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Eh oui, la guerre sévit, les colères grondent et les «raisins de la colère» murissent vitesse grand V, mais dans le monde émergent des libertés nouvelles et j’ai envie de vous dire que la beauté et la tendresse toujours peuvent nous bercer, avec la force et la joie, regardez cette vidéo et laissez-vous porter par la douceur d’un monde originel, le nôtre que nous prenons si peu le temps d’aimer…


 

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L'érotisme dans un journal sérieux ?

Certainement, car la sexualité fait autant tourner le monde que l'économie.

Nouvelles, grands classiques de la littérature, mais aussi reportages et web-expos, vous êtes sur le seuil de notre rubrique lubrique.

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Diabète Mag N°17

Le N°17, Vient de paraître
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Codif : L13013

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Prévenir, Comprendre, et Mieux vivre avec le Diabète

 

Au sommaire vous trouverez :

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- Gros dossier: Mincir de plaisir, des menus type.

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Nutrition :

-       le foie, source de fer – tout sur la moutarde

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Un N° 17, Complet, pour une vie pleine de bonnes résolutions.

DIABETE MAGAZINE , chez votre marchand de journaux.

Inclus: Le Diabétique Gourmand, des recettes goûteuses et light.

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Catherine Clément « reporter d’idées » de notre époque

images-1« J’ai senti des symptômes très inquiétants causés par le seul acte d’écrire[1]. »

« De même que naguère existait le comité » central du parti communiste, un « comité central » de l’information est en train de naître[2].»

 « Ne nous attardons pas au spectacle de la contestation, mais passons à la contestation du spectacle[3]. »

« J’ai choisi d’être philosophe pour comprendre Auschwitz où les miens avaient disparu[4]. » Catherine Clément, normalienne agrégée de philosophie, enseignante, écrivaine et journaliste productrice à France culture, s’inscrit en bonne place dans la catégorie foucaldienne du « reporter d’idées » ici à la recherche de sa vérité familiale et du lieu de la disparition des siens. Démarrons pour tenter de mieux cerner ce symptôme féminin  et contemporain d’intellectuel sur cette définition de notre philosophe journaliste du « reporter d’idées », comme passeur iconoclaste qui rompt avec le conformisme ambiant et le chemin tout tracé de la recherche académique.

« Tout retourner, dis-je allégrement, laisser venir les associations les plus folles et en tirer pensée, comme on tire parti. Libérer la pensée du carcan de la démonstration. Penser en coup de foudre. Mettre le feu aux momies entassées, lancer une torche allumée dans ces vieilles tombes pillées où les prêtres ont accumulé les corps secs des pharaons. Dégagez ! Laissez les morts enterrer les morts, et les vivants jaillir de l’étincelle des vivants. Incendier le classique dans l’idée, brûler l’établi, le solide, et gratter, comme Socrate, dénicher l’exclu sous les mots. Ca vous va[5] ? »

Histoire de brouiller les pistes et de cultiver sa pensée nomade, Catherine Clément a beaucoup voyagé et vécu ces dernières décennies en Autriche, au Sénégal, en Inde. A tel point qu’elle a peu à peu effacé les traces de ses origines et se vit désormais citoyenne du monde. « Rien à faire avec le Paris d’aujourd’hui : je n’y vis plus. Mes pas y sont ceux du passé. Je les mets à présent dans les rues de Calcutta, de Delhi, de Vienne. Là-bas, ils me portent avec allégresse ; ici, ils me traînent. J’ai déserté. Je suis étrangère à Paris.[6]» A l’époque,  au début des années 1980, quand elle part en Inde, elle a déjà publié cinq romans et huit essais. L’Inde lui inspirera ses plus grands succès, Pour l’amour de l’Inde[7] et Le Voyage de Théo[8], l’Inde ne cesse d’inspirer son travail. Elle est aujourd’hui par ailleurs membre du Forum Franco-indien, organisme bilatéral officiel.

images-2Lieu de son décentrement qui casse le lien académique avec la Normale « fabrique » de professeurs hussards noirs de la laïcité. C’est là-bas, sur son chemin de Damas …en Inde, qu’elle avoue avoir enfin compris la réalité de « l’Aufhebung », le dépassement, la relève, cette faille qui permet de s’insinuer entre les deux montants de la contradiction. Pourtant, longtemps, Clément en a voulu à Hegel - qu’elle avait exposé de long, en large ses chers étudiants pendant ses quinze ans de Sorbonne- de n’avoir rien compris à l’Inde et même d’avoir écrit bon nombre de sottises à son sujet. Au fond d’y plaquer son esprit de système sans même y aller voir... et s’ouvrir aux bruits du monde. Pourtant, avoue-t-elle volontiers au croisement de l’idée et de l’événement, « en lisant et en relisant Hegel, je comprenais la portée d’une philosophie qui ne néglige aucun moyen pour transformer l’explication en sens, l’inertie en mouvement, et la souffrance en son contraire. Les contradictions offraient un terrain de choix, et le génie de l’Inde pour les surmonter démontrait à l’envi la pertinence du philosophe Hegel. C’est un travail, disait-il. Un travail difficile. Le dur travail du négatif. Car surmonter les contradictions ne va pas sans dégâts. Peut-être la non violence du Mahatma Gandhi retarda-t-elle l’avènement de l’indépendance de son pays, c’est possible. Sans doute une laïcité un peu trop laxiste autorise-t-elle les intégristes de tous poils, à commencer par les Hindous, à retourner les droits de l’homme contre eux-mêmes, allant jusqu’à détruire les mosquées, massacrer les minorités et brûler une veuve de dix-sept ans, c’est vrai. Mais surmonter les contradictions suppose la technique du bricolage, une modeste pratique de la pensée sauvage, et surtout, cet art singulier, auquel Lévi-Strauss donne son véritable nom : la bonne distance[9].

