Un ex-président qui se porte plutôt bien
Par Christian Duteil
Où tous les projecteurs ne sont plus braqués sur Nicolas Sarkozy qui n’a jamais été aussi populaire depuis son retrait de la vie politique et ses longues vacances marocaines au cours de laquelle il a acheté à prix d’or un palais à Marrakech. Où Bernadette Chirac croit dur comme fer à son retour en politique alors que son camp désormais dans l’opposition s’entredéchire pour le leadership de l’UMP. Zola fait le point en cette rentrée sur son cas.
Quand Nicolas Sarkozy se trouva seul, inoccupé, après des années de vie active et agitée, il éprouva d’abord un grand ouf de soulagement et entra en hibernation politique avec la complicité de son ami le roi du Maroc. Depuis les chaudes journées de 2007, il lui semblait qu’il n’avait pas dormi à force d’être partout. Il acceptait sa disgrâce comme un congé mérité par de longs services. Pas question pour lui de succomber comme le vulgaire à une quelconque dépression ! Il pensait rester six mois à l’écart, le temps de choisir un meilleur terrain que le bling bling quotidien, puis rentrer à son gré dans la grande bataille entre ses deux dauphins présumés. Mais au bout de quelques semaines, il était déjà las de repos au soleil. A son âge, on ne se refait pas… Jamais Sarko n’avait eu une conscience si nette de sa force et maintenant qu’il ne les employait plus, sa tête et ses jambes le gênaient. Il passait ses journées à se promener au fond de sa palmeraie, ne pouvant plus se balader dans les rues de Paris sans être abordé par ses supporters nostalgiques. Avec des bâillements formidables pareil à ces lions en cage, qui étirent puissamment leurs membres engourdis.
Alors, commença pour lui une odieuse existence, dont il cacha avec soin l’ennui écrasant. Il se disait bien content d’être en dehors du « gâchis » ; seules ses dures paupières se soulevaient parfois, guettant les événements, retombant sur la flamme de ses yeux, dès qu’on le regardait ne s’agitant plus. Ce qui le tint debout, ce fut l’impopularité dans laquelle il se sentait marcher. Sa chute avait comblé de joie bien du monde. Il ne se passait pas un jour lors de sa dernière campagne sans que quelque journal l’attaquât. On personnifiait en lui l’Etat-UMP et sa cohorte d’affaires plus ou moins louches. A l’Elysée, l’hostilité de son successeur était plus grande encore, après une passation de pouvoir en mai plutôt glaciale. Cette haine ambiante le réconfortait, l’enfonçait dans son mépris du troupeau humain aux humeurs trop versatiles. On ne l’oubliait pas, on le détestait certes mais au moins il existait encore dans l’opinion : on faisait toujours référence à lui, et cela lui semblait bon signe pour la suite. Le pire, c’est bien connu, c’est l’indifférence. Lui seul contre tous, c’était un rêve qu’il caressait, lui seul avec un fouet, tenant les mâchoires à distance… Il se grisa des injures, il devint plus grand, dans l’orgueil de la solitude, guettant son heure.
Cependant, l’oisiveté pesait terriblement à ses muscles de lutteur. Les jours s’écoulaient trop lentement à son gré, il souriait avec une bonhomie de moins en moins sereine. Il déclarait en privé être prêt, attendre simplement un signe de ses amis pour reprendre la lutte et faire son retour dans l’arène. En effet, en ce terrible automne du socialisme qui gouvernait vaille que vaille la France, au milieu de cette stupeur faite de scepticisme et de lassitude, il entendait monter un sourd réveil. Comme espoir suprême, Nicolas comptait sur quelque catastrophe qui le rendrait brusquement nécessaire et de nouveau incontournable ; mais fallait-il attendre plus longtemps ? N’était-il pas l’homme des situations graves et du dernier recours ? S’il n’en restait plus qu’un, il serait celui-là, foi de Carla !