Politique, pouvoir ou fait social : le sexe est-il un droit fondamental, et accessoirement un bien de consommation ?
Jeudi dernier, une discussion sur le dernier développement de «l'affaire DSK» a viré à une discussion sur la prostitution.
Laissez-moi vous prévenir tout de suite, cet article est rempli de jugements de valeur et de moralisation. Que ceux et celles qui revendiquent l'assouvissement immédiat de leurs pulsions et qui surtout ne veulent pas lire des arguments contre, passent leur chemin.
Lors de ce dîner, où régnait une parité exemplaire, je me suis retrouvée être la seule à défendre un point de vue qui a été taxé de «conservateur», «judéo-chrétien», «limite facho» (point pré-Godwin check.), et «déconnecté de la réalité».
1er argument sorti par mes contradicteurs :
«Un homme seul, moche, pauvre, il faut bien qu'il aille voir des prostituées. La misère sexuelle existe, et puis mieux vaut un coup avec une pute qu'un viol».
Cet argument, dégainé par un homme (comme c'est étrange...), est un de ceux qui me met le plus hors de moi.
Premièrement il suppose que le sexe non solitaire est un droit.
Hors un droit c'est une chose que vous pouvez prendre, par la force si besoin, sans que cela soit moralement répréhensible.
Tout le monde comprend qu'un homme qui meurt de faim vole de la nourriture.
Selon le raisonnement de mon ami, un homme dans la misère sexuelle va voir des prostituées, ou alors il risque de devenir un violeur. Sa misère sexuelle devient quoi en cas de passage à l'acte? Une circonstance atténuante? Et quand je fais remarquer à mon interlocuteur qu'il fait lui-même le rapport entre prostitution et viol, ni mettant qu'une différence de degré, il s'insurge que je déforme ses paroles.
Honnêtement je ne crois pas. Qui arrive à la prostitution par vocation? Qui ayant le choix entre une carrière de juriste et une carrière de prostituée choisie cette dernière?
Bon, aller! Au bénéfice du doute de cette humanité tellement diverse, à la louche 1 pour cent des cas.
Et qu'est-ce que le viol? Une relation sexuelle non désirée à laquelle on se soumet par force. Force physique, mais aussi force sociale; la secrétaire d'un président qui subit une relation non désirée, pas vraiment consentie, mais qu'elle croit inévitable, (par peur de perdre son emploi, par peur de la puissance politique et sociale) subit un viol.
La prostituée, qui ne peut refuser un client, (c'est ce qui fait d'elle une professionnelle), n'est pas dans une situation très différente de cette secrétaire. Si ce n'est qu'elle s'est mise volontairement dans cette situation ( enfin selon les cas, et plus ou moins de toutes les façons, on pourrait en débattre...)
Je maintiens c'est une différence de degré bien plus que de nature.
Et ce qui est vrai du côté de celle, ou celui d'ailleurs qui subit, l'est aussi de celui qui inflige.
L'homme qui assouvit une pulsion en violant une femme dans un parking ou en forçant sa secrétaire, parce qu'il le peut et qu'il en a envie à ce moment là ne fait qu'exercer un droit qu'il croit avoir, un droit de cuissage en quelque sorte. L'homme qui assouvit sa pulsion sexuelle avec une prostituée se sert de son pouvoir économique pour faire valoir ce même droit. Là encore, différence de degré plus que de nature.
2ème argument, sorti de la bouche d'une femme cette fois : «Le sexe n'est que le sexe, faut pas non plus en faire plus que ce que c'est...».
Là je dois dire que je vais à contre-courant de la pensée actuelle. Je suis intimement (c’est le cas de le dire) convaincue que le sexe n'est pas un acte anodin et qu'il ne devrait jamais être perçu ainsi. Fondamentalement, l'acte sexuel est l'acte créateur par excellence. Bien qu'il y ait aujourd'hui des moyens de contraception efficaces, il reste l'acte qui permet la création d'un autre être, d'une autre chair, d'une autre conscience. Et cela n'a rien, mais alors rien d'anodin.
Loin de moi l'idée de promouvoir le sexe dans un but uniquement reproducteur, au contraire, la sexualité est source de grands plaisirs, mais elle est plus que cela. Et je ne crois pas être celle qui la met «trop haut», je crois plutôt que c'est la rabaisser de la ramener uniquement à sa dimension animale en faisant abstraction de sa dimension «divine», créatrice...
En aucun cas la sexualité n'est un bien de consommation comme un autre, en fait elle ne devrait même pas être considéré comme un bien de consommation du tout.
Oui mais alors... Pour la légalisation? Contre?
Pour. Résolument pour. Par pragmatisme déjà ; car la prostitution existe et que légalisée elle pourrait être encadrée comme les autres corps de métier à risque.
Pour aussi, lorsque la criminalisation ne permet pas d'avoir un discours honnête sur un sujet qui est suffisamment compliqué par lui même, et que seul un tel discours pourrait amener un changement de perspective. Éduquer plutôt que punir, tirer l'Humain vers le haut plutôt que de le déresponsabiliser en désignant d'office les coupables.
Lucie, un peu énervée....