Parcours atypique afin de tenter de décrypter une œuvre et ses chemins de traverse. Née en février 1939 à Boulogne-Billancourt dans une famille mi-catholique, mi-juive, Catherine Clément passe une grande partie de son enfance sur les bords de la Loire avec sa grand-mère chrétienne, ce qu’elle raconte dans « Maison mère »[10]. Dans « Mémoire », elle vient de boucler la boucle et de livrer son «impossible biographie» qui se confond avec les fureurs du XXe siècle et s’entrecroise avec la vie intellectuelle des cinquante dernières années. La guerre l’a privée de ses grands parents juifs, dénoncés, déportés, « liquidés » à Auschwitz en mai 1944. Avec sa mère, elle hante vers 7-8 ans l’hôtel Lutétia en guettant en vain des fantômes. « Nul pèlerinage n’est innocent », glisse-t elle, pas dupe. Quelques décennies plus tard visitant le trop fameux camp de concentration lors d’une visite incontournable au PC polonais, elle se mure dans le silence (du refoulé) et entre alors en analyse pour s’en sortir… 

« J’avais trois camarades ; aucun n’avait été frappé par l’Holocauste. Personne n’en menait large ; sous le portail où restent les vieilles lettres rouillées qui souillent à jamais le travail et la liberté, nous avons franchi le seuil du camp. Arbeit macht frei. C’est alors que j’entrai dans le Grand Silence. Pendant exactement vingt-sept ans, j’avais donc bavardé la vie (…) J’avais gravement papoté, joyeusement philosophé. J’avais usé de la langue, sans vergogne, sans savoir[11]. Et l’heure était venue du rendez-vous. J’entrai à pas comptés, recueillie comme dans une église. Le groupe se taisait. Sans oser le penser, nous attendions l’horreur et elle ne venait pas. Quoi, c’était ça, Auschwitz ? Ces longs baraquements, cette herbe verte trouée de pissenlits sauvages ? Le printemps effleurait le camp. Pas le moindre souvenir d’un seul cri. Un paysage endormi, un peu morne, honteusement vivant (…) Pour retrouver les mots, il fallait un autre silence. Et pour sortir d’Auschwitz, un divan, pour m’y reposer[12].» 

Bien avant son «coming out» à Auschwitz et son entrée au Parti communiste français en juin l968, Catherine a intégré « la fabrique » comme elle la nomme, l’École Normale Supérieure, « grande arches du cloître autour d’un bassin, petits massifs de buis, longs couloirs beige, réfectoire… 45 rue d’Ulm, un monastère[13]. » Elle hérite pour répétiteurs (ceux qu’on surnomme caïmans à l’Ecole Normale) Michel Serres, Jules Vuillemin et Ferdinand Alquié qui lui enseignent le culte de la Raison qu’elle baptisera plus tard lorsqu’elle aura franchi le Rubicon du journalisme et de l’écriture, « La Putain du Diable ». Mais elle fait le mur, non seulement pour fréquenter les jeunes normaliens mais aussi les fous de Saint Anne, « la Mecque de la psychiatrie française ». « C’est avec eux que nous avons appris le plus. Les fous nous ont enseigné l’inconscient. ». Et la sagesse folle ou la folie de la sagesse qui colle des étiquettes sur la folie[14]. Gardant à l’esprit que toute idée philosophique est une idée dont son rapport au réel est sous condition de la vérité, Clément se veut ici jeune reporter à Sainte-Anne comme Foucault le relate aussi de l’intérieur de l’institution « Tous étudiants de philosophie en deuxième année de licence, ils y sont allés avec appréhension, la première fois, pour les présentations de malades. Ils avaient dix-huit ou dix-neuf ans, ils marchaient lentement en traversant les cours, lorgnant mine de rien les passants, en blouse ou sans blouse, traquant les signes de la folie, les cheveux raides, le teint gris. Ils épiaient les habitants de Sainte Anne, dont ils ne savaient pas s’ils étaient de vrais fous ou des visiteurs. (…) Ceux qu’on croisait sur le chemin de l’amphithéâtre étaient susceptibles de folie. Tous, sauf les internes, ( …) ceux là était du côté du savoir[15]. »

