De Cosette à Catherine
Studio Harcourt, un succès féminin
De Germaine Hirschfeld à Cosette Harcourt:
l'ombre et la lumière
Il fut un temps où les hommes dit-on se ruinaient pour une terre, une guerre, une bataille à gagner, une femme qu'ils convoitaient ou aimaient...
L'histoire de la mode et du cinéma a immortalisé le destin de certaines d'entre-elles qui s'appuyant, au départ, sur le statut social ou les finances d'un homme, surent rapidement et intelligemment, inventer leur propre vie : Coco Chanel et Arletty pour ne citer qu'elles.
Pour Germaine Hirschfield, ce fut différent. Ce sont ses compétences en photographie qui furent à l'origine de sa réussite, même si elle trouva des appuis auprès de Jacques Lacroix pour créer la marque Harcourt, dans cette époque flamboyante qui, entre les deux guerres, mêla avec la même désinvolte passion, le luxe et la misère.
L'option qu'elle prit alors, d'assembler pour son nom d'emprunt deux symboles aussi opposés que celui de la pauvreté et de l'aristocratie, démontre sans conteste l'acuité intellectuelle et la lucidité sur son époque, de celle qui devint Cosette Harcourt.
Un nom et une marque qu'elle imposa et magnifia au point qu'aujourd'hui encore partout dans le monde, le studio Harcourt est l'emblème de l'excellence, de la compétence, du savoir-faire qui sait conjuguer l'art et la beauté aux nouvelles technologies et aux nécessités matérielles des entreprises.
Une empreinte indélébile que Cosette Harcourt aura voulu forger comme un gage de réussite? Des choses et leurs contraires, dont il faudrait porter les dualités, les paradoxes et les apparentes contradictions, de façon à toujours se souvenir que: rien n'est jamais acquis, que tout peut toujours basculer d'un point à l'autre d'une ligne de fracture, mais que l'on peut toujours aussi passer du pire au meilleur?
Qui était Cosette Harcourt ?
Née en 1900, un grand mystère accompagne ses débuts dans la vie. L'on dit qu'elle a été vendeuse dans des studios de photographies industrielles, qu'elle en profitait pour photographier certains clients et qu'elle vendait ensuite ses clichés dans des cabarets à la mode.
Bref l'existence, à première vue, d'une jeune fille modeste, qu'on dirait aujourd'hui «battante» et désireuse de s'en sortir. Probablement attirée par les paillettes et les strass, l'indépendance que l'argent apporte, l'envie d'exister dans un monde où les hommes ont tous les droits et les femmes aucun, ni celui de l'autonomie de leurs biens ou de leur corps, ni celui de décision pour leur propre vie et celle de leurs enfants.
Ces années-là furent des époques charnières pour les femmes. Dans d'autres pays du monde, elles se regroupaient pour acquérir des libertés.
Cosette Harcourt fut sans doute dans cette mouvance de société de l'entre-deux guerres, une de ces jeunes femmes éprises de liberté et d'indépendance qui rêvèrent leur vie et vécurent leurs rêves, en équilibre sur d'anciens schémas et la modernité...
L'Histoire a retenu son indépendance et son élégance, qu'elle aimait les voitures, les belles robes, la vitesse et fumer, comme une sorte de prélude à Sagan et Bonjour Tristesse, qui des années plus tard, devinrent le fer de lance d'une jeunesse avide d'être dans «La fureur de vivre».
L'Histoire a aussi retenu qu'elle était l'amie de Coco Chanel et d'un gotha prestigieux, mais que c'est en 1934, dans ce moment où s'amplifiait la montée du fascisme, peut-être aussi dans l'effervescence qui préside aux grandes évolutions, qu'elle s'associa aux frères Lacroix, des patrons de presse qui avaient besoin de photographies «people» pour illustrer leurs journaux ainsi qu'avec Robert Ricci, fils de Nina Ricci pour fonder ensemble «Le Studio Harcourt».
Surtout que c'est elle qui initia les choix professionnels de l'entreprise, notamment le choix du cinéma, évidemment pas anodin lorsqu'on veut bien se rappeler combien alors «Le cinéma» était porteur de rêves et d'horizons pour des populations et des personnes qui souvent n'avaient jamais été plus loin que le village ou la ville d'à côté.
Les voyages et les loisirs n'étaient pas encore au rendez-vous des sociétés et les congés payés non plus; la France et le monde en général se révélaient par bobines interposées aux yeux de spectateurs subjugués.
La photographie de toutes ces «stars» du cinéma, devint donc le pilier professionnel du Studio Harcourt, qui développa des techniques d'ombres et de lumière, des pénombres inédites et des maquillages qui magnifiaient les visages, les rendaient intemporels et pour toujours hors d'atteinte de l'outrage des ans.
Des portraits si beaux qu'on disait qu'un acteur ne devenait célèbre qu'après avoir été couché sur le papier glacé du Studio Harcourt.
Hélas, Cosette Harcourt doit quitter Paris occupé.
Cosette Harcourt est Juive, et pendant l'année 1940, elle prend la décision de quitter Paris et l'occupation, cela malgré son mariage avec Jacques Lacroix, pour passer en zone libre, puis en Angleterre où elle obtient un passeport Anglais qu'elle utilisera toute sa vie.
