Mathieu Gallet veut préparer Radio France à des « choix structurants »
Le Monde | 09.12.2014 à 18h02 • Mis à jour le 09.12.2014 à 18h49 | Par Alexis Delcambre
L’année 2015 s’annonce difficile à Radio France. Passés les fastes de la réouverture au public de la Maison de la Radio, en novembre, voici venue l’heure du budget et des équations insolubles. Car à ce stade, l’entreprise publique n’est pas en mesure d’équilibrer son budget 2015 - une première dans son histoire.
Les alertes ont été lancées ces deux dernières semaines. Au Sénat, l’avis du rapporteur sur le volet audiovisuel du projet de loi de finances 2015, déposé le 20 novembre, admet « des préoccupations sur le budget » de Radio France, à qui il manquerait « 15 à 20 millions d’euros » (sur un budget de 650 millions environ).
Mardi 9 décembre, c’est le PDG de l’entreprise publique, Mathieu Gallet, qui a réuni ses cadres pour leur exposer la situation. Initialement prévu le 19 décembre, le prochain conseil d’administration a été reporté d’un mois. Tout comme la discussion avec l’Etat sur le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) de Radio France, qui doit encadrer la période 2015-2019. Cette discussion devait s’achever en décembre et a été repoussée.
Baisse des ressources publiques
Comment en est-on arrivé là ? Les recettes de Radio France sont à plus de 90 % fournies par la contribution à l’audiovisuel public - la fameuse « redevance ». Or, entre 2012 et 2015, le montant perçu par Radio France au titre de la redevance a baissé de 610 à 601 millions d’euros.
En face, les charges de l’entreprise n’ont pas diminué. Ses efforts ont été réels, avec une « stabilité des effectifs » et « une nouvelle politique des achats et de contrôle des frais généraux », comme le résume le rapporteur du Sénat, Jean-Pierre Leleux.
Mais la déprime du marché publicitaire et la hausse des charges de l’entreprise - augmentation de ses impôts liée au chantier de rénovation, amortissement des premières phases de ce chantier, hausse mécanique de la masse salariale - ont absorbé ces gains. « Dans ces conditions, nous ne pouvons plus être à l’équilibre », résume Mathieu Gallet, le PDG de Radio France, en poste depuis mai.
« Choix structurants »
M. Gallet a décidé de préparer les esprits à des réformes d’ampleur. « Il va y avoir des choix structurants à faire », admet-il. Car les perspectives d’évolution des recettes sont limitées. Le PDG plaide pour un élargissement des annonceurs autorisés sur Radio France, pour accroître le chiffre d’affaires publicitaire, et travaille à développer des générations de recette dans l’édition, les produits dérivés… Mais il reconnaît que ces leviers ne seront pas suffisants.
Quels sont les « choix structurants » dont parle M. Gallet ? Ils pourraient concerner le périmètre et la composition de Radio France, aujourd’hui constituée de sept antennes et de quatre formations musicales permanentes. « Il faut se poser une question, lance-t-il. Si on partait de zéro, quel groupe de radio publique composerait-on ? » Une question faisant écho à celles listées par M. Leleux dans son rapport : « Faut-il fusionner des antennes ? Faut-il ne garder qu’un seul orchestre au lieu des deux actuellement ? Faut-il engager un plan de départs volontaires ? »
Du Mouv’ aux orchestres
Du côté des antennes, le Mouv’, qui doit être complètement relancé début 2015, est de longue date sur la sellette. La station destinée aux jeunes a des audiences très faibles. « À défaut de stratégie cohérente ou si les résultats ne devaient pas être au rendez-vous, votre rapporteur estime qu’une fermeture de cette antenne ne devrait pas être taboue », a ainsi écrit M. Leleux dans son avis.
Des solutions pourraient aussi être recherchées du côté les mutualisations. Les pouvoirs publics soutiennent notamment un rapprochement des équipes de France Télévisions et de Radio France en matière d’information numérique. Coïncidence ? Radio France vient de recruter, pour diriger sa direction des nouveaux médias, Laurent Frisch, venu de France TV. Mais selon Mathieu Gallet, il devrait se limiter pour le moment à permettre des « mises en commun » et de l’« interopérabilité » : c’est-à-dire rendre possible techniquement des collaborations.
Enfin, la question des orchestres ne devrait pas manquer de se poser. Le débat sur l’existence de deux orchestres devenus rivaux (l’Orchestre national et le Philharmonique) est un serpent de mer… qui devrait resurgir en 2015.