Savoir/pouvoir au centre du décentrement de la déraison. De la parole, elle non plus, qui ne donne pas tout de l’altérité qui s’exprime en elle, mais ouvre à d’autres dimensions d’un événement que la démarche consistant à le rendre visible. On ne s’habitue pas à la folie et à son enfermement. Puis un jour, presque par hasard si ce n’est par nécessité, Catherine Clément se trompe d’amphi à Sainte Anne. C’est un choc, comme une révélation qui la fera entrer en religion lacanienne. « On entre et on entend une voix de fou, émanant d’un type étrange à la parole lente et monocorde, et qui délire. Il n’a ni blouse ni capote bleue[16]. Il traite de l’angoisse, à mots comptés, en toussotant entre les phrases comme s’il agitait une cloche invisible pour se faire entendre. Il a le sourcil touffu, le regard sombre et fixe d’un penseur enfermé. Il a l’air vaguement japonais. Ce qu’il dit est incompréhensible, et pourtant limpide. C’est un fou à n’en pas douter. C’est Lacan.  Il n’est pas encore très célèbre. (…) Le silence règne. Parfois, il lève une main, pas trop ; marche de long en large, pas trop. Sa réserve est pleine d’assurance ; son délire en impose, il trône. Il est simplement singulier. Un drôle de type. D’ailleurs étrangement, son délire prend corps. Une phrase touche, puis une autre. « L’angoisse est sans objet », dit-il. Sans raison, j’ai froid dans le dos[17]. » Un ange/démon passe. Attraction/répulsion, couple ambivalent du désir, et qui nous a tous taraudés les fidèles (dont Alain Badiou[18] et même Michel Foucault) de son séminaire fort couru à Saint Anne puis à l’ENS rue d’Ulm, salle Dussane, puis après son expulsion de Normale Sup à la Faculté de droit. On ne peut pas rêver d’un reportage d’idées aussi juste et vivant que pertinent et ironique « Qu’ai-je compris ? Strictement rien. Ou plutôt, je ne comprends pas avec ma raison habituelle. Tout en moi proteste ; « Va-t-en ! Mais vas-t-en donc ! Tu perds ton temps ! » Tout proteste, sauf un arrière-cerveau obscur qui n’est pas du tout de cet avis. L’angoisse est sans objet justement. « Reste… » susurre-t-il en son archaïque langage à peine fait de mots. « Pourquoi rester ? – Parce que[19].» 

L’injonction est impérieuse, assez pour un journaliste/philosophe/écrivain qui s’est glissé et tassé vingt ans durant à guetter l’oracle du maître, jusqu’à la mort de Lacan. Séminaire : lieu des méta-vérités, c’est-à-dire le déploiement non d’une vérité neuve mais où s’articule la caractéristique de la vérité neuve. Un long bail entre folie et déraison à l’heure du déjeuner, alors que nous étions tous à peu près à jeun, voire en hypoglycémie du logos lacanien. Comme lorsque Spinoza nous déclare comme un axiome dans l’Ethique que nous avons une « idée vraie » : « Vingt ans de Lacan. Vingt ans pendant lesquels j’ai compris sans comprendre, appris sans le savoir, sans même le vouloir, vingt ans de partage entre raison raisonnante et la raison intime (…) Comprenait-on Lacan ? Au sens strict, non. Absolument pas. Mais l’inconscient de chacun comprenait. L’inconscient comprenait. L’inconscient attrapait des bribes de raison, que chacun cuisinait à sa façon. Evidemment, cela ne facilitait pas le savoir prêt-à-penser. C’en était résolument le contraire : une éducation à l’envers, un dépouillement de la pensée. Vingt ans de séminaire. Entre-temps, ma raison habituelle s’était déshabillée de ses oripeaux académiques. L’arrière-cerveau avait appris à s’exprimer, bref, j’étais devenue lacanienne comme on dit[20]. »

La bonne distance : « Tu ne me vois pas d’où je te regarde[21] »

Raisonnable agrégée de 22 ans qui éprouve le besoin de « se désagréger[22] » et se frotter à la réalité universitaire en enseignant, Catherine Clément-Backés devient vite l’assistante préférée de Vladimir Jankélévitch à la Sorbonne à 24 ans. Après avoir succombé au charme envoûtant et corrosif de Lacan dont elle suit le séminaire à partir de 1959 et ce jusqu’à la fin, elle succombe au « je ne sais quoi » du moraliste à la mèche rebelle. Admirative de la musique de son « cirque métaphysique » remplie de multiples pensées qui se bousculaient au bord de ses lèvres devant un auditoire fasciné. Jeune enseignante qu’on prenait volontiers au début des sixties pour une étudiante[23], elle se fera même embarquer dans un « panier à salade » à la sortie d’un cours par les CRS qui l’avait prise pour une passionaria, en mai 68.


Plus que la cohabitation soixante-huitarde avec Daniel Cohn Bendit, sa rencontre avec Claude Lévi-Strauss, qui l’invite à décrypter un mythe africain à l’occasion de son séminaire en 1962, l’influencera de manière décisive. Elle lui consacrera d’ailleurs son premier essai, publié en 1970, et l’un de ses derniers, un « Que sais je ? » paru en 2002, Membre de l’École freudienne à titre «profane» (sic), elle n’a jamais été psychanalyste mais connaît son Freud et son Lacan par coeur. Erudite à la fois sévère et séduisante à la tête bien pleine, elle nous[24] fera connaître sans faiblir toutes les subtilités des arcanes de ce fameux trio ….tout en nous apprenant la rigueur, la précision et la rhétorique. Entre autres. Orthodoxie/hérésie, théorie/pratique du terrain.

