Les entreprises n'embauchent pas quand elles font plus de profits mais quand elles ont plus de clients
Acheter français pour relancer l'économie... Manuel Valls et sa marinière n'ont pas tout à fait tort. Mais Carrefour, c'est un groupe français. Un groupe français qui fait produire...au Bangladesh. Rien n'est moins sur que d'acheter des produits de la marque Carrefour va aider l'économie de la France. Parce que cette entreprise, comme d'autres, n'a plus de français que le nom. C'est un « groupe international» dont le principal marché est l'Asie. C'est sur ce continent qu'est aussi le principal de sa production.
Alors que le 400ème corps vient d'être tiré des décombres d'une usine de textile à Dacca, Carrefour, mais aussi Benneton, Mango et d'autres sont une fois de plus attaqués pour leur exploitation des pauvres de ce monde.
Il n'y a pas si longtemps Jamal El Hassani, journaliste de Slate expliquait que «Les grands groupes sont souvent accusés par des associations de protection des travailleurs de ne pas être assez regardants dans leurs choix de sous-traitants et de ne pas se soucier des conditions de travail et de sécurité. Les usines ne leur appartenant pas, ils ne sont pas responsables devant la loi lorsque ce genre d’accident se produit, puisqu’ils se contentent de passer des commandes.»
Effectivement, des marques comme Carrefour, Benneton, ou Mango ne sont pas propriétaires des usines où elles font fabriquer leurs produits. Et il est leur est donc souvent reproché d'être au sommet d'un système sans être pour autant responsables des dysfonctionnements.
Mais ces entreprises ne sont rien sans leurs clients. C'est nous qui leur demandons des produits toujours moins chers. Des raviolis moins chères et des petites robes pour l'été à 7 euros.
Les 400 morts, pour l'instant, de l'usine de Dacca au Bangladesh ne sont pas morts parce que Mango ou Benneton sont négligents, mais parce que leurs clients sont inconscients.
Nous sommes les idiots de la fable : nous voulons le beurre, l'argent du beurre, et pourquoi pas le cul de la crémière. Nous voulons travailler en France dans des conditions humaines et sécurisées, nous voulons de bons salaires, une excellente protection sociale, un minimum de 5 semaines de congés payés, mais nous voulons aussi que les prix soient aussi bas qu'en Asie, ou presque.
L'ironie de tout cela est que les entreprises délocalisent pour pouvoir assurer ces prix bas. Et le chômage explose ; Le marché se réduit pour les entreprises, qui n'investissent donc pas. Un cercle vicieux qui provoque des catastrophe humaine dans les pays pauvres producteurs mais aussi dans les pays « riches », de moins en moins consommateurs.
Il y a assez peu de différences de structure entre l'affaire Findus et l'accident industriel au Bangladesh (les conséquences n'ont rien à voir bien entendu). En dessous d'un certain prix, un aspect essentiel de la production est forcément rogné ; la sécurité des travailleurs ou le type de viande utilisée.
Pour ceux qui le peuvent encore, choisir d'acheter un produit moins souvent mais plus cher parce que produit intégralement en France n'est pas un acte bêtement chauvin. C'est au contraire une action rationnelle fondée sur une compréhension de la valeur de la qualité et de la sécurité. C'est aussi augmenter les ventes des entreprises qui ne délocalisent pas leur production.
Et dans un système capitaliste, les entreprises n'embauchent pas quand elles font plus de profits mais quand elles ont plus de clients.