur cantonnement à la sphère privé et familiale n’encouragent pas les femmes à être actives politiquement. La prise de conscience d’une résistance masculine réelle à prendre les femmes au sérieux quand il s’agit de politique amène l’Etat à voter la loi sur la parité en politique en 2000, un an après l’avoir fait inscrire dans la constitution. Dans un pays qui se méfie, ou plutôt se méfiait, de toutes discriminations positives, il s’agit d’une véritable révolution. Et une révolution qui marche :
Entre 1981 et 1993 le pourcentage des femmes parlementaires oscille entre 5,5% et 5,9%. Aux élections de 1997 cette part passe à 10,8% ( de là à penser qu’elles jouèrent un rôle dans la promotion de la loi sur la parité…). Aux élections législatives de 2002, les premières depuis la promulgation de la loi, la part des femmes élues à l’assemblée nationale est de 12,3% et elle est de 18,5% en 2007. Bien qu’en pente douce, la progression est constante. Il sera plus qu’intéressant de voir si cette progression continue aux législatives de 2012.
A titre de comparaison, les femmes restent très minoritaires aux postes de maires qui ne sont pas concernés par la loi sur la parité, et la progression de leur féminisation reste la plus lente de tous les postes d’élus.
Si énormément de chemin à été parcouru et que les françaises restent des femmes « bien loties » si elles comparent leur situation aux femmes du monde en général, (nous y reviendront un peu plus bas), rien n’est plus parlant que les chiffres français des violences faites aux femmes pour se rendre compte que le travail reste immense.
Une remarque avant tout : quand on parle de violences faite aux femmes, on parle d’une violence qui s’exerce contre les femmes parce qu’elles sont femmes. Des violences qui sont liées au statut traditionnel « inférieur » des femmes et de la perception qu’on les hommes de leur « autorité naturelle » sur elles, voir de leur « droit de jouissance, droit de vie et droit de mort ». Et ce ne sont pas quelques décennies de code de la famille égalitaire qui effacent des millénaires de comportements.
Les chiffres bruts d’abord :
En 2005/2006, 6% des femmes entre 18 et 59 ans ont subit des injures sexistes. 2,5% ont été agressées physiquement (pas dans le cadre d’un vol mais dans un cadre sexiste : mode de vie non compatible avec les valeurs des hommes de leur entourage, attitude jugée « non féminine » etc…) et 1,5% ont subit un viol ou une tentative de viol.
En 2007, 166 femmes décèdent sous les coups de leur conjoint, soit un peu plus d’une tous les deux jours.
Cela étant dit, il est estimé que 1/5ème des violences domestiques et 1/3 des violences sexuelles ne sont pas signalées, ni à la police, ni même à l’entourage proche.
Toujours en France, au 1er janvier 2007, il était estimé que 65000 femmes et fillettes étaient excisées ou menacées de l’être.
Ces chiffres, qui paraissent presque impossibles dans un pays comme la France, donnent la mesure des progrès qu’il reste à faire.
Mais ils pâlissent, et nous aussi, quand on les compare aux chiffres mondiaux.
Selon l’OMS, la violence domestique représente pour les femmes du monde âgées de 15 à 44 ans un risque plus grand que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis. Plusieurs sondages mondiaux corroborent ces chiffres ; ils suggèrent que plus de la moitié des femmes victimes d’homicide ont été tuées par un compagnon ou un ex. Ces homicides ne prennent pas en compte les crimes d’honneur et les meurtres pour cause de dot, généralement perpétrés par la belle famille.
Toujours selon l’OMS une femme sur cinq sera victime d’un viol, ou d’une tentative, au cours de sa vie. Et 80% des victimes découvertes de traites des êtres humains (prostitution, travail forcé…) sont des femmes.
Et pourtant, dans des pays plus hostiles aux femmes que la France, la lutte pour l’égalité avance.
Quel est le pays qui a le plus de femmes parlementaires, avant la Suède (45,3%), avant le Danemark ( 38%), avant la Finlande (37,5%) et avant les Pays-Bas (36, 7%) ? le Rwanda ! Avec un parlement composé de 48, 8% de femmes ! A comparer avec les Etats-Unis et leur 14%, ou le Japon avec 10%.
En Mai 2003, au Quatar, Sheikha bint Ahmed Al-Mahmoud est nommée ministre du Cabinet. Cette nomination fait suite au référendum du 29 avril 2003 qui avait vu les électeurs (uniquement des hommes) approuver massivement le droit des femmes de voter et d’être élues.
Enfin, pour la bonne bouche, quelques chiffres édifiants :
Le premier pays à avoir accordé le droit de vote aux femmes est la Nouvelle-Zélande en 1893. Les derniers sont la Suisse en 1971, l’Irak en 1980 et la Namibie en 1989.
Au Nations-Unies, qui représente la combinaison de tous les pays et traditions du monde mais qui est aussi une des « têtes de flèches » de la lutte pour les droits humains, et donc des droits des femmes, elles occupent 9% des postes de direction supérieurs et 21% des postes de cadre supérieur.
Pour conclure ce rapide tour d’horizon de la situation des femmes en France, et un peu dans le monde, je persiste, mes sœurs « la route est longue et la pente est rude ! »
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