« Certes, j’ai fait mon devoir : Platon, Kant, Hegel, etc. Mais leurs échafaudages ne disaient rien du monde où nous vivions : un million de pieds-noirs s’installaient en France vaille que vaille, les troupes américaines débarquaient au Vietnam. Décolonisation, recolonisation, une guerre s’arrête, une autre reprend (…) L’époque était au triomphe de la phénoménologie et, pour moi, l’idée de conscience, n’expliquait rien. Puis un jour, de retour d’Algérie, le jeune Pierre Bourdieu fit un cours sur la maison Kabyle, ouvrant les fenêtres sur les déterminations inconscientes des espaces familiaux. Quel choc ! Je pris des sentiers de traverse pour rejoindre deux aires de liberté : l’ethnologie et la psychanalyse. Dans ma génération, d’autres philosophes devinrent ethnologues, psychanalystes, psychosociologues, dramaturges, plutôt que rester enfermés dans le corpus de la philosophie classique. Contemporain de la décolonisation, cet exode était un appel au monde[25]. » Elle se souvient du début des seventies, avec un talent pour les formules frappées en médaille et font époque : « Le temps du structuralisme était mort. Nos vies n’allaient pas bien, libération oblige. Nos étudiants étaient maoïstes, trotskistes, militants, homosexuels, intenables, adorables, déchaînés, vivants, et nous, leurs profs, la tête basse, la queue basse, la pensée basse[26]. »

Détachée au CNRS à la fin des sixties, Catherine Clément prépare une thèse sur « Le Paradis perdu » qu’elle termine, prétend-t-elle, mais que l’état de santé de son maître et directeur Vladimir Jankélévitch, à la fin de sa vie, ne lui permettra jamais de soutenir. Acte manqué ? Elle ne renie ni ne regrette rien : « Ca devrait être mon destin », commente-t-elle un brin fataliste. Je n’avais plus la foi pour enseigner les exigences de la Raison dans les amphis bondés et désuets de la vieille Sorbonne assiégée et agitée. Et puis, comme mon maître Lévi Strauss en début de carrière, j’avais envie d’aller voir ailleurs. » Parallèlement à sa jeune carrière universitaire, déjà reporter sans le savoir, elle participe entre autres à des documentaires de télévision à l’ORTF, aux côtés de Josée Dayan et Charles Brabant. Elle goûte avec passion aux  reportages et aux documentaires  ambitieux qui ne sont pas encore formatés en 52 minutes et peu tributaires de l’audimat. Elle cultive et jouit de son nouveau pouvoir médiatique qui lui permet de dépasser les cénacles savants et de parler au plus grand nombre : « Le pouvoir du journaliste ne se fonde pas sur le droit de poser une question, mais sur le droit d’exiger une réponse [27]»

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Communiste militante au PCF d’où elle sera exclue comme la plupart des intellectuels sympathisants mais pas dans l’orthodoxie militante, jeune mère bientôt divorcée avec deux enfants à 28 ans, puis écrivain, journaliste à 37 ans, Catherine Clément sort assez vite des sentiers battus de la voie royale de la carrière universitaire où pourtant elle a déjà une place de choix. Après avoir caressé l’idée de devenir psychanalyste, elle qui était entrée en analyse à 33 ans, « un bon âge pour renaître ». Fin 1975, elle pige au Monde aux pages culturelles et fait des reportages sur Léon Zitrone[28], Guy Lux et Jean-Pierre Elkabbach… Après avoir écrit à la demande de son directeur Jacques Fauvet -qui cherche à pousser dans ses derniers retranchements ce jeune maître de conférence qui veut se lancer dans le journalisme, savoir si l’agrégé raisonnable possède le tempérament du reporter- un article d’une page sur le millionième spectateur d’Emmanuelle, « le film porno chic qui faisait un tabac.[29]» Il sera publié et lui servira de sésame plus que ses prestigieux diplômes qu’elle évite d’exhiber à tout bout de champ. Bon réflexe de survie dans un monde où chaque jour est une nouvelle remise en question et où les diplômes, surtout les plus prestigieux, n’ont rien d’un sésame. Quelques mois plus tard, notre aventurière universitaire suit son ami et mentor en journalisme, Martin Even au Matin de Paris lancé par Claude Perdriel en juin 1976. Elle y officie trois mois comme pige spécialisé par la critique des essais, avant de devenir chef de la rubrique culture en remplacement d’Even démissionnaire.

 « Politiquement, ce fut tout de suite très dur (…) On n’a pas idée de l’anticommunisme de la gauche française quand on n’y a pas vécu ; c’était, et cela reste, une guerre de religion (…) Je compris que le journalisme quotidien était comme une armée d’occupation virtuelle. Toujours là, pesant de son poids d’ombre, ne laissant pas l’esprit en repos, grignotant la cervelle, épuisant les affects. Si plus tard j’ai quitté « Le Matin de Paris », c’est pour penser en paix, écrire tranquille[30]. » Pris par cette drogue de fabriquer au jour le jour un quotidien de gauche qui se lance et cherche son lectorat, Catherine Clément restera sept ans dans « ce métier de cinglés » (sic) où elle apprendra l’esprit d’équipe et réalisera par ailleurs de grandes interviews, notamment le dernier entretien avec Jean-Paul Sartre, un autre avec Claude Lévi-Strauss sur ses expériences japonaises, et le premier entretien de François Mitterrand au Matin de Paris. « Je fis connaissance avec des singuliers, des êtres à part du monde, l’ethnologue Georges Devereux, par exemple. J’adorais dénicher la figure un peu braque, du miel pour la pensée[31]. »

