Échirolles : l'heure des interpellations
Déjà douze interpellations après le drame d'Échirolles, en banlieue grenobloise. Mardi, au petit matin, les policiers locaux de la BAC et du GIPN ont arrêté dix personnes, principalement des jeunes du quartier de la Villeneuve suspectés d'avoir pris part à la rixe qui a coûté la vie, vendredi, à Kevin et Sofiane, 21 ans. La veille, la police avait également interpellé deux militaires, deux jeunes frères de 19 et 20 ans, l'un à Varces (Isère), l'autre à Hyères (Var). Leur mère figurait parmi les interpellés de mardi. Eux aussi étaient originaires de la Villeneuve et sont suspectés d'avoir participé au lynchage. Ils étaient en permission au moment des faits.
Le procureur de Grenoble a indiqué mardi soir que «quatre autres individus étaient en fuite. L'un s'est présenté spontanément, il en manque trois», selon le magistrat. Ces fuyards ont, dit-il, un «profil très violent» et ont déjà été «condamnés pour faits de grande violence». Les gardés à vue, quant à eux, sont de «très jeunes adultes», de 18 à 21 ans, «la plupart ont des casiers judiciaires pour vol avec violences, violences avec armes et en réunion», a-t-il révélé. Le procureur a aussi insisté sur le rôle central des deux frères militaires. «Les militaires sont à l'origine de la bagarre. Ils ont dit qu'ils réservaient leurs explications au juge», a indiqué le chef du parquet.
Des traces d'ADN
Vendredi dernier, vers 21 heures, Kevin et Sofiane sont donc tombés sous les coups assénés par un groupe d'une quinzaine de jeunes munis de couteaux, de manches de pioche, de marteaux et battes de base-ball. Une heure plus tôt, Kevin, accompagné de son ami, avait sommé deux jeunes de présenter leurs excuses à son frère cadet, Wilfried, frappé et aspergé de gaz lacrymogène par l'un d'eux. C'est, semble-t-il, cette initiative, perçue comme un affront, qui a justifié la lâche expédition punitive de ceux qui l'ont battu à mort. «Sofiane a été pris pour cible parce qu'il était le copain de Kevin et qu'il était là au mauvais moment», expliquait mardi un proche du dossier. Selon le procureur, Kevin a reçu «sept à huit» coups de couteau et Sofiane «une trentaine» !
Tous les suspects ont été identifiés grâce à des témoignages. La police a effectué nombre de perquisitions pour tenter de retrouver des indices utiles à l'enquête. Sur la scène du double crime, la police scientifique essaie d'exploiter des traces d'ADN. Elle a vérifié également si les téléphones mobiles des suspects ont activé les bornes d'appel à proximité du lieu et à l'heure du lynchage. «Mais c'est une chose d'établir la présence des individus sur place. C'en est une autre que de cerner le degré de responsabilité de chacun», reconnaissait mardi soir un syndicaliste policier grenoblois.
Il faudra déterminer qui a porté les coups avec quoi. «La tâche ne sera pas simple face à des jeunes qui ont appris, en présence de leur avocat, à en dire le moins possible en garde à vue», confiait mardi un officier de police.
À l'été 2010, après des émeutes à la Villeneuve, Nicolas Sarkozy avait établi un lien entre l'immigration et la délinquance, sous les critiques véhémentes de la gauche. Grenoble ne figurait pas dans la liste des zones de sécurité prioritaires de Manuel Valls. Le ministre a promis mardi d'intégrer Échirolles et la Villeneuve à son programme. Sans préciser toutefois sur le calendrier…
Publié le 02/10/2012 à 20:32
ParJean-Marc Leclerc,Angélique Négroni
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Interpellations des suspects dans le quartier de la Villeneuve, mardi, par les services de police et du GIPN. Crédits photo : PHILIPPE DESMAZES/AFP
Le gouvernement met en garde Facebook
Le gouvernement a demandé aujourd'hui à Facebook de lui transmettre "avant la fin du mois de novembre" les mesures qu'elle compte prendre pour respecter les recommandations en particulier de la Cnil en matière de protection des données personnelles.
La semaine dernière, des utilisateurs français de la plate-forme sociale avaient inondé le web de témoignages où ils affirmaient que des messages privés apparaissaient par erreur sur leur profil public, un dossier dont s'étaient saisis le gouvernement et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
Après avoir mené ses propres analyses, la Cnil a indiqué aujourd'hui que "les messages incriminés par de nombreux utilisateurs semblent être exclusivement des messages +mur-à-mur+ et non des messages envoyés par l'intermédiaire de la messagerie privée de Facebook". L'autorité a aussi souligné que les modifications "récurrentes et unilatérales" des règles de confidentialité du site pouvaient expliquer la confusion des abonnés.
Les ministres du Redressement productif Arnaud Montebourg et de l'Economie numérique Fleur Pellerin ont indiqué dans un communiqué avoir demandé à Facebook de leur faire parvenir avant fin novembre les mesures qu'elle "compte prendre pour respecter les recommandations de la Cnil et du G29", le groupe des Cnil européennes.
