Travail dissimulé : le parquet requiert 150 000 euros contre Bouygues
Au dernier jour du procès qui s'est tenu devant le tribunal correctionnel de Cherbourg, une amende de 150 000 euros a été requise vendredi 13 mars contre Bouygues travaux publics (TP), qui, selon le parquet, a joué un « rôle central » dans une affaire de travail dissimulé de centaines d'étrangers sur le gigantesque chantier du réacteur nucléaire pressurisé européen (EPR) de Flamanville entre 2008 et 2012.Le parquet a également requis 225 000 euros d'amende, la peine maximale encourue, contre la société d'intérim Atlanco Limited, que la justice n’a pu localiser, et sa « nébuleuse », dont le siège serait à Chypre ou à Dublin. Il a demandé qu'on interdise à Atlanco d'exercer en France. La société a déjà été condamnée en février 2014 par le conseil des prud'hommes de Cherbourg à verser six mois de salaire à cinquante-neuf ouvriers polonais.Enfin, 80 000 euros d'amende ont également été requis contre l'entreprise roumaine de BTP Elco, poursuivie comme Atlanco pour travail dissimulé, ainsi que contre Quille, filiale de Bouygues construction, et contre la société française Welbond armatures pour recours à des entreprises pratiquant le travail dissimulé.De quatre cent soixante salariés — cent soixante-trois Polonais, deux cent quatre-vingt-dix-sept Roumains — à plus de cinq cents sont concernés, selon le parquet.Lire le récit : Le retour des « fantômes » de Flamanville« Le recours à Atlanco n'a qu'un objectif, contourner le paiement des cotisations sociales en France », « au mépris des droits des travailleurs », a estimé, malgré les dénégations de Bouygues TP, le procureur de la République de Cherbourg, Eric Bouillard. Il a souligné que son tribunal était « la première juridiction en France à être saisie de ce débat (le détachement des salariés d'un pays à l'autre en Europe) à cette échelle ».« Les amendes sont bien inférieures au bénéfice réel dans cette affaire », où Bouygues TP a joué un « rôle central », a estimé M. Bouillard. Plusieurs millions d'euros de cotisations sociales ont été économisés, selon le parquet.Les peines encourues s'élevaient à 225 000 euros d'amende, mais surtout la compensation des pertes de recettes subies par les organismes sociaux et l'interdiction d'accéder aux marchés publics pendant cinq ans.Près de trois mille personnes, dont un tiers d'étrangers, travaillaient sur le chantier de Flamanville au moment des faits. Ce chantier, qui devait faire figure de vitrine commerciale dans le monde, a cumulé les retards et les surcoûts. Sa mise en service est annoncée pour 2016, ce qui constituerait un retard de quatre ans.Lire le décryptage : Six questions autour du statut de « travailleur détaché »