Avec le rap,
les femmes coupent leurs chaînes!
Par Louise Gaggini
Soosan Firooz : première femme afghane à faire du rap politique.
Du Maghreb à l’Afghanistan, partout où sévit une Loi religieuse qui les confine sous voile et sous l’autorité absolue des hommes qui ont droit de vie et de mort sur elles, les femmes s’organisent, quand même, prenant tous les risques pour une certaine idée qu’elles ont de la vie et de l’existence, surtout de la dignité humaine. De leur dignité.
L’art de tout temps a été le moteur des évolutions sociétales et de provocations en réflexions utopiques, permi la progression de l’humanité, les révolutions nécessaires à sa liberté, agrandi le champ des consciences.
Aujourd’hui des jeunes femmes à l’esprit libertaire montent sur les estrades, prennent des micros, et font avec la musique et les mots, avec le rap, leur révolution pour l’évolution.
Le rap politique leur permet, malgré les dangers suspendus au-dessus de leur tête avec les coups, la lapidation, les blessures possibles que leur propre famille, frères ou pères pourraient leur infliger, avec les mots qu’il porte, d’entraîner des reflexions et des rebellions contre ces systèmes qui les détruisent ou les réduisent à l’état d’animaux soumis aux désirs des hommes : pas d’écoles et pas de droits, pas de vie autre que celle destinée à servir aux plaisirs diurnes ou nocturnes d’hommes dont le sadisme archaïque peut alors s’exprimer en toute légalité.
Partout dans le monde les femmes s’organisent pour seulement avoir le droit à l’existence, qui n’est pas un droit naturel dans certains pays du Moyen-Orient et du Maghreb et qui le deviendra encore moins si l’islamisme fondamentaliste s’imposait définitivement dans ces pays qui en détrônant des dictateurs, crurent s’ouvrir à la liberté démocratique et humaine.
Cette semaine dans “La cause des femmes” il nous a paru important de mettre en lumière ces jeunes femmes qui osent, courageusement, avec toute la force de la jeunesse, transgresser les interdits. Pas les petits interdits de nantis de 1968, qui firent Mai 68 pour avoir le droit de mixité dans les dortoirs universitaires, non, de vrais interdits et de vraies transgressions aux conséquences tragiques et qui pourraient les faire mourir.
Les femmes n’ont pas dit leur dernier mot face à la violence des hommes, et nous leurs soeurs ou leurs mères, leurs filles, nous les porteront autant qu’il le faudra…
LG
Du Maroc à Gaza, des rappeuses scandent l’émancipation des femmes
Par Amina Semlali
Shadia Mansour, rappeuse pour la liberté des femmes
« It’s messed up, I had to lose an eye to see things clearly », dit Alia en secouant la tête.
Personnalité charismatique et sûre d’elle, ma camarade de classe replace soigneusement ses cheveux sous son voile.
Je lui demande : «Bushwick Bill?» Elle sourit, dévoilant des dents parfaitement alignées. « Oui ! » Elle semble contente et en même temps légèrement embarrassée que j’aie remarqué qu’elle citait un rappeur de la vieille école. Je suis intriguée par l’histoire d’Alia, et par les mots qu’elle utilise pour décrire sa chance par rapport à ses « sœurs » qui vivent dans les quartiers les plus pauvres de la ville. « Est-ce que tu écoutes du hip-hop ? » lui demandé-je. « Si j’écoute du hip-hop ? » Elle rit. « Non seulement j’écoute du hip-hop, mais pour ta gouverne, je suis la MC la plus talentueuse et pourtant la moins connue du Caire. Pour tout dire, même mes parents ignorent tout de mes performances musicales ! » Je m’enfonce alors dans mon siège pour l’écouter.
C’était en 1993, j’étais au secondaire, arrivée au Caire grâce à un échange scolaire. C’était la première fois que j’entendais parler du mouvement underground hip-hop/rap au Moyen-Orient et, a fortiori, de la place de premier plan occupée par les jeunes femmes arabes sur cette scène alors en plein essor.
Retour en arrière.