"La société américaine doit prendre ses responsabilités"
Selon eux, "à l'issue de plusieurs entretiens, la Cnil a constaté que Facebook ne respectait pas ses recommandations ni celles du G29". "La modification inopinée de la présentation des données a perturbé les utilisateurs en faisant ressurgir d'anciens messages à caractère personnel", ont-ils souligné. "Au cours des dernières années, Facebook a modifié, à de très nombreuses reprises, l'interface des usagers et les règles d'utilisation afférentes".
"Au regard de sa taille et de son utilisation quasi-quotidienne par de nombreux Français, la société américaine doit prendre ses responsabilités pour empêcher que des situations similaires ne se reproduisent", ont poursuivi les ministres, réclamant des conditions d'utilisations "simples, compréhensibles et faciles à mettre en oeuvre".
"Il est anormal que le site soit ergonomique quand il s'agit d'envoyer un message ou une vidéo, mais qu'il devienne bloquant dès lors qu'il s'agit de contrôler les paramètres relatifs à la vie privée de ses utilisateurs", ont-ils relevé.
publié le 02/10/2012 / AFP
Tunisie : la rébellion d'une femme violée
Agressée par deux policiers, elle a reçu mardi le soutien de centaines de manifestants.
http://www.lefigaro.fr/icones/coeur-.gif" height="2" width="2">Une petite foule s'est rassemblée mardi sous les fenêtres du palais de justice de Tunis pour soutenir une femme de 28 ans accusée d'atteintes aux bonnes mœurs après avoir été violée par deux policiers, dans la nuit du 3 au 4 septembre dernier. A l'appel lancé sur les réseaux sociaux par des associations de défense des droits de l'homme et de simples citoyens, 500 manifestants, dont des députés du parti Ettakatol, membre de la coalition au pouvoir, ont donné de la voix. Les pancartes rivalisaient d'audace: «En niqab, voilée, maillot ou bikini, rangez vos zizis!», proclamait celle d'Asma, 25 ans, étudiante. Plus grave, le carton de Linda s'indignait: «Tunisie l'amour est un crime, le viol est un art.»«On a fait la révolution pour que la Tunisie aille mieux, explique la jeune femme de 27 ans, elle aussi étudiante. Mais là je suis déçue.» Les slogans, eux, visaient l'institution judiciaire «qui n'est pas indépendante» ainsi que les ministres du gouvernement. Le célèbre «Dégage!» a, une fois de plus, été scandé.
Coiffée d'un foulard noir et portant des lunettes de soleil, la jeune femme est arrivée peu avant 9 heures au palais de justice pour y être entendue par un juge d'instruction. «Le monde entier me soutient, je demande votre soutien», a-t-elle déclaré à l'AFP. L'audience, à en croire l'une de ses avocates, Radhia Nasraoui, n'en fut pas moins douloureuse. «Elle pleurait, ne supportait pas que nous évoquions les mots du porte-parole du ministère de l'Intérieur qui a souligné la position “immorale”, dans laquelle elle aurait été trouvée. Pour elle, c'était comme s'il remuait le couteau dans la plaie. Elle l'a dit d'une telle manière que je n'ai pas pu me retenir et moi aussi j'ai pleuré», poursuit l'avocate, qui a pourtant défendu de nombreuses victimes de tortures sous Ben Ali.
Preuves médicales à l'appui
Au terme de trois heures et demie d'audience, la jeune femme est repartie avec ses angoisses sans que le juge d'instruction, qui a décidé d'ouvrir une enquête contre elle et son compagnon, se soit prononcé sur le fond du dossier. L'affaire n'aurait peut-être pas suscité l'indignation des associations de défense des droits de l'homme, de la société civile et de citoyens tunisiens, si elle s'était limitée à une simple accusation pour flirt nocturne. Mais ceux qui ont déclaré l'avoir trouvée en compagnie de son ami dans une position «immorale», selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur, ne sont autres que ses présumés bourreaux, des policiers.
La nuit des faits, près de Tunis, trois agents de police, en civil mais en service, interpellent le couple dans sa voiture à l'arrêt. Alors que l'un d'eux éloigne le jeune homme, les deux autres tentent dans un premier temps d'extorquer de l'argent à la jeune femme avant de la violer, l'un après l'autre, dans le véhicule de police.
En portant plainte, preuves médicales à l'appui, la victime a permis que soient arrêtés les policiers aujourd'hui sous le coup d'une instruction. Mais elle a aussi osé briser le tabou régnant autour du viol dans un pays où l'opprobre peut s'abattre sur les victimes d'abus sexuels. Elle est même allée plus loin en racontant son histoire aux médias, sous couvert d'anonymat, se disant dévastée, pensant au suicide, accablée par le viol et l'accusation infondée qui s'en est suivie.
Publié le 02/10/2012 par Thibaut Cavaillès (Le Figaro.fr)
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Manifestation de soutien, mardi, devant le palais de justice de Tunis. Crédits photo : FETHI BELAID/AFP