Ce jour-là
Bien plus tard vous vous souviendrez de ces soirs d’orage, chacune dans son fauteuil et le chien à vos pieds, parfaitement sécurisé. Vous aurez alors une bouffée de nostalgie et plagiant Ronsard, vous direz : au temps qu’elle était auprès de moi, je n’étais pas seule. Vous reverrez la scène. Le décor n’a guère changé depuis. La même lampe diffuse sa lumière charnelle. Les roses sont toujours alanguies dans le vase bleu. Les meubles ont survécu aux différentes tourmentes de ses six décennies. Ils n’ont jamais été beaux, ni même de prix. Cependant dans la nervure des fines plaques de bois, courent vos souvenirs. Ils ont tout vu, tout entendu, tout retenu.
Dehors, des ruisseaux tombent du ciel et, sourd mais entêtant, le tonnerre bourdonne. Vous n’allumez plus guère la télévision depuis qu’elle est partie. La pendule qui a usé son regard, fonctionne avec une pile que parfois vous oubliez de changer. C’est que pour vous le temps, c’est cette porte que vous apercevez au loin ; de moins en moins loin d’ailleurs ; et qui, quel que soit le chemin à faire, sera forcément ouverte ce jour-là.
Quand vous arriverez aux portes du temps, quand vous offrirez vos mains vides au couchant, vous entendrez chanter les syllabes que jamais personne avant vous n’aura entendues… mais il sera trop tard pour écrire ce texte que vous avez toujours rêvé d’écrire sans jamais y parvenir.
Et cela n’aura aucune importance.
©Mahia Alonso