Une guerre avec l'Iran se profile :
de l'intérêt d'être un chef de guerre
et non pas une pompom girl
Par rapport à Bush, Barack Obama a une grande qualité ; en politique étrangère il comprend la différence entre être le commandant en chef des armées américaines et être leur pompom girl. Il est malheureusement tombé dans les travers de son prédécesseur. « L'utilisation d'armes chimiques contre des civils changerait la donne pour la Syrie et justifierait une vaste opération internationale ». C'était la ligne rouge que le président Obama avait tracée voilà maintenant quelques mois. Cette ligne a apparemment été franchie, sans que l'ONU, l'OTAN ou les États-Unis ne trouve utile de « changer la donne ».
Le 19 mars, près d'Alep et Damas, des médecins font états pour la première fois de symptômes concordants avec du gaz sarin. L'information remonte et l'ONU met en place une mission d'observateurs pour confirmer cette utilisation et définir les responsabilités. Alors que l'utilisation de ce neurotoxique ne fait pas de doute pour les services britanniques, français et israéliens, il semblerait que l'ONU soit étonnamment prudente dans sa désignation des suspects. Qui donc du régime (dont les réserves d'armes chimiques sont prouvées depuis bien avant la guerre civile) ou des rebelles a bien pu utiliser ces armes ?
Cette délégation de l'ONU est actuellement à Chypre où elle attend « l'autorisation » de ce rendre en Syrie.
Il y a quelques jours, Itay Brun, le chef de la division recherche du renseignement militaire israélien (qui n'est pas le Mossad) a de manière très publique affirmé que son service était convaincu de l'utilisation de ces armes contre des civils par les militaires syriens. Il ajoutait que ses homologues français et britanniques confirmaient ces informations.
Soyons très clair ici ; il ne s'agit pas d'un politicien naviguant en eaux diplomatiques, il s'agit d'un officier militaire faisant état d'une certitude d'ordre pratique. Qu'il implique ses homologues étrangers dans une telle déclaration démontre qu'il est sur de son fait.
Mais quelques jours après, le New-York Times publie que Netanyahou n'a pu confirmer avec certitude au secrétaire d'État américain John Kerry l'emploi d'armes chimiques par le régime de Damas. Dit clairement, les États-Unis ne veulent pas s'impliquer plus dans la situation syrienne. Et il est très possible qu'Israël ne le souhaite pas non plus.
Le casse-tête syrien
La Syrie pose un vrai problème au bloc occidental. D'un point de vue stratégique, la chute de Bashar El Assad est surtout utile pour affaiblir l'Iran. But poursuivi par les pays occidentaux, mais aussi par les pays du Golfe. C'est l'unique raison pragmatique qui pousse le bloc occidental a vouloir la chute de Damas et qui incite des pays comme le Quatar a s'impliquer avec les insurgés. Mais c'est un but important. Qui apparemment surpasse le coût de voir s'installer en Syrie un état en faillite pour de longues années, avec tous les problèmes que cela peut poser aux pays limitrophes, notamment la Jordanie et Israël.
En parallèle, les États-Unis et l'Europe ne tiennent pas à lancer une opération du type de celle que l'on a vue en Libye. Elle coûte trop chère financièrement et les retombées politiques seraient désastreuses. Il paraissait alors plus avantageux de laisser la situation suivre son cours et d'aider en sous-mains les insurgés (les « bon », les « non islamistes »!) pour faire contrepoids à l'aide que la Russie et l'Iran apporte au régime.
La dissuasion comme outil de maintien de la paix
Mais le bloc Occidental tire aussi une légitimité, pas toujours crédible malheureusement, de son attachement à certains principes. C'est son avance en terme de droit de l'homme qui lui permet de « dire le droit » international. D'où la fameuse ligne rouge de Barack Obama : « l'utilisation d'armes chimiques changerait la donne en Syrie ! ». Il réaffirmait ainsi que l'usage des armes non-conventionnelles n'était pas acceptable et que les États-Unis interviendrait directement contre quiconque en ferait usage. L'immense capacité militaire des USA leur permet de dire le droit mais aussi de le faire appliquer. C'est cette menace, cette dissuasion, qui retient par exemple la Chine d'attaquer le Japon, ou la Corée du Nord d'attaquer le Sud.
Le problème, c'est qu'il faut pouvoir mettre ses menaces à exécution si on en profèrent.
Il ne s'agit pas ici de savoir s'il serait judicieux ou non d'intervenir directement en Syrie. Il s'agit de comprendre que la dissuasion est un outil réel dans le maintient de la paix et que les USA sont en train de montrer au monde que leurs menaces pourraient bien êtres des paroles en l'air.
La perception iranienne
Ce qui nous ramène à l'Iran. Ces derniers mois, différents services, dont les services israéliens, font état d'un écart important entre les capacités du programme nucléaire iranien et ce qui est effectivement réalisé. Les iraniens ont mis la pédale douce. Et c'est la menace jugée crédible d'une intervention militaire des États-Unis sur leur sol qui les incite à la prudence, bien plus que les sanctions. Une perte de crédibilité, et donc de dissuasion, des USA pourraient donner plus de poids aux tenants les plus radicaux du gouvernement iranien. Et paradoxalement nous remettre sur une trajectoire de collision qui semblait pourtant s'éloigner.
S'il n'était pas prêt à lancer son pays dans une aventure militaire en Syrie, Obama aurait mieux fait de ce taire. Il a rendu infiniment plus difficile le travail des diplomates qui cherchent à éviter la confrontation armée avec l'Iran. Ces diplomates qui voyait déjà leur fenêtre de possibilités d'action se réduire à grande vitesse puisque les plus raisonnables estiment que les iraniens auront la capacité de fabriquer une bombe pendant l'été. (capacité n'étant pas volonté).
Les élections présidentielles iraniennes auront lieux à la mi juin. On peut, sans excès de pessimisme, dire que si une guerre avec l'Iran doit éclater, ce sera pendant les 6 mois qui vont de juin à novembre 2013.