Pendant son absence, le Studio restera ouvert et les Allemands s'y feront photographiés de la même façon que les Américains ensuite, comme si cet endroit de l'art et la beauté était enfin devenu ce pourquoi il avait été créé: un espace hors du temps où les rêves prennent forme pour devenir réalité. Un lieu où l'illusion et la magie, l'extraordinaire, passent devant les outils; où l'on oublie même qu'ils existent.
Après la fin de la guerre, Cosette Harcourt reprendra la direction du Studio, à qui elle donnera un essor international. Et depuis, malgré sa disparition en 1976, et malgré les nouveaux entrepreneurs qui dirigent aujourd'hui l'entreprise, son image et son nom reste indissociablement liés à l'élégance et l'intemporalité Harcourt; à sa griffe qui signe chaque image.
Reste à saluer, pour conclure cette rétrospective d'un parcours peu commun en son temps, la force de vie et la dynamique, la modernité d'esprit de Cosette Harcourt, mais aussi celle de quelques autres qui comme elle, à des moments clefs, des instants passages de l'humanité, se sont engagées ou s'engagent dans d'ingrats et rudes combats pour la liberté des femmes, bouleversant et bousculant les mentalités, imposant des styles et des marques, des nouvelles façons de vivre pour des femmes qui, dans cette moitié de siècle lapidée par deux guerres, étaient encore en France, soumises aux lois physiques ou juridiques des hommes, et qui ailleurs aujourd'hui en 2012, sont toujours sous les mêmes jougs et interdits, vivent enchaînées.
Catherine Renard
la nouvelle muse d'Harcourt.
Je suis arrivée au Studio Harcourt avec un peu de retard, Paris et les embouteillages ne permettent pas la précision en matière de rendez-vous, et c'est, essoufflée d'avoir pressé le pas depuis le parking, que j'ai passé la porte de ce qu'il faut bien appeler «le temple» de la photographie. Là où tous les grands de ce monde, les stars d'Hollywood et de tous les cinémas sont venus se faire «tirer le portrait». Of course, pardon, l'expression n'est évidemment adaptée ni à l'endroit, ni aux manières, ni au professionnalisme du studio. C'est juste une pirouette pour me donner le temps de reprendre ma respiration, tandis que le portrait de Carole Bouquet, immense en haut de l'escalier, me percute violemment de toute sa beauté.
Beauté ombrée, en noir et blanc où pas un défaut, nul indice d'un temps passé, ne vient déranger la perfection du teint «Zéro défaut» aurait dit une petite jeune fille que je connais, en s'escrimant à camoufler des petites imperfections d'adolescence.
Installée sur un divan crème du grand espace d'attente, j'attends Catherine Renard, la directrice du lieu, en regardant les diaporamas de mes stars préférées défilés grandeur nature sur le mur en face de moi. Dieu que Vanessa Paradis est belle ! Et Dieu que l'endroit est beau. Calme et beau, élégant. Rien d'ostentatoire, tout en harmonie et mesure.
- Bonjour !
Elle a déboulé, vive et brune, regard comme j'aime. Comment j'aime? Brun et grave, intelligent, mais ce n'est pas de ce que j'aime dont je dois vous parler, mais de Catherine Renard qui vient de me tendre la main, souriante.
Je passerai sur les quelques minutes d'évaluations personnelles et réciproques, pour arriver sur les affinités électives. Parce que d'emblée, il y en eut. Au moins de ma part.
Les rencontres et les interviews sont toujours des instants singuliers où deux personnes parfaitement inconnues l'une à l'autre, vont se livrer à un jeu de questions-réponses qu'en d'autres moments elles trouveraient insupportable, mais que là, chacune est venue chercher, précisément.
Et si parfois les hasards sont malencontreux, il arrive qu'ils soient de l'ordre de la magie, incandescents, passionnels, heureux tout simplement.
Combien de journalistes ont ainsi rencontré l'autre de leur vie? Avec les politiques, c'est même assez fréquent. Bon. Revenons à mon café, au divan crème, aux divas du diaporama, et à Catherine Renard, main tendue vers moi.
Une petite rétrospective de sa vie professionnelle me démontre aisément qu'elle était prédestinée à reprendre les rênes de la grande maison Harcourt: un doctorat en biotechnologie l'ayant amenée à la recherche appliquée dans une immense propriété agricole où l'on s'attachait à produire des molécules d'acide hyaluronique à partir de... betteraves !
Là, je prends vraiment un raccourci, mais l'idée est là. Et le produit miracle, que nous trouvons aujourd'hui dans de nombreux soins et crèmes anti-âge, l'était aussi.
Après quelques années de recherches, notre jeune scientifique intègre la FEBEA, la fédération qui réglemente l'industrie des cosmétiques, et puis un peu après, l'AFSSAPS l'agence française de sécurité sanitaire.
D'une certaine façon, elle clôturait ainsi un cursus professionnel, et forte de ses nouvelles compétences, elle se lança dans la création d'une entreprise QUATRE'S COSMETIC, qui diffusa auprès des grands marchés distributeurs, des produits cosmétiques innovants et novateurs. De ceux inédits et de pointe que sa formation scientifique, lui permettait évidemment d'identifier ou de repérer.
Dans l'élan, elle crée une boutique «The beauty land», à laquelle, malgré son travail d'aujourd'hui de direction du studio Harcourt, elle reste affectivement attachée.