LuxLeaks : Jean Claude Juncker se défend d'être « l'ami du grand capital »

Le 5 novembre, Le Monde a en effet révélé, en partenariat avec le consortium de journalisme d'investigation ICIJ et 40 médias étrangers, que le pays a conclu des accords fiscaux « anticipés » négociés (tax rulings) avec plus de 300 multinationales. Des révélations qui ont plongé Jean-Claude Juncker dans la tourmente, et dans un épineux numéro de funambule.
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« POLITIQUEMENT RESPONSABLE »
Alors qu'il n'était pas apparu en public depuis ces révélations, M. Juncker a créé la surprise en faisant deux interventions mercredi, d'abord devant la presse puis devant les eurodéputés réunis à Bruxelles. « Je ne suis pas l'architecte » du système de taxation du Luxembourg, « mais je suis politiquement responsable », a assumé celui qui fut premier ministre du Grand-Duché de 1995 à 2013.
« Tout ce qui a pu être fait correspond aux règles législatives nationales et aux règles internationales qui s'appliquent en la matière (...). Les décisions fiscales anticipées sont une pratique bien établie dans, me dit-on, 22 pays membres de l'Union européenne. »
Ces accords sont licites si toutes les entreprises bénéficient du même traitement et donc si une concurrence loyale est respectée, a-t-il précisé, tout en reconnaissant que la « faible » taxation des entreprises ne « correspond pas » au « concept de justice fiscale » et « aux normes éthiques et morales généralement admises ».
Jean-Claude Juncker s'est ensuite exprimé devant les députés européens, auxquels il a lancé : « Ne me décrivez pas comme le meilleur ami du grand capital, le grand capital a de plus grands amis dans cette maison. » Et de leur assurer : « Ne doutez pas de mon ardeur », à lutter contre l'évasion fiscale.
« Je ne m'excuse pas pour ce que j'ai pu faire pour mon pays », a-t-il dit. Mais « je n'ai jamais donné d'instructions sur aucun dossier particulier », a-t-il assuré, précisant que l'administration fiscale agissait de manière indépendante au Grand Duché.
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« PAS DE CONFLIT D'INTÉRÊTS »
La Commission a ouvert des enquêtes sur les avantages accordés par le Luxembourg à certaines multinationales et son nouveau président à promis de ne pas interférer. « Il n'y a pas de conflit d'intérêts lorsque la Commission lance des enquêtes » qui concernent le Luxembourg, a-t-il plaidé. La commissaire chargée des enquêtes en cours sur les pratiques fiscales de ce pays, mais aussi de l'Irlande et des Pays-Bas, Margrethe Vestager, a assuré mardi qu'elle n'avait « pas les mains liées ».
Alors que le Luxembourg est considéré comme un des principaux paradis fiscaux dans le monde, M. Juncker a assuré qu'il n'y avait « rien » dans son « passé » qui démontrerait que son « ambition était d'organiser l'évasion fiscale ». « Il y a urgence à agir », car « l'impression qui se dégage est que l'injustice fiscale est insuffisamment combattue en Europe », a-t-il relevé.
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