La solitude est-elle synonyme de dépression ?
Des accidents de la vie à la solitude, puis à la dépression, il n’y a souvent qu’un pas. En 2010, le Figaro expliquait sous le titre «Le fléau de la solitude s’empare des Français», que «la famille ne joue plus son rôle de soupape de sécurité et le travail ne favorise pas forcément des relations humaines de qualité.» Conséquence : l'isolement est le lot quotidien de plusieurs millions de Français.
Le quotidien citait la psychiatre Marie-France Hirigoyen, qui soulignait le paradoxe d'une « société de l'hypercommunication, qui nous abreuve de messages d'informations mais où le mode de communication virtuel prend le pas sur les échanges intimes ». En décembre 2011, une autre étude de Laurent Toulemon et Sophie Pennec publiée dans la revue de l’INED "populations et sociétés", estimait 14 % des habitants résidaient seuls en France. A titre de comparaison, en 1962, le nombre de personnes isolées n’était que de 6 %. Selon l’étude, cette situation concerne moins de 8 % des Français à 40 ans, mais augmente fortement ensuite, jusqu'à 55 % à 80 ans. La crise que nous traversons depuis 4 ans n’a fait qu’amplifier le repli sur soi, l’isolement, et les angoisses face à la vie. Or la solitude est un des principaux facteurs qui mènent à la dépression, et on estime aujourd'hui que plus de 120 millions de personnes souffrent de dépression à travers le monde.
La dépression est-elle une maladie ?
Solitude, passage à vide, grosse fatigue, coup de blues, les symptômes et cheminements de la dépression sont multiples et complexes. Plusieurs points de vue de psychiatres éclairent sur les causes et les symptômes de ce mal. PourAlain Girard, psychiatre à Paris, la dépression est une pathologie qui devient de plus en plus fréquente. Elle démarre de plus en plus tôt dans le cours de la vie et, mal soignée, entraîne des récidives. Un constat corroboré par les statistiques en vigueur. En 2011, 8 % des Français, soient 3 millions de personnes ayant entre 15 et 75 ans ont fait une dépression. De même, 1 Français sur 5 a fait ou fera une dépression au cours de sa vie.
Michel Benoit, psychiatre au CHU Pasteur à Nice, distingue quant à lui une déprime passagère, dont la solitude peut être la cause, de la véritable dépression. Il considère la première comme une variation de l’humeur, normale et passagère, et la seconde comme une déprime à la fois plus longue et plus profonde. La dépression est ainsi une véritable maladie qui se manifeste par une tristesse importante et inhabituelle, laquelle retentit sur le quotidien. Cet état de souffrance entraîne en général une grande incapacité à réagir dans son environnement qu’il soit professionnel ou familial et représente un handicap certain pour la personne.
Pierre Vidailhet, psychiatre à Strasbourg, explique que 3 indices permettent de repérer une dépression chez un proche, à la différence d'un simple "coup de blues" : rupture dans le comportement, perte d’intérêt et de plaisir, tristesse.
Quelles peuvent être les causes de la dépression ?
A la différence du symptôme de la solitude, qui est tout simplement de se sentir seul, la "vraie" dépression peut, quant à elle, avoir de multiples causes. Régulièrement, de nouvelles études scientifiques proposent de nouvelles pistes d'explication. Dans un article consacré à l’alimentation et à la santé, France soir reprenait en avril 2012 les conclusions d’une étude menée à l'Université de Las Palmas de Gran Canarias (Iles Canaries) et publiée dans la revue Public Health Nutrition, qui révélait que ceux qui consomment de la « malbouffe » sont plus de 2 fois plus exposés au risque de faire une dépression, comparativement à ceux qui ont une alimentation équilibrée. L'étude a par ailleurs mis en évidence que les personnes qui se nourrissaient mal étaient le plus souvent célibataires et sédentaires, consommaient peu de fruits et légumes et peu de poisson, qu'ils étaient fumeurs et effectuaient des semaines de travail de plus de 45 heures. Ainsi, « sur 9 000 personnes n'ayant jamais souffert de dépression et n'ayant jamais pris d'antidépresseurs qui ont été étudiées pendant six mois pour mener cette étude, plus de la moitié ont ensuite été diagnostiquées en dépression. Certaines ont même dû commencer à suivre un traitement pendant l'étude. » La solitude et une mauvaise alimentation sont peut-être les raisons de ce mal-être, mais il en existe d’autres, tout aussi déterminants comme le stress de la vie moderne par exemple.
Comment soigner la dépression ?
On peut sortir et guérir de la dépression. Nombre de personnes affirment avoir retrouvé le goût à la vie après un épisode dépressif. Encore faut-il ne pas hésiter à parler de son malaise à ses proches ou à son médecin traitant. Consulter un médecin spécialiste peut aussi permettre d’établir dès le début un diagnostic, ce qui contribuera à la guérison.
Deux étapes complémentaires y conduisent : d'abord, la prise de médicaments, le plus souvent des antidépresseurs, qui peuvent permettre par exemple de retrouver les conditions d’une vie normale, l’appétit, et surtout une bonne qualité de sommeil. Ensuite, un accompagnement psychothérapeutique pour reconstruire son mode de pensée et concevoir à nouveau son existence de façon positive. La prescription d’un antidépresseur n’est pas systématique, précise Alain Gérard, psychiatre à Paris, d’autant plus que le patient, persuadé qu’il n’y a plus rien à espérer, ne voit pas l’intérêt de prendre des médicaments. Si nécessaire, ceux-ci seront prescrits par le médecin généraliste ou le psychiatre qui suivent le patient et durant le temps qu’ils jugeront nécessaire.
Soigner la dépression, c’est aussi et peut-être même avant tout, un retour à une vie sociale, professionnelle, affective, qui combattra la solitude et permettra de retrouver un équilibre. Dans cette perspective l’accompagnement de l’entourage est primordial. Pour le psychiatre Michel Benoit, soutenir un proche, c’est avant tout essayer de comprendre sans juger. Il ne faut absolument pas culpabiliser le malade en lui reprochant son manque d’initiative ou de volonté. Par ailleurs, l’entourage ne doit pas diaboliser la prise médicamenteuse et la remettre en question. En revanche les proches doivent veiller au respect strict, par le malade, du traitement qui lui a été prescrit.
En savoir plus :
Vidéos de témoignages de médecins sur le site Dépressions-infos
Dossier "Dépression" : symptômes et traitement sur le site Doctissimo
"La solitude fait bon ménage avec la dépression" sur le site Cyberpresse