Vladimir Nabokov, Ada ou l'ardeur, et la perfection embrasée

Né à St Petersbourg 22 avril 1899, mort à Montreux 2 juillet 1977, Vladimir Nabokov a connu la consécration de son vivant avec Lolita. Mais c'est dans son dernier roman, Ada ou l'ardeur, que cet «écrivain américain, né en Russie et formé en Angleterre», tel qu'il se décrivait lui même, donna toute l'envergure de son talent. C'est dans cette oeuvre magistrale qu'il mit tout ce qui fut essentiel à sa vie; les échecs, mais aussi son amour des insectes et des papillons, (V.N. fut un entomologiste reconnu), une Russie pré-révolutionnaire mythifiée et magnifiée, et surtout son obsession non pas du mot mais des mots; de leurs combinaisons et recombinaisons, de la tension entre l'extrême précision d'une phrase et l'enchevêtrement complexe de ses multiples significations par le biais des jeux de mots en plusieurs langues et des associations d'idées.

«Le Style et la Structure sont l'essence d'un livre. Les grandes idées ne sont que foutaises.» disait Vladimir. Mais aussi que «l'imagination sans la connaissance ne conduit pas plus loin que l'arrière-cour de l'art primitif, le gribouillis de l'enfant sur le mur ou le message du débile sur la place du marché. L'art n'est jamais simple.».  Et avec Ada tout est réconcilié; des centaines de pages d'une écriture virtuose mise en valeur et mettant en valeur une réflexion, que dis-je des réflexions, sur le passage du temps, la modernité, l'inceste, la mémoire, le regard de l'Autre aimé ou méprisé, la soif de pouvoir et le besoin de connaissance, la perversité de l'amour et la candeur du dégoût. Le tout englobé et naissant dans la chair qui est le terreau, l'écorce et la sève. Le sexe et les sens qui nous donnent l'ardeur des vivants.

Ada est le manuscrit des mémoires de Van Veen, annoté par Ada Veen. Il relate la rencontre, et l'amour très charnel, de deux enfants géniaux à 8 et 10 ans, des cousins, et des conséquences de cette relation qui existera aussi longtemps qu'ils existent.

Je pourrais vous en dire plus: vous dire comment une Ada prépubère, polyglotte et spécialiste des papillons ne passe pas un jour sans grimper aux arbres du manoir d'Ardis, en robe et sans culotte pour bien sentir l'écorce rugueuse entre ses cuisses. Je pourrais vous parler d'Aqua, la mère de Van, excentrique, folle, parodie d'une satyre d'un cliché d'âme slave, ou encore de la tendresse de Van pour Lucette, son autre cousine au triste destin. Je pourrais même vous parler de l'Acadie, territoire du continent nord-américain colonisé par les Russes, sur Antiterra, là où vivent Ada et Van, là où ne fut jamais inventée l'électricité. Mais, pourquoi faire? Pour gâcher votre plaisir? Pour me laisser aller à ma jalousie? Car je vous envie, lecteurs et lectrices qui allez lire ce livre pour la première fois! Alors ne lisez pas l'article de wikipedia, ne lisez pas le résumé au dos. Plongez! Laissez-vous désorienter et bousculer par les premières pages, puis envoûter par celles qui suivent. Quant à ceux qui l'ont déjà lu, ils savent que je ne ferais que dénaturer une perfection en cherchant à vous raconter l'histoire de Van/Vladimir.

Pour émoustiller vos papilles littéraires....

«Il n'y a pas de libertin un peu ancré dans le vice qui ne sache combien le meurtre a d'emprise sur les sens.»

(Ada ou l'ardeur)

«Je pense que dans une oeuvre d'art il y a une sorte de fusion entre deux choses: la précision de la poésie et la fièvre de la science pure.»
(Partis pris)

-Vladimir Nabokov parle de la composition échiquéenne - :
«Parce que les problèmes sont la poésie des échecs. Ils exigent du compositeur les mêmes vertus que celles qui caractérisent tout artiste digne de ce nom: originalité, invention, harmonie, concision, complexité et absence splendide de sincérité.»
(Partis pris)