Malgré cette échappée belle vers le journalisme, comme nous d’ailleurs, elle ne garde pas un mauvais souvenir de ses jeunes années d’enseignant, bien qu’elle n’aime guère ce mot qui lui rappelle ce terrible mot de Pierre Jean Jouve à propos d’une femme : « Elle avait le corps enseignant » (sic). Elle se souvient volontiers sans être dupe de son rôle matinal de répétiteur en Sorbonne pour les agrégatifs que nous étions… avec seulement quelques années de moins qu’elle… Avec ses petits avatars[32] et aussi ses moments uniques et privilégiés. En un temps proche et lointain à la fois où les repères sociaux paraissaient quelque peu brouillés, à tel point qu’on ne savait plus qui était qui dans ces années  sixties fort structuralistes et gauchisantes où tout était possible : « Quand je faisais mes cours à Jussieu, j’emmenais mes étudiants au café dans la cour de la Mosquée (…) Et même, parfois, on discutait sous les arbres en marchant. On parlait peu des cours, beaucoup de vie, de nous, d’eux, nous glosions aussi sur l’amour, toujours en marchant… C’était délicieux. (…) A l’époque, ces chers petits allaient à l’agrégation innocemment, avec enthousiasme. J’avais le sentiment de les conduire à l’abattoir : agrégés, ils étaient expédiés en province, traités en moutons malades, et bloqués là, sans avenir. Plus le temps avançait, plus je tentais de les dissuader. Certains ont pris les devants et ont fait l’agrégation buissonnière[33]. » Sont-ils pour autant devenus des « reporters d’idées » ou un de ses symptômes post-modernes ? Toujours est-il, que Clément. aussi, pratique l’école buissonnière et à la différence de beaucoup pris dans les entregents de la carrière universitaire, passe aux actes et ose briser le cordon ombilical de la fonction publique. Fin 1977, ayant fait le tour de l’université après près de quinze ans d’enseignement supérieur[34] et de ses « amphithéâtres surchargés peu adaptés à l’afflux massif des étudiants », elle prend un congé pour convenance personnelle afin de prendre le large de l’université, partir au loin, se frotter à plein temps au journalisme critique[35] et puis se consacrer à l’écriture[36].

Boulimique de la plume et bonne généraliste grâce à sa formation philosophique de haute volée, elle veut écrire sur tout, même sur la danse et le patinage. « J’écrivais comme une folle, sans arrêt, facilement, des pages et des pages ; ça agaçait beaucoup. Je suis très joyeuse d’avoir écrit sur le patinage artistique, vieux rêve d’adolescence. Le plaisir de l’écriture m’est venu au « Matin ». Ce que j’aimais surtout, c’étaient les entretiens avec les grands penseurs.[37] » Et aussi et d’abord les voyages que lui avaient relatés et décrits son ami Lévi Strauss. Un récit de voyage, c’est une rencontre de hasard entre l’intimité d’un individu et l’histoire, les paysages, les odeurs d’un lieu dont la découverte est non seulement intellectuelle mais sensuelle. On s’intéresse à ce qu’on ressent sur place. Du coup, tout est matière à écriture. « Tous mes voyages ont été avant tout une affaire de plaisir et d’excitation. L’excitation du voyage en solitaire, l’exaltation de l’écriture », déclare Colin Thubron, le plus prestigieux écrivain voyageur anglais vivant qui parle de son dernier périple sur les traces de Marco Polo, de Chine en Turquie, route de la Soie où s’acheminaient non seulement des marchandises, mais aussi des religions, des légendes, des rumeurs et surtout des idées dont on ne sait pas exactement comment elles ont voyagé. Pour lui, le voyage est toujours inséparable d’un sentiment de perte, d’une histoire perdue. Et pourtant, note-t-il, « on éprouve une excitation particulière à voyager en vue d’en tirer un livre : on a tous les sens en éveil. On sort toutes ses antennes. Le vrai luxe c’est d’avoir l’embarras du choix. Si quelque part rien ne vous inspire, vous pouvez toujours aller ailleurs. Il faut apprendre à attendre. Mais on éprouve toujours une certaine inquiétude quand il ne se passe rien[38]. »

Voyageuse qui ne « hait pas les voyages[39] » comme son maître et ami Claude Lévi-Srauss, Clément découvre vite que les frontières politiques sont fort artificielles et que les vraies frontières ne figurent pas sur les cartes. Au fil de l’éloignement et des kilomètres parcourus, Catherine saisit qu’une vraie frontière, c’est celle qui sépare par exemple les peuples de langue perse des peuples de langue turque en Afghanistan ou en Iran. La carte pourtant n’indique rien, mais d’un seul coup on entend une langue complètement différente. La grande sœur de Jérôme Clément, patron d’Arte, cultive volontiers son syndrome d’acculturation : Catherine séjourne cinq années en Inde aux côtés de l’ambassadeur André Lewin, puis cinq ans en Autriche, et enfin trois ans au Sénégal (1996-1999). Elle a souvent eu l’impression alors d’être entrée dans un pays bien avant d’arriver aux frontières officielles, à des centaines de kilomètres de là ; ou à l’inverse, de n’y pénétrer que longtemps après avoir franchi la limite territoriale. Loin de sa bibliothèque bien fournie, Clément imagine volontiers des cartes venant se superposer aux tracés politiques pour montrer des identités éclatées.

