Barrage de Sivens, boues rouges dans les Calanques : Royal n'apaise pas les tensions
Le Monde | 09.09.2014 à 18h33 • Mis à jour le 09.09.2014 à 18h44 | Par Martine Valo
Ségolène Royal espérait calmer le jeu. Par deux fois, dimanche 7 et lundi 8 septembre, la ministre de l'écologie a exprimé sa désapprobation sur deux projets – les boues rouges de Gardanne (Bouches-du-Rhône) et le barrage de Sivens (Tarn) – qui bénéficient de l'appui des autorités locales mais suscitent une vive opposition des défenseurs de l'environnement.
Dans le Tarn, ces propos n'ont pas ramené le calme. Loin de là. Mardi matin, alors que le président du conseil général, Thierry Carcenac (PS), se trouvait à Paris pour rencontrer la ministre de l'écologie, les engins de chantier étaient de retour autour des 13 hectares de zone humide appelés à devenir un lac artificiel dans la forêt de Sivens, et les échauffourées se sont poursuivies jusque dans les locaux de l'hôtel du département, à Albi.
La veille, dans l'après-midi, les diverses manifestations et tentatives pour freiner le déboisement avaient été rudement réprimées. Cinq personnes, qui s'étaient enterrées pour empêcher les grosses arracheuses d'avancer, ont été piétinées par les forces de l'ordre.
Ces dernières ont en outre fait usage de gaz lacrymogène à plusieurs reprises. Tandis que des membres du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale grimpaient dans les arbres pour décrocher des militants qui s'y cramponnent.
>> Lire le reportage : Tensions dans le Tarn, où le barrage de Sivens attise la guerre de l'eau
PAS DE MORATOIRE À SIVENS
« L'eau est un bien précieux et rare qui doit faciliter l'agriculture », avait rappelé Ségolène Royal dimanche, depuis sa région de Poitou-Charentes, à Rochefort. Seulement, si des réservoirs comme celui de Sivens doivent pouvoir« faciliter l'agriculture », ils n'ont pas pour autant vocation à permettre à quelques grandes exploitations de s'approprier la ressource grâce à des investissements publics, avait-elle estimé en substance.
Sur le terrain, ces prises de position ont fait naître chez les opposants, qui se battent précisément au nom d'un autre modèle agricole, l'espoir d'un moratoire. Ils ont vite déchanté.
Dès lundi, la ministre de l'écologie a demandé à un ingénieur général des ponts, des eaux et forêts et à un de ses homologues de l'environnement de mener immédiatement une expertise afin « de s'assurer de la qualité et de l'ambition du projet de territoire et des mesures compensatoires ».
Ségolène Royal espérait que cette mission allait permettre « de rétablir un climat serein. » Mais il est peu probable, vu le niveau de tension, que les opposants se contentent de compensations environnementales revues à la hausse.
DES EFFLUENTS DANS LA MÉDITERRANÉE
Le dossier des boues rouges déversées dans le parc national marin des Calanques (Bouches-du-Rhône) semble moins conflictuel – une manifestation dimanche à Cassis n'a rassemblé que quelques dizaines de participants –, mais il est sans aucun doute bien plus difficile à régler.
En 1996, l'Etat avait fixé la date butoir du 31 décembre 2015 à l'usine d'alumine de Gardanne pour cesser de déverser ses millions de tonnes de résidus de boues rouges en mer, dans une faille située précisément au cœur du parc marin.
>> Lire : Le parc national des Calanques prolonge de trente ans l'autorisation des rejets chimiques en mer
Le conseil d'administration de celui-ci a néanmoins émis, dimanche 7 septembre, un avis majoritairement favorable à la demande de l'entreprise Alteo, qui souhaite obtenir une nouvelle concession de 30 ans lui donnant le droit de poursuivre ses rejets de résidus – sous forme de liquides cette fois – dans la Méditerranée. Des effluents qui continuent d'être chargés en soude et métaux dissous.
Lundi soir, la ministre de l'écologie a réagi rapidement sur Twitter, indiquant que des « contrôles complémentaires » étaient indispensables et qu'en « aucun cas », elle ne donnerait son feu vert à l'opération.
Là aussi, la ministre n'a pas convaincu : la députée européenne Europe Ecologie-Les Verts Micèle Rivasi répète son refus d'un « parc marin Canada Dry qui bafoue la convention de Barcelone de protection de la Méditerranée », ratifiée par la France.