Syrie : la Russie déterminée à livrer des missiles anti-aériens au régime
Pour Moscou, au contraire, ces livraisons au régime de Damas sont un facteur de "stabilisation" voué à dissuader tout scénario d'intervention extérieure dans le conflit, alors que l'Union européenne a levé l'embargo sur les livraisons d'armes aux rebelles.
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"Des mesures de cette sorte dissuadent en grande partie certains esprits échauffés d'envisager des scénarios dans lesquels le conflit prendrait un tour international avec la participation de forces étrangères", a déclaré le vice-ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Riabkov.
M. Riabkov a critiqué la levée de l'embargo sur les livraisons d'armes, symbole d'une politique de "deux poids, deux mesures" des Européens. "L'embargo est levé en dépit de toutes les déclarations européennes en faveur d'un règlement fondé sur la déclaration de Genève [de juin 2012] et en dépit de l'accord sur la nécessité d'organiser une conférence internationale sur la Syrie", a-t-il déploré.
En 2010, Moscou et Damas avaient signé un accord pour la livraison de quatre batteries de missiles S-300, comprenant six rampes de tir et 144 missiles d'une portée de 200 kilomètres, pour un montant de 900 millions de dollars, d'après des informations de source israélienne du Wall Street Journal. Les premiers missiles devraient être livrés au cours de l'été au port de Tartous.
LES PLANS DES OCCIDENTAUX BOULEVERSÉS
L'installation d'un tel système de défense sol-air compliquerait tout projet des Etats-Unis ou de leurs alliés de procéder à des frappes aériennes, d'établir une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Syrie ou d'intervenir pour sécuriser ou démanteler des armes chimiques.
A Paris, on estime que la livraison de S-300 mettrait en péril l'instauration éventuelle de corridors de sécurité pour protéger les civils. "Evidemment, cela pose de gros problèmes, parce que s'ils livrent ça – c'est du sol-air – et que par ailleurs on souhaite faire des corridors... Vous voyez bien la contradiction", a-t-on déclaré de source diplomatique.
Israël a réagi de façon plus virulente, menaçant d'intervenir si les livraisons russes devaient continuer. "Si, par malheur, ils [les S-300] arrivent en Syrie, nous saurons quoi faire", a affirmé le ministre israélien de la défense Moshé Yaalon. Selon la radio militaire, M. Yaalon faisait allusion à de nouveaux raids aériens que pourrait lancerIsraël, comme il l'a déjà fait au début du mois près de Damas pour empêcher des transferts d'armes au Hezbollah chiite libanais.
LONDRES ET PARIS VEULENT ACCÉLÉRER LE CALENDRIER
Le Royaume-Uni et la France n'ont pas exclu d'armer les rebelles syriens avant le prochain sommet des chefs de la diplomatie européenne, prévu le 1er août, tout en précisant ne pas avoir encore pris de décision sur la question. "Je me dois de corriger un point d'inquiétude. Je sais que des discussions ont porté sur une sorte de date limite en août. Ce n'est pas le cas", a expliqué le ministre des affaires étrangères britannique, William Hague.
Paris a également annoncé se réserver le droit d'armer rapidement les rebelles, tout en espérant qu'une solution politique pourra être trouvée d'ici là, notamment dans le cadre de la conférence prévue pour la mi-juin à Genève. Le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot a souligné que la livraison "dépendra des évolutions en cours sur le terrain" et "des évolutions diplomatiques", "en fonction des demandes faites par l'opposition [syrienne]".
"La décision de lever l'embargo n'est pas une décision belliqueuse, elle vient à l'appui de la solution politique. Notre objectif, c'est la tenue de cette conférence de Genève. Lever l'embargo n'est pas nécessairement une décision de livrer des armes".
Plus tôt dans la journée, l'Armée syrienne libre (ASL), a qualifié la levée de l'embargo de décision "tardive". "Il s'agit certainement d'un pas positif mais nous craignons qu'il ne soit insuffisant", a déclaré un porte-parole de la Coalition nationale de l'opposition syrienne réunie à Istanbul, ajoutant que l'ASL attendait "une position plus ferme de l'UE".
Le porte-parole visait de la sorte la volonté des pays de l'Union européenne de n'envoyer aucune arme en Syrie avant le 1er août, malgré l'annonce de la levée de l'embargo, afin de ne pas fragiliser l'initiative de paix russo-américaine qui doit permettre la tenue d'une conférence internationale à Genève en juin.