Comme tout reporter digne de ce nom en Asie et en Afrique, elle constate de visu la survie d’un certain monde d’avant les nationalismes. En 1996, Catherine Clément écrit un livre torrentiel et anti-adulation de « reporter d’idées » à la fois global et infirme dans sa fugacité comme ceux qui avaient imaginé un jour de refaire le monde. Une extraordinaire cacophonie qui évoque le temps des idoles intellectuelles et nous plonge dans la confusion des idées et des sentiments de l’époque (1945-1989) où la pensée n’était pas encore traitée d’« unique ». Elle écrit là un étonnant et détonnant reportage d’idées qui n’oublie pas la musique de vie et ses aléas au seul profit du monde des idées et de ses postures. « Je n’aurais pas dû accepter ce tournage. Les idées, les idées et nos vies, là dedans ? Oublier les drames, les suicides, les colères, les baisers, les caresses, le revers des débats, les alliances de sexe, l’amitié ? Ne donner des idées que le drapé, le geste auguste de l’orateur romain rejetant sur l’épaule le pan blanc bordé de rouge de sa toge au Sénat ?[40]»

Derrière l’histoire des idées, on découvre - comme dans le documentaire pour la chaîne culturelle Arte « Le roman des intellectuels français, 1945-1989 »- que raconte et dissèque Catherine Clément une sorte de «Dallas des intellos», un univers impitoyable, plein d’affects et de détestations, dominé par la Raison, baptisée la « Putain du Diable ». C’est l’aventure de ce tournage qui permet de revivre les étapes marquantes d’une épopée intellectuelle qui a embrassé deux générations. Avec pour principaux acteurs et reporters de ce feuilleton des idées mises en scène et incorporées: Claude Lévi Strauss, Vladimir Jankélévitch, Jacques Lacan, Roland Barthes, Michel Serres, Régis Debray, Bernard Henri Lévy, etc.. Ils sont montrés en action, superbes ou/et misérables, sérieux et complices, entourés de disciples, en proie à la passion des concepts et aux dérives carriéristes. Par ce détour romanesque, c’est toute l’époque qui défile, enflammée, hilarante, burlesque ou douloureuse. Leurs œuvres, leur action, leur influence, tout est mis en scène, disséqué, expliqué à fond et l’on ne s’ennuie jamais à la lecture de ce reportage vivant et documenté qui ne ressemble à aucun autre et qui ne manque ni d’allant ni de style. Malgré quelques raccourcis simplificateurs et vulgarisateurs…

Adepte fervente du «journalisme philosophique», Catherine Clément y traque les « preneurs de grand chemin », qui font l’école buissonnière ou/et le mur[41]. Il faut préciser encore qu’elle a été très influencée par sa rencontre avec Claude Lévi-Strauss, «aujourd’hui un ami de 48 ans, le premier penseur écologique qui m’a donné des leçons de vieillissement ponctuelles, donc rassurantes». « Poétique, illuminée, cocasse, la pensée de Lévi-Strauss est la séduction même, et le charme d’une écriture emportée garde intacte sa puissance d’évocation ». «Tristes Tropiques» qui paraît en l955 reste un de ses livres de chevet avec ceux de Lacan. « Ce n’était qu’un livre de voyage comme on en publie tous les ans. Un livre de commande, écrit fiévreusement en quelques mois : Lévi Strauss y racontait ses séjours de jeune professeur au Brésil, ses premières expéditions d’ethnologue et la découverte de cinq ou six tribus d’Indiens. Mais si frappant, si profond et si beau que son succès fut immédiat. Il dure encore (…) Qu’est-il au juste ? A peu près ce qu’on appelle en allemand Bildungsroman, un livre de formation[42]. »

Et lorsqu’à l’automne 1968, enseignante trentenaire désemparée et ballottée en Sorbonne qui ne comprend pas pourquoi « le savoir ne passait pas, les étudiants n’en voulaient plus et le travail de la Raison semblait en panne », Catherine Clément se tourne vers Claude Lévi-Strauss qui la rassurer et lui donne d’excellents conseils : « Prenez quelques amis avec vous, et partez en retraite, dans un lieu isolé. Là, préservez l’acquis, entre vous, pour plus tard[43]. » Expatriée et romancière à succès, en 1982, elle est nommée au Ministère des Relations Extérieures, à la tête de l’AFAA, chargée de la diffusion et de l’accueil de la culture française à l’étranger. Quand le secrétaire Général du Quai d’Orsay lui demande sans ménagement pourquoi elle se lance dans cette nouvelle carrière de « reporter d’idées », Clément répond sans se démonter « pour connaître le monde ». « Le monde tellement absent de ma vie intellectuelle française ! Il me manquait le monde, terriblement. Je partis pour l’Inde, extraordinaire laboratoire d’humanités multiples où j’appris plus qu’en trente ans de travail intellectuel. Bonne occasion pour faire le tri[44]. »

