Sabrer dans les dépenses de l'Etat
Sabrer dans les dépenses pour remplir les caisses de l’Etat
Il est possible de réformer, à condition de donner l’exemple, en commençant par une réduction drastique du train de vie au sommet de l’Etat.
« Ces associations gavées de fonds publics », lisait-on, l’autre jour, dans le Journal des lecteurs de Marianne (9 novembre). L’Etat verse chaque année plus de 30 milliards d’euros à des associations dont l’utilité n’est pas toujours avérée. L’inflation de l’emploi public et parapublic est problématique. Y compris pour la pensée politique de gauche.
Saint-Just analysait le problème en ces termes : « Tous les pouvoirs et tout ce qu’il y a d’intermédiaire entre le peuple et vous est plus fort que vous et le peuple… Plus les fonctionnaires se mettent à la place du peuple, moins il y a de démocratie. Tout homme en place ne fait rien par lui-même et prend des agents secondaires. Le premier agent secondaire a les siens et la République est en proie à vingt mille sots qui la corrompent, qui la combattent, qui la saignent. Le ministère est un monde de papier. La prolixité de la correspondance et des ordres du gouvernement est une marque de son inertie… Il ne se fait rien et la dépense est pourtant énorme. Les bureaux ont remplacé la monarchie ».
Crever la bulle de l’emploi public et parapublic
Aujourd’hui, l’idée d’éliminer les doublons administratifs, entre départements et régions, commence à faire consensus. Et plutôt que des demi-mesures, il faut envisager une révolution. Beaucoup avancent l’idée d’une grande coalition trans-partisane à la française. Cette idée me paraît impraticable, car le centrisme français, qui en constituerait le pivot, n’a jamais eu d’esprit de décision ni de suite dans les idées.
De deux choses l’une, ou bien François Hollande s’inspire tout à coup de ces dirigeants socialistes d’origine ouvrière, Göran Persson en Suède et Gerhart Schröder, qui ont su crever la bulle de l’emploi public et parapublic ; ou bien c’est le prochain locataire de l’Elysée qui s’en chargera.
Dans l’un ou l’autre cas, compte-tenu de la crise économique et du poids des corporatismes à surmonter, les élites devront donner l’exemple par un comportement spartiate. Une réduction drastique du train de vie au sommet de l’Etat serait la condition de possibilité d’un coup d’arrêt à la gabegie.
Les Mariannautes ne manquent pas d’idées pour proposer réforme et circulation des élites. Dans d’autres pays, ces dernières parviennent à se remettre en cause. La BBC annonce 825 millions d’euros d’économies d’ici à 2017 car : « Au moment où les gens se serrent la ceinture, nous ne pouvons pas nous dispenser de répondre aux réalités économiques ».
Des élites françaises frileuses
Il faut des gestes symboliques capables d’entraîner la nation française. Un gouvernement de salut public pourrait s’engager à ce que ses membres se retirent de la vie politique nationale à l’issue de leur mandat. Ce serait demander beaucoup d’abnégation.
Mais en attendant le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, rien de tel que le non-remplacement d’un élu et d’un expert sur deux. Divisons par deux le nombre de ministres, membres des cabinets ministériels, députés, élus territoriaux et membres des comités Théodule (agence, autorité, bureau, conférence, conseil, institut, observatoire, office). Les Français accueilleraient alors les réformes à bras ouverts.
Mais les élites sont frileuses. On l’a vu avec la timide réforme de la réserve parlementaire. Avec le refus des députés de fiscaliser une partie de leur indemnité représentative de frais de mandat. Ou encore avec le grotesque système de transparence du patrimoine des députés… consultable en préfecture, mais non divulguable, pour que la presse ne vienne pas y fourrer son nez.
Déjà préconisée en 1992, la transparence du patrimoine des élus fut déjà enterrée sous l’accusation de « voyeurisme préjudiciable à la bonne marche de la démocratie ». En 2013, Claude Bartolone dénonce la « démocratie paparazzi… Publier mon patrimoine, ce serait céder à ce syndrome du populisme contre lequel je me bats... J’habite une maison en Seine-Saint-Denis depuis quinze ans ». Le lendemain, le Canard enchaîné publiait une photo de sa bâtisse de 380 mètres carrés, sur les hauteurs des Lilas, avec vue imprenable sur Paris.
Avant de crever la bulle de la gabegie de l’Etat, il faut crever la bulle idéologique des obsessions anti-populistes. La France ne solutionnera pas sans remises en question et sans sacrifices 30 ans de laxisme budgétaire. Elle doit sabrer dans les dépenses, car il n’est pas viable de vider indéfiniment les caisses de l’Etat sur le dos des générations futures.
*Marc Crapez est chercheur en sciences politiques associé à Sophiapol. Lire l'intégralité des articles de Marc Crapez.
Source : Marianne.net / Marc Crapez