Époustouflante Marthe Mercadier,
« Le rire, c'est la sincérité absolue. »
Par Mahia Alonso
« J’ai eu beaucoup d’épreuves dans ma vie, mais je ne m’imagine pas venir sur scène pour pleurer ! »
Toute l’année 2013, Marthe Mercadier sera « En vadrouille » à travers la France, avec Laurent de Funès, le petit fils de Louise de Funès. « Mercadier – de Funès en vadrouille » est un spectacle tendre, caustique et imprévisible, à l’image de cette grande dame de la scène et de l’écran qui depuis plus d’un demi-siècle enchante son public. La pièce a été jouée au théâtre du Petit Gymnase en juillet dernier avant d’entamer une tournée étalée sur toute l’année prochaine : « Une aventure extraordinaire », dit-elle toujours aussi époustouflante.
Marthe Mercadier nait à St-Ouen le 23 octobre 1928. Elle porte son « grand » âge avec élégance et humour promettant de « jubiler jusqu’à 100 ans » (son livre autobiographique paru chez Flammarion l’an dernier). Qui pourrait à la voir et l’entendre, imaginer qu’elle connut dans son enfance de lourdes épreuves de santé ? Elle sera bègue, puis muette et pour finir, paralysée pendant deux ans. C’est dans ses tout premiers combats qu’elle a puisé la rage de vivre qui l’a propulsée sur le devant de la scène, en haut de l’affiche avec 130 films et une 50e de pièces de théâtre, sans parler de ses apparitions à la télévision notamment dans « Au théâtre ce soir » ou dans la série « Les Saintes chéries ». Elle est d’abord souffleuse au théâtre Saint-Georges. Fin des années 1940, elle débute sa carrière au théâtre de boulevard et restera fidèle à un registre comique. Parallèlement elle devient productrice au théâtre et au cinéma. De décembre 1970 à octobre 1971, elle dirige le Vieux Colombier. En 2005, Marthe publie un premier livre , Le rire est mon refuge, où elle parle de son passé durant la seconde guerre mondiale. Si le rire est son moteur, elle n’en est pas moins engagée dans les combats pour la justice. Elle œuvra quelque temps à Bruxelles avant de fonder sa première association humanitaire. Chevalier des Arts et des Lettres, récipiendaire du Prix de la solidarité des Nations unies, en 1993, elle reçoit des mains de son ami l’abbé Pierre, la Médaille du Mérite décernée par Simone Weil.
La scène, son lieu de prédilection.
Marthe Mercadier a le cœur gersois depuis quelques années. Sa dernière apparition sur une scène du Gers date de 2010, (quelques mois avant la disparition de son amie Annie Girardot), où elle interprétait « Mme Marguerite », la pièce du Brésilien Roberto Athayde. Une reprise difficile et émouvante pour Marthe qui succédait ainsi à son amie :
« Il y a trente-trois ans, j'ai rencontré l'auteur et il avait écrit cette pièce pour moi mais je n'étais pas prête à jouer seule. Annie (Girardot, ndlr) avait à cette époque quelques soucis, je lui ai passé la pièce et c'est elle qui l'a créée », raconte Marthe Mercadier. De fait, Annie Girardot la joua pendant trente ans, remportant un énorme succès à travers le monde, et ce rôle lui a valu son deuxième Molière.
« Pour une comédienne, c'est un rôle difficile mais quelle source d'énergie ! Il est jubilatoire, cassant tous les codes, ruant dans toutes les directions. Reprendre Madame Marguerite aujourd'hui, c'est très symbolique. Je n'aime toujours pas jouer seule mais je le fais pour Annie. Une partie du pourcentage des recettes lui est reversée à elle et à sa fille, » me confiait-elle à ce moment-là.