L’Université populaire et un rapport décoiffant sur la télévision

Depuis 2002, Catherine Clément peaufine le projet puis dirige l’Université populaire du quai Branly, qui se déroule dans le théâtre Claude Lévi-Strauss, au sein-même du musée du quai Branly. « J’ai choisi la philosophie quand la décolonisation commençait. Elle n’est pas achevée, comme le prouve parmi d’autres, la question des musées [45]». En juin 2002, le ministre de la culture et de la communication, Jean-Jacques Aillagon, lui commande un rapport sur la place de la culture à France Télévision qui regroupe alors les trois chaînes publiques (France 2, France 3, France 5) rassemblées en holding depuis août 2000. Ne faisant pas partie du sérail audiovisuel, l’écrivain philosophe apparaît vite comme une empêcheuse de zapper en rond. Elle n’est pas dupe : « On l’avait su très vite : on n’avait pas de compétence particulière. Avoir siégé au conseil des programmes d’Antenne 2 à la belle époque de Pierre Desgraupes ne valait pas qualification pour évaluer les programmes culturels du groupe France Télévision en 2002 ; pas davantage quelques commentaires, interviews et documentaires tournés, dès la fin des années 70, en Inde et en Afrique avec un vrai bonheur, loin de l’économie de l’entreprise publique et de sa double servitude, l’audience et la publicité. On n’avait pas pour soi la forte réflexion d’un Régis Debray, on n’avait jamais publié d’articles dans les pages tribuniciennes de la presse écrite, on n’avait pas colloqué sur le sujet, bref, on en était réduit au Café du commerce si prisé par nos contemporains, lesquels par tous les temps, ont toujours quelque chose à dire sur leur télévision[46]… »

Remis à son commanditaire le 10 décembre suivant, le rapport Clément fit grand bruit dans les médias. Son titre « La Nuit et l’Eté », puisés à la source, désigne les créneaux horaires réservés aux émissions culturelles : en exil des programmes, lorsque les Français dorment. La hardiesse de sa première proposition, inscrire l’audiovisuel dans le préambule de la Constitution au même rang que l’Education nationale, en appelle simplement à l’esprit des lois. Enfin le style mondain de notre reporter d’idées, enthousiaste, réfléchi, jubilatoire, décrit avec drôlerie le petit monde de l’audiovisuel public et contraste avec la pesanteur ordinaire des 58 rapports officiels précédents fort poussiéreux qui étaient restés sous le coude. Ecrit comme un roman à clefs, le rapport Clément est devenu un petit livre à la disposition du public et donc n’est pas resté poussiéreux au fond d’un tiroir d’un haut fonctionnaire de la République.

Si la culture n’atteint pas des audiences suffisantes, c’est que rien n’est fait pour la faire désirer du plus grand nombre, telle est sa conclusion de post-moderne reporter d’idées qui a fait le pari de s’adresser non pas à l’élite universitaire mais de prendre son bâton de pèlerin pour se désagréger et toucher le grand public. Sans toujours avoir trouvé d’explications définitives à la question d’Auschwitz qui la hante tout en la faisant avancer.



[1]  Stéphane Mallarmé.

[2]  Ryszard Kapuscinski « Autoportrait d’un reporter », op. cité p. 160.

[3]  Graffiti de Mai 68.

[4]  Catherine Clément « L’appel au monde », Le Débat N°147, Nov/déc. 2007, p. 23.

[5]  Catherine Clément « La Putain du Diable », roman, Paris, Flammarion, 1996, p. 347.

[6]Ibid., p. 286.

[7]  Paris, Flammarion, 1993.

[8]  Paris, Seuil, 1998.

[9]  « La putain du diable », op. cité,. p. 378.

[10]  Paris, éditions Nil, 2006.

[11]  Dans «Mémoire», op. cité, p. 324, Clément précise : «Je suis devenue professeur parce que je savais parler. Parler, ah ça ! j’adore. Une fois agrégée, je trouverais toujours des histoires à raconter. Et j’y suis arrivée. J’ai parlé à des classes de terminale, à des amphithéâtres, à des salles de conférences, pourvu qu’il y ait devant moi des yeux qui brillent.»

[12]  « La Putain du Diable », op. cité, p. 294.

[13]Ibid., p. 97.

[14]  Nous avons, nous aussi, participé, sur les traces de Foucault et de Clément, à ces expéditions à Saint-Anne un peu moins d’une décennie plus tard, guidé par le même professeur experte en psychiatrie, Melle Lempérière, surnommée « des Infernaux Paluds » et que décrit fort bien Catherine Clément dans «La putain du diable».

[15]Ibid., p. 82.

[16]  Ndlr : comme les internes et médecins de l’hôpital psychiatrique.

[17]Ibid., p. 84.

[18]  Décidément, la constellation de nos reporters d’idées ne se trouve pas à des années lumières et le jeu d’échecs comme paradigme n’a bien que 64 cases. Dans son dernier ouvrage, «Mémoire» (sans «s,»car précise-t-elle, elle raconte ses souvenirs sans recourir à ses archives, de mémoire), Catherine Clément dresse un portrait saisissant du jeune normalien Alain Badiou, futur cacique comme elle à l’agrégation de philosophie, qu’elle a bien côtoyé à l’ENS dans les années 1958-61: «Grand, la tête droite, portant haut une tignasse cuivrée, il était marié, philosophe, flûtiste et déjà romancier. Il rédigeait sous le signe de Saint-John Perse, des romans devenus une trilogie à titres maritimes évoquant le grand large, l’espérance, l’idéal : «Almagestes», «Portulants» et «Bestiaires». Il serait le grand écrivain français qu’on attendait, un futur Julien Gracq».

[19]Ibid., p. 85.

[20]Ibid., p. 85-86.

[21]  Citation de Jacques Lacan.

[22]  L’expression est de Gaston Bachelard, ce postier bourguignon devenu professeur en Sorbonne. Il le préconisait à tous ses agrégatifs afin qu’ils retombent sur terre, au contact de la réalité pédagogique des lycées où ils allaient être affectés après le concours de recrutement.

