Moyen-Orient: Égypte en résonance
Par Louise Gaggini
Le lendemain de la «révolution tunisienne», j’avais mis en perspectives ce qui par extension allait probablement se produire au Moyen-Orient et plus particulièrement ce qui se passe aujourd’hui en Égypte (lire en dessous «Révolutions et Moyen-Orient : demain la 3ème guerre mondiale ?»
Hélas, aujourd’hui nous y sommes et les Frères Musulmans, islamistes modérés ou pas, révèlent aujourd’hui ce qui les détermine : reprendre le pouvoir et quoi qu’il en coûte au peuple, quel que soit le nombre de morts, ils incitent à la haine avec tous les moyens qu’ils ont l’habitude d’utiliser et la désinformation en est un.
Développer de fausses images et véhiculer des mensonges comme dire qu’on tuait les blessés dans les hôpitaux, heureusement contredit dans les heures qui ont suivi par les médecins eux-mêmes, dans une effervescence de sensiblerie destinée à marquer les esprits, n’est pas sans rappeler l’outrance de l’image d’un enfant palestinien mort et porté par une foule entre drapeaux, larmes et colère, qui fit le tour de la planète, et dont on sut, mais trop tard, le monde avait été ébranlé par l’horreur d’un enfant mort sous des balles israéliennes, que tout cela avait été monté de toute pièce.
Actuellement l’Égypte, dont l’armée cherche à préserver la démocratie malgré les Islamistes et les moralisations d’un Occident qui a tout à perdre d’un Moyen-Orient libéré des ingérences extérieures, voit sa population s’affronter dans des guerres fratricides portées par des religieux seulement concernés par Allah et une charia qu’ils souhaitent imposer, mais, j’ai l’espoir que mes prévisions de 2010 seront balayées par la volonté des Égyptiens de vivre dignement dans un pays musulman mais laïque, qui saura développer une économie prospère avec des ressources normalement partagées dans la population.
Nous oublions trop souvent que les islamistes comme les fascistes utilisent les crises sociales et économiques pour s’implanter, et que lorsque les hommes ont faim, ils font des révolutions et s’insurgent contre des pouvoirs qu’ils jugent incompétents à leur assurer le minimum vital pour eux et leur famille. Qu’ils sont alors sensibles au chant des usurpateurs et gourous en tout genre.
L’Égypte est en révolte et cherche ses solutions, cela se fera dans la douleur des uns et des autres, prendra peut-être quelques décennies, mais le changement au Moyen-Orient se fera et la paix émergera et s’établira dans cette partie du monde qui aujourd’hui est une poudrière ; il se fera comme toutes les évolutions avec des pics et des creux, des libertés acquises, puis lapidées, puis reconquises jusqu’à leurs installations définitives, cf. 1789 chez nous !
RETROSPECTIVE
Révolutions et Moyen-Orient : demain la 3ème guerre ?
Par Louise Gaggini le 31/01/2011 pour le Monde.fr
Dès les premières heures des événements Tunisiens, il était prévisible qu’ils déborderaient sur l’ensemble du monde Arabe. Une guerre qui se met en place et qui par le jeu des dominos et des alliances, celui des intérêts économiques et politiques, bientôt enflammera une grande partie du monde. En tous les cas le nôtre de monde. Si prévisible qu’on se demande pourquoi le bruit des armes ne couvre pas, même un peu, celui de l’allégresse générale.
D’abord l’Égypte. Une Égypte qui se brisera comme s’est brisé le Soudan. Sauf que l’Égypte, pourvue d’une armée forte, se débrouillera avec elle-même, n’acceptera pas les ingérences et se détruira d’ici 4 ou 5 ans, entre ses batailles intestines, religieuses et tribales. Une sorte de Liban recommencé qui entraînera dans son explosion, l’Algérie, l’Iran et l’ensemble des pays du Moyen-Orient qui dans l’enthousiasme libertaire de ceux trop souvent soumis à l’arrogance et l’exploitation des dictatures et des colonisateurs en tout genre, se lèveront et se ligueront par nécessité d’un exutoire économique aux désordres et manques de nourriture des pays, contre l’ennemi désigné et ancestral : Israël.