Et à propos de « Tout bascule », une de ses récentes prestations qui lui tenait à cœur :
« Cette pièce est un festival de rebondissements et de bons mots qui suscite le rire salvateur, le rire du fond du cœur. Olivier Lejeune est l’auteur de nombreux sketchs. Je l’ai engagé au théâtre de la Michodière après qu’il ait sauvé « Vacances de rêve » à la mort de son auteur… Je l’ai incité à écrire « Tout bascule » et il a conçu mon personnage sur mesure ! Nous avons joué plus de mille fois et c’est chaque fois comme la 1e fois : c’est cela le théâtre, ce contact charnel avec le public. A chaque représentation, la pièce a une couleur différente. Sur la durée, les seconds rôles changent. Avec « Tout bascule » nous avons eu 3 distributions différentes et chaque fois la pièce s’est renouvelée. Les comédiens lui apportent leur âme et font qu’elle est vivante. »
Elle « carbure » avec le rire !
Marthe Mercadier est incandescente. Elle dégage une énergie farouche. Son secret ? Elle « carbure » avec le cœur… et avec le rire ! L’écouter, c’est un vrai bain de jouvence. Elle vous raconte des choses sérieuses sur un ton humoristique, vous emporte comme un grand vent dans son parcours, fait un melting-pot de ses souvenirs de théâtre, son grand amour :
« On ne truque pas avec le rire. C’est un sujet qui a retenu l'attention du philosophe Bergson, que j’ai lu – eh oui - : Le rire, c'est la sincérité absolue. Parfois il survient, intempestif et à contretemps. Il vous échappe, ne se contrôle pas. On arrive sur scène dans sa bulle, on est très concentré mais si un incident se produit, c'est ingérable et on éclate de rire. Je ris sur scène comme les autres ! Le rire vous massacre, c’est physique, instantané… D’ailleurs, je suis née dans un éclat de rire de ma mère… »
Ce rire ne lui a pas servi de béquilles mais d'ailes quand des problèmes de santé l'ont clouée pendant deux ans sur une planche, alors qu'elle était gamine.
«Je ne joue que des pièces comiques car le rire me nourrit, m’enchante. J’ai besoin de cet échange avec le public. »
Les combats du cœur.
Marthe s’est toujours penchée sur les détresses humaines avec discrétion car elle a pour gouvernail un cœur à vif, tout dédié à l'amitié. Déjà, pendant la seconde guerre mondiale, alors qu’elle est encore adolescente, elle prend part activement à la lutte contre l'occupant en entrant dans la Résistance.
D’un abord accessible, elle sait être simple, chaleureuse, attentive à la question qui peut tout bousculer. Comme celle de ce journaliste en 1973 qui lui a permis de sauver le théâtre des Variétés. Cette belle salle Empire devait être rachetée dans la semaine pour devenir une banque. Marthe alerta le ministre de la culture, Maurice Druon qui, instantanément classa le théâtre monument historique, le sauvant de la destruction. Tant d’anecdotes s’égrènent, accompagnées de sa jovialité… !
Elle s’implique dans des expéditions humanitaires en Afrique. Léopold Sédar Senghor a été son professeur de français et de latin au lycée de St Maur des Fossés.
« Il parlait de fraternité. Il était lumineux », dit-elle. Il sera « son soleil », l’aidant dans son action.
Elle est également visiteuse de prison avec le comédien Denis Manuel, un autre ami très cher, disparu en 1993 et qu’elle évoque, un sanglot dans la voix. Et puis, en 1981, la voici chargée de mission hors cadre auprès d’Yvette Roudy ministre des droits des femmes, ce qui lui valut quelques inquiétudes lors de l'affaire du Carrefour du Développement :
« Je me suis engagée dans le combat politique pour soutenir la cause des femmes. J’ai œuvré aux côtés d’Yvette Roudy, mais j’ai très vite vu les limites d’un ministère… c’est alors que je me suis lancée dans l’humanitaire, toujours en faveur des femmes. »
L'énergie farouche qui caractérise Marthe Mercadier lui a permis de se hisser au sommet de l'affiche. Avec des étoiles dans les yeux, elle va toujours au bout de ses engagements. A 84 ans, elle démontre une énergie magnifique qu’elle continue de déployer tout azimut.
Crédit photo : DR
Entretien avec Marthe Mercadier dans VIP sur KTO | |
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Marthe MERCADIER et Laurent DE FUNES présentent "En Vadrouille" : |
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