Michèle Perret. Terre du vent, une enfance dans une ferme algérienne (1939-1945), L’Harmattan
On entre dans « Terre du Vent » comme dans un labyrinthe de senteurs. L’émotion est diffuse, prégnante dès les premières lignes. Fiction ou document de vie, on est tour à tour sur les deux niveaux. On avance à tâtons dans ce dédale d’images ourdies de doigts d’orfèvre, dans une écriture charnelle douée d’une âme libre.
Dans cette évocation d’une ferme de l’Algérie coloniale, Michèle Perret donne à ressentir des personnages et se sont eux qui tissent la trame de « Terre du Vent », que l’on suit et accompagne à pas de voleur, parce qu’on les surprend dans l’intime de l’ombre, dans le sacré qui suinte subrepticement de l’inconscient, dans les affects ressurgis, inattendus. On s’éprend de Choune, la petite héroïne dont on devine que c’est l’auteur enfant. On écoute Mado. On rêve sur la folie de Majda. On entend le rire clair des enfants dans ce jardin qui n’existe plus et on évite de croiser les djinns ou les petits morts au visage sans regard ; on a peur de voir le diable dans le miroir la nuit. Tout l’inconscient collectif d’un univers envolé nous est brossé en touches subtiles. En puriste de la langue française, Michèle Perret sait ciseler ses mots ; ses chapitres coulent dans un ordre alangui, écrasés de soleil, à l'ombre bleue des casuarinas.
En filigrane, c’est tout un monde oublié qui se met en branle. Une période qui couvre les années de la guerre mondiale : 1939 – 1945. L’orage dévaste l’Europe mais gronde aussi au Maghreb. Et sous ce ciel trop bleu qui présage déjà la tourmente, Choune s’éveille au bonheur de vivre, à la sensualité ou plutôt la sensitivité, toute pétrie de cette terre qui ne laisse aucun de ses enfants indemnes. Chapitre après chapitre, comme on feuillette un vieil et cher album rempli de photos précieuses, on s'attarde sur les images, on sent monter une émotion, et on n'a surtout pas envie de terminer le livre. Et puis la dernière page tournée, reste un trouble venu de si loin, du pays mystérieux de l'enfance, avec ses légendes, ses vieilles peurs et son espérance.
©Mahia Alonso
Michèle Perret, linguiste, a fait sa carrière comme professeur à l’université de Nanterre. Ses spécialités : le Moyen âge et l’histoire de la langue française. Elle a publié sept ouvrages dans ce domaine : ouvrages scientifiques ; ouvrages de vulgarisation dont une « Introduction à l’histoire de la langue française » qui figure parmi les meilleures ventes dans le domaine de ce type d’ouvrage ; et des traductions de romans du moyen âge.
Après sa retraite, elle s’est lancée dans une nouvelle carrière de romancière :
née dans une ferme en Algérie pendant la guerre de 1939-45, elle a romancé ses souvenirs d’enfance dans une sorte de conte, « Terre du vent » (Editions l’Harmattan) .
Elle a aussi publié chez Flammarion un conte pour enfants « La légende de Mélusine » (aujourd’hui épuisé. Elle publie des articles dans différentes revues. En cours d’édition, un recueil de nouvelles «Méditerranéennes ». Elle partage son temps entre Paris, Marseille et l’île Maurice.