Israël toujours sur la défensive doit actuellement mobiliser son armée, prêt à protéger à tout prix sa population, les territoires, ses enfants et son devenir.
Tant qu’on n’a pas passé de temps là-bas, on ne prend pas la dimension de la résistance d’Israël et des Israéliens. La résistance qu’ils n’ont pas su opposer à l’oppression antisémite banalement répandue dans le monde jusqu’à l’outrance de la dernière guerre, ils l’ont d’un seul coup et pour toujours intégrée. Une résistance et une force de vie « à la vie à la mort » égales à celle de cette révolution Tunisienne qui sera, hélas et probablement récupérée par des Islamistes plus ou moins modérés, surtout plus performants dans la gestion du social ainsi qu’on peut le voir au Pakistan et au Sud Liban, mais aussi par des économistes de haut vol, Fmi et autres marionnettistes d’un monde oligarchique qui avec quelques-uns seulement dirige la planète.
Une révolution qui risque d’avoir dans les mois qui viennent, nul autre parfum que celui des roquettes explosées sur les territoires d’Israël et sur les pays Arabes dans une confrontation défensive pour les uns, exutoire pour les autres, avec le poids d’un terrorisme islamiste agissant par représailles sur l’ensemble de l’Occident.
Tout ça au nom de la liberté.
Liberté j’écris ton nom dit le poète, englué entre l’absinthe, le froid de sa misérable chambre et parfois la chaleur de la reconnaissance générale.
Mais, c’est quoi la liberté et qu’est-ce que ce mot recouvre de réalités et de mensonges ? Le sentiment d’exister sans entraves ? Quand nous voulons toucher à l’autonomie et que rien ne vient en altérer le droit fondamental ? Lorsque nous pouvons décider par et pour nous-mêmes de ce que sera notre vie, et portés par une irrépressible fraternité, jusqu’à celle du reste du monde ?
Barack Obama l’a fait. Il a, dans un élan planétaire réconcilié «les descamisados» de tous les pays et en quelques minutes, suspendu le temps des hommes qui unanimement communièrent pour le meilleur. Si un homme noir pouvait devenir Président en Amérique, alors chacun avait une chance de pouvoir être ce qu’il voulait. Chacun pouvait briser ses chaînes et être libre.
Mais Barack Obama s’est appuyé sur les lois pour parvenir où il est. Il n’a engendré ni morts ni batailles et a pris son destin en main en même temps qu’il a imaginé prendre celui des Américains.
Ce qui se passe en Tunisie, ne participe pas d’une prise de conscience réfléchie et concertée, c’est une révolution populaire spontanée, plus probablement l’utilisation par en dessous, d’un ras le bol général judicieusement manipulé et activé.
Nous désirons tous la chute des tyrans, mais comment procéder sans ravages et pertes de vie ? Des destructions vaines et inutiles au regard de ce que nous a appris l’histoire. D’autant qu’il y a loin de l’idée de la démocratie à son application, surtout si nous regardons la cécité dont nous avons été atteints pendant des années envers les agissements de Ben Ali. Cécité qui perdure envers d’autres pays. La Chine par exemple où les droits de l’homme sont bafoués, mais devant laquelle nous restons silencieux et toujours aveugles, pour cause d’économie.
Il y aurait-il des libertés et des consciences à deux vitesses ?
À quel moment les Occidentaux considèreront-ils qu’ils doivent apporter leur soutien aux chinois emprisonnés par un pouvoir totalitaire ?
Quand cela arrangera les oligarchies qui nous dirigent et qui alors l’induiront ?
Malgré tout et au-delà de ce qui est, il y a quelque chose de sublime dans cet élan qui porte les hommes à se libérer des tyrannies. La preuve que le meilleur en eux existe aussi, une porte ouverte sur tous les possibles…