En Inde, la production de charbon paralysée par une grève
Quelques mois après avoir promis de l’électricité sans coupure aux Indiens, le premier ministre indien risque de les plonger dans le noir.
- 60 % des mines de charbon sont à l’arrêt
- À partir de samedi, des centrales thermiques pourraient connaître des pénuries de charbon
- Au 1er janvier, les centrales à charbon indiennes ne disposaient que de neuf jours de réserve, et 20 d’entre elles n’en possédaient suffisamment que pour fonctionner quatre jours.
- Libéralisation et privatisations irritent les syndicats
En Inde, c’est, jusqu’à présent, l’entreprise publique Coal India, premier producteur au monde de charbon (près de 370 000 mineurs), qui possédait un quasi-monopole sur l’extraction et la production de ce minerai, depuis la nationalisation du secteur en 1972.
Une loi, passée par le gouvernement le 12 décembre 2014 à la chambre basse du Parlement, prévoit d’ouvrir le secteur de l’exploitation et de la production à toutes les entreprises. Pour rentrer en application, cette loi doit encore obtenir l’aval de la chambre haute du Parlement.
Les syndicats redoutent également la cession de parts de l’entreprise publique depuis que le gouvernement a engagé un plan de privatisations afin de réduire son déficit budgétaire.
- L’Inde très dépendante du charbon
Plus qu’ailleurs, le charbon est essentiel au bon fonctionnement de l’économie du pays, puisqu’il fournit plus de la moitié de ses besoins en énergie primaire contre une moyenne de 29 % ailleurs dans le monde.
Cette grève renforce les difficultés rencontrées dans le secteur depuis l’annulation par la Cour Suprême, en septembre 2014, de 214 permis d’extraction minière, dont l’attribution a été jugée illégale. Les importations indiennes de charbon ont triplé depuis 2007.
Le gouvernement espère attirer les investissements privés pour augmenter la production de charbon et faire face à la hausse des besoins en énergie de l’Inde.
Lors du Forum économique mondial, organisé à Delhi le 6 novembre, le ministre indien de l’énergie, Piyush Goyal a déclaré que la demande domestique en énergie doublerait d’ici à 2019 et que le pays devait rapidement accélérer sa production de charbon, qui fournit les deux tiers de la production d’électricité.
Dans un pays qui souhaite s’industrialiser et où 300 millions d’habitants n’ont pas accès à l’électricité, les alternatives au charbon sont difficiles à trouver. La production d’énergie d’origine solaire et ou éolienne progresse, mais elle ne pourra pas concurrencer le charbon qui reste moins cher.
Quant au nucléaire, malgré la promesse de signatures de contrats avec les États-Unis et la France pour la construction de centrales, les négociations sont bloquées. Le point d’achoppement réside dans l’attribution des responsabilités en cas d’accident, que l’Inde aimerait faireendosser aux constructeurs comme Areva ou Westinghouse.
- Le premier gros mouvement social pour le premier ministre indien
Fort d’une majorité à la chambre basse du Parlement, Narendra Modi affronte la première grève d’envergure de son mandat commencé en mai 2014. Le plus surprenant est de trouver, parmi les syndicats en grève, le Bharatiya Mazdoor Sangh (BMS), proche du BJP, le parti nationaliste hindou au pouvoir qui contrôle la majorité au Parlement. Ces derniers n’ont pas réussi à infléchir la politique du gouvernement, se disant « ignorés ».
En matière de politique économique, la solidarité entre nationalistes hindous pèse peu face aux intérêts divergents entre gouvernement et ouvriers. Critiqués pour être inféodés aux partis politiques, les syndicats sont souvent absents des médias contrairement aux économistes ou aux chefs d’entreprise.
Les voici qui reviennent en force dans le débat sur l’orientation économique du pays, à l’heure où le gouvernement indien a lancé le programme « make in India », destiné à attirer les investissements dans l’industrie et ainsi absorber les 10 à 15 millions de travailleurs qui arrivent chaque année sur le marché du travail.
« M. Modi traverse son moment Thatcher », écrit Rajesh Kumar Singh dans une tribune publiée par l’agence Bloomberg, faisant référence à la longue lutte qui opposait les mineurs de charbon au premier ministre britannique au début des années 1980, ajoutant cependant que M. Modi « est moins dans la confrontation ».