Nananews.fr: Pourquoi, pour qui? Un web-magazine d’actualités, participatif... devenez membres de Nananews.fr: L'inscription est gratuite !!!
Le Monde | 09.07.2016 à 07h45
• Mis à jour le
09.07.2016 à 12h01
| Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
La Commission européenne et son président, Jean-Claude Juncker, n’avaient vraiment pas besoin de cela. La banque d’affaires américaine Goldman Sachs a annoncé, vendredi 8 juillet, avoir recruté le prédécesseur du Luxembourgeois, José Manuel Barroso, au poste de conseiller et président non exécutif de ses activités internationales. L’ex-premier ministre du Portugal est resté dix ans, durant deux mandats (2004 à 2014), à Bruxelles, et y a laissé un souvenir très mitigé.Son embauche intervient alors que la banque doit se préparer aux conséquences du Brexit – la sortie annoncée du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Goldman Sachs International, dont M. Barroso devrait prendre la présidence, a son siège à Londres. Comme les autres établissements financiers sur le sol britannique, son activité dépend en grande partie du « passeport européen », ce sésame accordé aux établissements des pays membres de l’UE, leur permettant d’offrir leurs services partout au sein du marché intérieur.M. Barroso, 60 ans, a été recruté pour son épais carnet d’adresses et sa connaissance intime des complexes rouages européens. « Evidemment, je connais bien l’UE et relativement bien aussi l’environnement britannique. Si mes conseils peuvent être utiles dans de pareilles circonstances, je suis prêt à aider », a t-il benoîtement déclaré au Financial Times, vendredi. Et d’ajouter : « Nous ne savons pas exactement quel sera le résultat de la négociation [entre l’UE et le Royaume-Uni], mais le passeport sera un des sujets les plus délicats… »« Représentant indécent d’une vieille Europe »Ce « pantouflage » a provoqué une avalanche de réactions, surtout à gauche de l’échiquier politique, le plus souvent outrées. « Desservir les citoyens, se servir chez Goldman Sachs : #Barroso, représentant indécent d’une vieille Europe que notre génération va changer », a ainsi tweeté Matthias Fekl, secrétaire d’Etat français au commerce.« M. Barroso est l’un des responsables de la situation actuelle de l’UE. Ses dix années passées à la tête de la Commission ont laissé l’Europe exsangue, frappée par le chômage de masse, ont déclaré les eurodéputés socialistes français, vendredi soir, dans un communiqué. Ce nouveau pantouflage, qui ressemble fort à un conflit d’intérêts, est scandaleux. Nous exigeons une révision des règles pour empêcher de tels recrutements d’anciens commissaires européens. »Il y a quelques semaines déjà, le cas de Nelly Kroes, commissaire à la concurrence puis au numérique sous l’ère Barroso, passée tout récemment chez Uber, a aussi défrayé la chronique.Mais le « cas » Barroso apparaît encore plus discutable. L’ex-président de la Commission, qui a dû gérer la crise financière des années 2007-2011/2012, se fait tout de même recruter par la banque qui, au début des années 2000, avait aidé l’Etat grec à masquer son déficit pour rester dans la zone euro…Manque de courage politiqueM. Barroso fut aussi ce président de la Commission souvent accusé d’avoir contribué à faire « détester Bruxelles ». Manque de courage politique face au Conseil, la réunion des Etats membres – ses adversaires l’avaient baptisé « le caméléon » –, agenda social quasi inexistant, agenda libéral prédominant, communication soporifique… Sous son règne, la Commission a pris un tournant « technocratique ».Même si, à sa décharge, son second mandat a été totalement accaparé par la crise de la zone euro, et qu’il a malgré tout su y faire face – son institution a produit une quarantaine de nouvelles législations pour corriger les excès des marchés.Vendredi, personne ne réagissait officiellement à la Commission. Mais gageons que son actuel président, M. Juncker, a dû faire la grimace à l’annonce du départ imminent pour Londres de son prédécesseur. Rien de tel que ce type d’informations pour salir encore plus une institution, qu’il a voulu plus politique, mais qui passe son temps, depuis son investiture, à éteindre les incendies (crise grecque, des migrants, et maintenant Brexit)…Lire la suite