David Smetanine : « la médiatisation des paralympiques sera exceptionnelle »
Quelles avancées les Jeux paralympiques de Sotchi laissent-ils entrevoir pour le sport handicapé ?
Il en existe une majeure : la médiatisation. Pour la première fois, la France va téléviser les Jeux paralympiques en direct [près de 60 heures] et en intégralité. Pour des Jeux d'été, cela aurait été déjà exceptionnel. Mais pour des Jeux d'hiver, c'est inespéré ! Il y a une volonté de fond de la part du gouvernement derrière ce pas en avant. L'Etat a payé les droits TV et les a proposé à France Télévisions avec un message clair : « Vous n'avez plus le choix maintenant. Il faut passer les Jeux paralympiques à la télévision ». Nous allons montrer aux Français une facette du sport qu'ils connaissent pas ou peu, et qui possède des histoires incroyables à raconter. De façon plus générale, on sent que les médias vont se mouiller davantage à Sotchi. Il reste d'autres étapes à franchir mais celle-ci était fondamentale pour le développement de tout le reste, la reconnaissance du sport handicapé en tête.
Qu'attendre d'autre de la médiatisation des Jeux paralympiques ?
Elle va provoquer un intérêt et créer une niche commerciale dont personne n'était convaincu il y a encore quelques années en arrière. C'est la réussite du handicap qui va être mise sous le feu des projecteurs. Ces champions peuvent faire passer un message d'espoir fantastique aux personnes handicapées. Le handicap n'est pas une tare, mais un malheur qui peut aussi générer énormément de bonheur, notamment via le sport de haut niveau. Pour élargir le propos, c'est l'image du handicap en France qui est en jeu. Il y a un vrai enjeu social de prise en compte de la personne handicapée dans notre pays. Après, plus spécifiquement, cela peut aussi faire évoluer la problématique du sponsoring. Il n'y a pas de raison qu'il y ait une différence avec les valides.
Comment jugez-vous l'évolution de la médiatisation du sport handicapé ?
Depuis mes premiers Jeux, à Athènes, en 2004, le nombre de médias présents et les rediffusions télévisées se sont renforcés. Ils ont apporté une valeur ajouté conséquente. La presse peut apporter une pression bénéfique aux athlètes, qui en conséquence montent le niveau de leurs performances. La médiatisation croissante a créé un environnement de concurrence propice à la performance. Pour y répondre, il faut que l'athlète se place dans une configuration de haut niveau. Aujourd'hui, il y a plus d'entraînement, plus de sérieux, plus de suivi chez les athlètes handicapés, sur le plan technique, médical, ou de la récupération notamment. L'objectif étant de réaliser des performances plus proches de celles des valides. Le sport handicapé se professionnalise.
Quand s'est produit le tournant de cette professionnalisation ?
1992. Nous sommes passés de la course par handicap à la course par classe de potentiel physique. Cela a provoqué une vraie émulation et notamment une concurrence plus importante. C'est aussi l'année des premières réformes sur le handisport. La question des équipements sportifs au même endroit que ceux des valides a été actée cette année-là. De 1996 à 2000, le niveau des performances a fait un bond monstrueux. Il manque une poignée d'années pour passer à un vrai statut professionnel. Une olympiade ou deux, tout au plus.
Quel rôle va jouer l'IPC dans cette quête ?
Un rôle énorme car il insuffle la marche à suivre. Pour fairereconnaître le sport handicapé, il faut passer par l'exigence et la contrainte du résultat, par la performance. Chez nous, on ne peut pas dire : « l'essentiel, c'est de participer ». Un athlète handisport doit aujourd'hui être à un très haut niveau pour participer aux Jeux paralympiques. La reconnaissance médiatique du sport handicapé passe aussi par la diminution du nombre de catégories et du nombre d'athlètes. Les minimas IPC sont plus difficiles que les minimas CIO. Pour le reste, on a les mêmes problématiques que les valides. On est sportifs de haut niveau. Point final.
Propos recueillis par Benoit Pavan