Que penses-tu Ségolène?
Dimanche 6 mai, 19h 50, je termine l'éditorial, sans savoir encore qui sera le prochain président français.
Mais, tandis que les camps des deux candidats, vainqueur ou perdant, se préparent pour un dernier affrontement, je ne peux m'empêcher de penser à Ségolène Royal. Dans le secret de son âme, que pensera-t-elle ce soir si son ex-époux Hollande est élu ?
En 2007, elle aurait pu être la première femme présidente de la République française, si le PS lui avait apporté la plus petite parcelle de la force de frappe qu'il a mobilisée pour Hollande. Elle n'a perdu contre Sarkozy que parce qu'elle fut isolée et seule alors, dans tous les endroits de sa vie
Dans sa vie privée d'abord, avec un mari qu'elle soutien pour la présidence et dont elle découvre l'infidélité, ce qui l'incite à lui retirer son soutien et à se proposer elle-même comme candidate.
Dans son parti où le PS et ses éléphants ayant décidé de « tout sauf Ségolène » l'abandonnent seule face à l'UMP et Sarkozy.
Bien que sans l'appareil du parti pour la soutenir et l'appuyer, elle contournera les obstacles, cherchera des alliés, proposera une alliance à Bayrou qui refusera en se moquant d'elle sur les chaînes médiatiques.
L'histoire fera payer très cher à Bayrou son manque d'analyse et ses mauvaises façons puisqu'il disparut presque entièrement de la politique française ; revenu en surface avec l'élection 2012, son mauvais score confirme ses inaptitudes à faire les bons choix dans les bons timings.
Des abandons donc, des déchirures, des moqueries, des fractures et des coups qui ont frappé Ségolène Royal de toute leur violence et de toute leur injustice, mais qui ne l'ont pas terrassée, ni détruite.
Prouvant la justesse des mots de Nietzsche « ce qui ne tue pas rend plus fort » elle trouva la force de rester dans son parti, de continuer d'y innover, l'idée des primaires qui a regroupé la France autour de la gauche pendant quelques semaines, est la sienne, et discrète s'est effacée pendant la campagne, laissant son ex mari, prendre toute la place. Une place imméritée pour beaucoup de Français qui n'auront voté pour lui que : soit pour voter contre Sarkozy, soit parce que le bulletin blanc n'est pas pris en compte.
Sur Paris et sur la France en ce dimanche 6 Mai, le ciel est gris, et sans doute aussi le cœur d'un grand nombre de Français qui auront été confrontés au non choix, à l'impossibilité du choix.
Alors, tandis que les bureaux de vote s'agitent ainsi que les capitaines de campagne dans leurs bureaux respectifs ; tandis que dans Paris s'affûtent les couteaux du pouvoir, se calculent les bénéfices et les intérêts, les postes et les ministères à prendre et que se rafraîchissent les champagnes, quel que soit le candidat qui gagne, la République et les Français n'auront gagné ni justice, ni plans sociaux équitables, ni considération. Seul le pouvoir, égal à lui-même se survit à lui-même, et dès demain, au mieux dans les semaines qui viennent, les Français se réveilleront de la mainmise exercée sur eux pendant cette élection, par l'un et l'autre des partis, avec l'impression d'avoir été fracassé debout.
Si nous ne voulons plus être récupéré sans consentement et avoir le choix réel d'un candidat et si nous voulons que les candidats qui se présentent à la plus haute fonction de l'Etat le fassent avec de vraies idées et de vrais projets pour la République, il est impératif que la sanction du bulletin blanc existe. C'est seulement alors que pourront émerger de vrais leaders avec de vrais projets et des ambitions positives, que disparaîtront les faux prophètes, les marionnettistes et les pantins de partis. Le gendarme en fait, fait toujours tomber guignol.
20 h. Est-ce le soir qui tombe qui rend tout tellement gris au-dehors ? J'entends des cris d'enfant qui jouent, des oiseaux qui sifflent, la sirène d'une ambulance au loin...
Sur le plateau de France 2, Ségolène Royal, belle et souriante, émue, regarde son fils pleurer en direct. François Hollande vient d'être élu à la présidence française.
Et malgré moi je me demande ce que dans le secret de son âme, elle pense vraiment...