[23]  Catherine Clément (épouse Backès) « Mémoire », op.cité, p. 238 nous livre un «détail inutile», anecdotique, pour nous signifier le réel de la Sorbonne des Sixties : « Enseigner, moi, à la Sorbonne ? Non, ça ne pouvait pas être. Je montais les quatre étages du bâtiment 1 le plus lentement possible, histoire de faire durer le temps en attendant Janké. Peine perdue. Un gaillard grimpa les marches à mes côtés et entama la conversation.

- Tu la connaîs Backès ?

Je répondis par un aimable grognement.

Parait qu’elle n’est pas mal, tu l’as vue ? Etc.

En arrivant dans la salle de cours, le gaillard me dit : «Tu viens ? On va s’asseoir». Rouge de honte, je murmurai que j’allais, certes, m’asseoir, mais pas à côté de lui.

-Mais où veux-tu aller ?

-Là, lui-dis-je en montrant le bureau du prof.»

[24]  «Nous», les agrégatifs» en Sorbonne au début des années 1970.

[25]  Catherine Clément « L’appel au monde, Le Débat N°147, p. 24.

[26]Ibid., p. 250.

[27]  Milan Kundera « L’immortalité », (en tchèque «Mesmrtelnost» publié en 1993) Paris, 1990, p. 35.

[28]  Pas dupe du mélange des genres et du début de peopolisation qui gagne même la presse de référence, C. Clément joue les caméléons du «New Journalism», brouille les pistes et raconte in «Mémoire», op. cité, p. 307 : « Une envoyée du Monde, interviewer Zitrone ! Il était à l’envers le monde, ou quoi ! Le journal des intellectuels et des cadres supérieurs s’intéressait aux journalistes populaires ? Ils ne dédaignaient plus la télévision ? A l’autre bout du fil, on n’en croyait pas ses oreilles. Je décidai de passer soigneusement sous silence mes titres et diplômes et d’arriver, naïve, avec mon petit carnet (…) Je pris sagement des notes, je posai mes questions. Comme j’avais un solide bagage de clinique psychanalytique, je pratiquai en douce l’anamnèse, cette série de questions qui permettent de reconstituer l’histoire du patient depuis sa naissance.»

[29]  «Mémoire», op. cité, p. pp. 304-305. «Le touchant défi de Jacques Fauvet était le parfait reflet de l’image des intellectuelles des années soixante-dix : bas-bleus, emmerderesses, frigides, féministes sans grâce.»

[30]Ibid., pp. 311-312.

[31]Ibid., p. 316.

[32]Ibid., p. 303-304 : «Novembre l975. Depuis plusieurs années, je prenais soin de programmer mes cours d’agrégation à huit heures du matin, horaire qui permettait d’éviter les trotskistes, tard couchés, tard levés. Il était donc sept heures quarante-cinq quand je pénétrais dans mon amphi de physique, l’un des plus vieux de la Sorbonne. Tout était sombre et froid. Plus d’électricité, plus de chauffage, vitres brisées(…) On ne voyait rien, on grelottait; Impossible d’enseigner. Une colère m’empoigna, qui ne m’est jamais passée. J’emmène mes agrégatifs au bistrot ; je paie la tournée pour faire mon cours, et je commence à me dire que peut-être, un jour, j’allais déserter l’Université. »

[33]  Catherine Clément « La putain du diable », op. cité, pp. 69-70.

[34]  En fait, juste après l’agrégation, elle a enseigné un an dans le secondaire dans un lycée à Beauvais, avant de devenir la première assistante de «Janké» (comme elle l’appelle avec tendresse), titulaire de la chaire de philosophie morale à la Sorbonne.

[35]  Clément résume assez bien le rythme effréné du journalisme dans un quotidien in «Mémoire», op. cité, p. 113 : «Ce métier de cinglés est une drogue en soi, alimentée par tout ce qu’on a sous la main».

[36]  «Mémoire», op. cité, p. 312 : «Un an après mon embauche (au Matin de Paris), on me dit que j’étais cumularde. Je ne connaissais même pas le sens du mot. Des amis se dévouèrent pour m’expliquer qu’il n’était pas bien de rester enseignante en étant journaliste ; cela faisait deux emplois. J’étais mortifiée, je me sentais coupable. Séance tenance, je voulus démissionner de l’Université ; Perdriel me retint, et je me mis en congé pour convenance personnelle». Nous aussi, «détail inutile», nous avons été traités de cumulard à peu près à la même période, comme si le syntagme de «reporter d’idées» à connotation hérétique n’avait pas d’existence légale, et ne vivait que dans les marges, hors de l’université mais aussi à peine toléré (comme alibi intellectuel) des rédactions de journaux.

[37]  «Mémoire», op. cité, p. 315.

[38]  «Le pèlerin de la route de la Soie», interview de Colin Thubron par Gilles Anquetil, Le Nouvel Observateur 31 juillet-6 août 2008, p. 58.

[39]  Célèbre aveu casanier du jeune ethnogue philosophe dès la première ligne de «Tristes Tropiques». Paris, 1955, rééd. Pocket, coll. « Terre humaine », 2001.

[40]  «La Putain du diable», op. cité, p. 238.

[41]  « La putain du Diable», op. cité, p. 95.

[42]Ibid., p. 72.

[43]Ibid., p. 77.

[44]  Catherine Clément « L’appel au monde », op. cité, p. 26.

[45]Ibid., p. 27.

[46]  Catherine Clément « La nuit et l’été ». Rapport sur la culture à la télévision, Paris, Seuil, 2003, p. 16.

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