La haine change de couleur selon celui qui la désigne, mais c’est toujours de rouge qu’elle macule les trottoirs…
Par Louise Gaggini
Violentes manifestations à Paris entre des casseurs, la foule et les forces de l’ordre.
À l’ère d’Internet, de la libération de la parole et des idées, s’il est plus difficile aux tyrans de sévir dans le secret, il est plus facile aussi de transmettre n’importe quelle idéologie guerrière ou mortifère. Alors, est-il possible qu’en France la haine de l’autre puisse encore être une idéologie de société ? Les hommes pourraient-ils n’avoir rien retenu des drames de l’Histoire ? Le grand chambardement médiatique qui les bouscule à chaque seconde d’information, a-t-il épuisé leur vigilance ?
Et pourtant… Évangélisation, islamisation, inquisition, lapidation, épuration, pogroms, autodafés, camps d’extermination, goulags, emprisonnements, terrorisme, persécutions… Tout cela a existé et persiste à perdurer au nom de la morale et de vertus fondatrices.
Des bûchers des inquisiteurs chrétiens aux chambres à gaz nazies, de la bande à Baader aux Croix de feu, en passant par la lapidation des femmes, le meurtre des Kurdes, des Arméniens ou des Tutsis et aujourd’hui le viol des femmes dans les pays islamisés, c’est toujours au nom de la morale et de la justice, de la « purification » que sont perpétrées les pires atrocités.
Au vu des exactions passées et hélas encore d’actualité dans certains pays du monde, il y a-t-il un risque, même infime, pour que de telles barbaries puissent encore en France être proposées, comprises, applaudies et appliquées sous le couvert d’un droit qui cautionnerait le principe de « œil pour œil, dent pour dent ? » Il y aurait-il de bons terrorismes et d’autres qui ne le seraient pas, des violences justes et d’autres à punir ?
À lire et à entendre quelques médias qui revendiquent « la férocité et la haine » contre des autres désignés à la vindicte populaire, il semble que oui.
Une haine que certains ont relevée en disant « Oui, mais qui a commencé le premier ? » Par d’autres qui ont cautionné la démarche dans l’enthousiasme de la cause, soit supprimer les méchants. Et puis par d’autres encore qui en ont souligné la violence, voire le fanatisme, la vacuité et la dangerosité, quand même.
Cela dit, on peut envisager qu’en démocratie chacun a le droit de penser comme il veut et que la violence préconisée vaut parfaitement la paix des autres ? Sauf que… il y a déjà longtemps que nous avons quitté la violence des jungles et des cavernes, que la loi du plus fort s’est effacée devant l’esprit des lois, que nous avons aboli la peine de mort, que les meurtres et les viols qu’ils soient physiques ou psychologiques sont strictement interdits par notre nation de droits et punis par sa justice, que celui qui incite au carnage devient la main qui frappe, que sa responsabilité est totale.
Nous savons tous le chemin à parcourir pour seulement devenir l’ombre d’un genre humain pacifique et fraternel, nous savons tous qu’il y a en l’homme des zones archaïques qui pensent en terme de « tuer ou être tué » et nous savons tous combien ces parts obscures sont capables d’horreurs et d’indignités lorsqu’elles sont sollicitées et manipulées par des paroles travesties de morale.
Des valeurs fondamentales et fédératrices comme la justice, l’humanisme et les religions sont ainsi régulièrement détournées de leurs objectifs de paix par des pyromanes en puissance, qui trouvent dans des idéologies fanatiques, de quoi alimenter leurs pulsions de mort. Et tandis que des hommes et des femmes font tomber des dictatures en cherchant des alternatives à la violence du monde, ceux-là au contraire s’infiltrent dans les trouées, cherchent l’espace où implanter leurs haines, et avec l’alibi d’une vertu appropriée de plein droit, s’exercent à poser des bombes incendiaires, heureux de voir les brûlots prendre, et soufflant sur des braises jamais vraiment éteintes, jubilent et dansent devant les flammes de la discorde et les incendies allumés.
Un monde en flammes, qu’ils regardent se consumer ainsi que Néron regarda brûler Rome et sa population, heureux et convaincu dans la folie narcissique de sa toute-puissance, de la générosité de son acte.
Pour conclure et sans tomber dans la peur d’un monde où le danger serait partout, j’avancerai que l’hydre à plusieurs visages et qu’il est toujours prêt, à l’affût, camouflé et sournois, à renaître de ses cendres. Qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises violences. Qu’elles sont toutes à éradiquer et à conjurer puisque toutes préjudiciables à l’humanité. Que quelle que soit la couleur dont on désigne la haine, c’est toujours de rouge qu’elle macule les trottoirs…
Et puis qu’aussi, vraiment, je confisquerai bien les allumettes !
L.G