Le bouffon de la république !
Par Louise Gaggini
Après avoir revendiqué, façon tribale, la population française, avoir déclamé au son de trémolos aux accents staliniens des propos récupérateurs de voix, et après avoir craché sur les uns et les autres tout en lançant des œillades langoureuses à un Hollande en quête de voix électorales, il encombre aujourd’hui les ondes médiatiques et les colonnes de la presse Française, de la même façon grotesque et larmoyante qu’il développa dans ses meetings, mais cette fois-ci, échec oblige, avec l’idée de culpabiliser les citoyens et les médias et de les rendre responsables de son mauvais score au premier tour de l’élection présidentielle.
Un premier tour qui démontra en le plaçant bien plus bas que ce qu’il espérait, que les Français ne sont pas tous ces gnous que Bayrou mis si intelligemment à l’honneur.
Et il vocifère contre tous notre bouffon de la république.
Il vitupère et pleurniche passant de l’émotion sirupeuse à la colère dite saine : «j’ai été tout seul face au FN, on ne m’a pas écouté, si on m’avait écouté et soutenu, jamais le FN n’aurait été si haut.»
Bref, il pleure et hurle selon les besoins, des trémolos dans sa voix de tribun, comptant sur la générosité et la sensibilité des Français, s’appropriant les mots fondateurs d’une république autrefois éclairée «liberté, égalité, fraternité» dont nous sommes tous nostalgiques, pour se hisser lui et lui tout seul, au sommet de la nation France.
Mais, il suffit de l’écouter pour approcher son désir personnel de puissance, même camouflé derrière les beaux mots républicains. Il suffit de l’entendre utiliser l’empathie émotionnelle, au lieu de chiffrer un programme, pour comprendre qu’on est loin du pragmatisme nécessaire à la fonction d’Etat, et seulement hélas, dans des manipulations à des fins de contrôle des foules et des populations.
Pourtant, après ce premier tour de l’élection où les Français non totalement dupes ne l’ont pas plébiscité à la hauteur nécessaire pour négocier en maître, il persiste et rebondit, culpabilisant à droite, souffletant à gauche, piétinant au centre, sollicitant les médias enclins au suspens théâtral, et «automate agité» toujours absolument convaincu de concrétiser ses rêves de puissance et de gloire.
Un tribun qui espère entre sabre et goupillon, ça vous dit quelque chose ce truc de la carotte et du bâton, faire peur aux Français, et ainsi que dans une nasse les ramener à lui pour lui permettre de négocier avec le PS ou l’UMP, qu’importe l’ivraie pourvu qu’il ait l’ivresse, un poste au gouvernement, au moins quelques prérogatives et quelques privilèges avec les uns ou les autres, quelques pouvoirs enfin qui dans les législatives qui s’approchent lui permettront de maîtriser, genre «je te tiens par la barbichette».
Je ne sais pas pour vous, mais moi je n’en crois pas mes oreilles.
Il a dans ses meetings été relayé et montré comme une rock star par tous les médias français qui l’ont porté aux nues.
Il a eu suffisamment d’argent pour organiser des prestations gigantesques dont n’aurait pas rougi César, des milliers de français se déplaçaient pour le voir et l’entendre parler de justice et de république, et on aurait pu croire, et d’ailleurs il l’a cru, qu’en touchant les Français au cœur et à l’âme, en leur parlant d’espoir et d’espérance et en utilisant des mots d’avocats au pénal, il entraînerait avec lui les populations françaises démunies et fragiles; qu’il pourrait soudoyer les plus faibles et les sans ressources à qui, dans la plus pure ligne des fascistes fascisants, il promit un monde économique et social meilleur et qui leur appartiendrait. Qu’ils construiraient ensemble.
Mais, et c’est réconfortant et magnifique, allons n’ayons pas peur des superlatifs, les Français, des milliers de français ne se sont pas fait manipulés et ont résisté au chant dangereux d’un fascisme à peine déguisé.
Pourquoi?
D’abord parce qu’il faut, je l’ai déjà dit et je le répète, cesser de prendre les Français pour des veaux ignares et incapables de juger du bon et du mauvais pour eux-mêmes.
Surtout parce que notre bouffon de la république, ainsi que tous les bouffons, à force d’être dans la commedia dell’arte, a oublié qui il est, d’où il vient et à qui il s’adressait.
Les «Français moyens» ainsi qu’on les nomme péjorativement à mon goût, ne viennent pas d’HEC ni de l’ENA.
Ils ont des problèmes de survie et de précarité, des fins de mois et même des débuts de mois tragiques.
Ils jonglent avec le prix de la viande, du pain, du lait et de l’essence dans un monde où l’économie s’écroule et où les oligarchies économiques dirigent l’ensemble des pays de la planète.
C’est ce qu’a oublié notre bouffon.
Inspiré des mécanismes de communication qui ont porté les grands et tristes dictateurs de l’histoire (les discours d’Hitler sont des chef d’œuvres dans le genre manipulateurs de foule), fort de ceci donc et pas assez de cela, il a oublié deux choses: un, que la société ayant changé, Staline, Hitler et Mussolini ne sont plus d’actualité, et deux, oublié surtout qui était son auditoire.
Pas des nantis bobos à qui il pouvait au travers de grandes envolées lyriques parler de liberté et d’espoirs en faisant référence à des écrivains, des poètes ou des révolutionnaires d’école, mais de simples Français confrontés au jour le jour dans leur quotidien à des difficultés de survie.
Ce sont sans doute ces grands mots pour intellectuels, loin du peuple et du terrain, qui ont ouvert les yeux des Français qui venaient l’écouter.
Après avoir cru qu’il pouvait les sauver, un peu comme on croit aux anges, ils ont tristement compris qu’il n’était qu’assoiffé de reconnaissance et de pouvoir, et s’en sont retournés voter pour d’autres.
Malgré tout, s’il a perdu cette première bataille, le bouffon n’en a pas fini avec la République, la France et les Français, et à l’entendre larmoyer ou vociférer sur les ondes contre tel ou tel autre parti, on sait qu’il est toujours là à guetter la proie et prêt à engloutir sans autre souci que son intérêt immédiat.
Vigilance donc.
Les combats pour le pouvoir, dans les mois qui viennent, seront violents et forcenés, loin de la sérénité qu’il faudrait pour gouverner et trouver des solutions aux problèmes qui s’amoncellent, mais, comme le dit le poète «c’est ainsi que les hommes vivent» et les catastrophes qu’ils génèrent participent peut-être de leur évolution…