Le diagnostic de la sécurité dans les réacteurs nucléaires
A juste titre, on reproche actuellement à l'opérateur nucléaire japonais TEPCO de ne pas donner beaucoup d'informations sur ce qui se passe au coeur des réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi, dont certains devraient souffrir de fusion partielle. Ceci tient en partie au fait que nulle technique actuelle ne permet d'y aller voir, la chaleur et les radiations détruisant tous les capteurs que l'on pourrait imaginer d'y introduire. Pour faire face à cette difficulté, les spécialistes doivent alors faire appel à des techniques d'autopsie qui sont proches de celles utilisées par les enquêteurs sur la scène d'un crime. Il faut rassembler de nombreux indices disparates, les soumettre à des traitements informatiques sophistiqués et proposer des diagnostics qui restent hypothétiques tant que l'auteur du délit n'a pas été clairement mis à jour - ce qui peut demander des années....
Les industriels du nucléaire tels qu'Areva ont développé depuis longtemps de tels logiciels, qu'ils proposent actuellement à leurs collègues japonais, que l'on découvre aujourd'hui démunis à cet égard. Ce fut l'accident de Three Mile Island, devant lequel les régulateurs américains s'étaient retrouvés aveugles, qui a obligé au développement de tels logiciels. Ils prennent en compte une grande quantité d'observables, des plus simples au plus complexes, par exemple la nature et la radioactivité des gaz et des particules successivement émises par un réacteur au fur et à mesure que s'aggrave la fusion de son coeur et l'écoulement du corium en résultant.
Les programmes d'analyse des risques et de la gravité des accidents, dits codes de sécurité, («safety codes») sont utilisés pour planifier les mesures de sécurité devant être adoptées au fur et à mesure que s'aggrave la situation, notamment les précautions pour protéger les travailleurs, l'étendue de la zone à évacuer, etc. Ces programmes, assez curieusement, sont confidentiels. Ils relèvant de la propriété de leurs développeurs. Leur utilisation est jugée trop stratégique pour être laissée disponible au profit de tous ceux qui prétendraient observer la situation de sécurité sur le très grand nombre de centrales nucléaires actuellement en opération dans le monde.
Malgré l'augmentation de la fréquence des incidents de faible gravité, les gouvernements se veulent avant tout rassurants, afin de ne pas créer de panique dans le public. Si les autorités nucléaires voulaient aggraver le rejet de cette forme d'énergie, elles ne procéderaient pas autrement.
* Pour plus de détails sur les codes et leur utilisation, on peut se référer à cet article du "New York Times" : http://www.nytimes.com/2011/04/03/science/03meltdown.html?_r=1