Nous sommes aux États-Unis à la fin des années 1970. Berceau du hip-hop, le sud du Bronx est dévasté par le chômage et la discrimination raciale. Dans le même temps, le mouvement des droits civiques a contribué à conférer un sentiment d’identité aux communautés minoritaires et marginalisées. Il a également contribué à façonner l’état d’esprit et le mouvement hip-hop, donné du pouvoir aux jeunes et aux personnes exclues, leur offrant un exutoire créatif pour faire connaître leur histoire : comment ils ont grandi au cœur de la ville, comment ils se sont sentis ignorés, comment on a profité d’eux.
Style musical séduisant et controversé, le hip-hop a été adopté et adapté partout dans le monde, selon un processus de réinvention constante au contact des différentes cultures.Dans le monde arabe aujourd’hui, et dans une grande partie du monde en développement, le hip-hop représente une fois de plus une manière de rendre du pouvoir aux personnes privées de droits. Comme le dit Malika, MC libanaise : « Le hip-hop arabe, ce n’est pas juste du divertissement, c’est une possibilité de s’exprimer. C’est à notre tour de montrer ce que l’on a dans le ventre ! » Et une autre artiste d’ajouter : « Ça ne m’intéresse pas de rapper sur le bling-bling, la gloire et l’argent. Mon rap traite de la pauvreté dont je suis témoin, du chômage dont souffrent les femmes et les jeunes. Je veux envoyer un message, à la façon des premiers rappeurs. »
Leur vision de l’histoire
Le hip-hop permet à des femmes arabes de donner leur vision de l’histoire. Même si, quelque soit leur sexe, tous ses représentants ont en commun de raconter leur condition sociale et politique, certaines thématiques sont plus prégnantes chez les femmes que chez leurs homologues masculins : un nouveau sens de l’identité et une opposition aux mesures sociales punitives et à la sous-représentation des femmes sur le marché du travail. « Je peux en parler parce que c’est quelque chose que je ressens profondément, explique la Marocaine Soultana. Les femmes se comprennent entre elles. Il y a tout une génération qui est sûre d’elle, prête à monter sur scène et à rapper sur ces sujets. » Certaines MC évoquent le rôle que jouent les femmes d’un certain âge dans la perpétuation d’une vision obsolète de la place de la femme dans le monde du travail. Un mari qui soutient l’activité professionnelle de son épouse devra par exemple mentir à sa mère à ce sujet. Assumées, les paroles des chansons dépassent les frontières et résonnent dans toute la région.
Des années après ma conversation avec Alia, ces messages trouvent encore un écho en moi dans mon travail au sein de l’équipe chargée du secteur de la protection sociale dans la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) de la Banque mondiale. De la même manière que les rappeuses nous rappellent ce qui est important, les consultations en face à face nous aident à rester concentrés sur les sujets qui affectent directement les femmes et les jeunes dans la région. Et le message et très clair : il s’agit du chômage des jeunes et des femmes.
Tout en reconnaissant que le chômage touche aussi bien les hommes que les femmes, la plupart des gens dans la région s’accordent à dire que ce problème revêt un caractère bien plus urgent pour les femmes et pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, des deux sexes. Deux autres réflexions sont ressorties de nos consultations récentes : d’une part, que les femmes ont tendance à se tourner vers des spécialisations qui répondent aux besoins du secteur public (ce qui débouche rarement sur des opportunités d’emploi dans le secteur privé), et, d’autre part, que le monde arabe a tellement investi dans l’éducation des femmes qu’il est désormais temps de rentabiliser cet investissement. Comme me l’expliquait une jeune Tunisienne, « il faut aborder les entraves à la participation des femmes au marché du travail aussi bien sur le plan des blocages culturels que sur celui des obstacles pratiques ». Ce qui nous ramène aux rappeuses, engagées sur ce front depuis un bon moment déjà.
La récente publication phare de la Banque mondiale sur l’emploi au Moyen-Orient et en Afrique du Nord s’attache à traiter de ces entraves. Elle propose des mesures à même de réduire les obstacles à la participation des femmes à la vie active. Il faut que les femmes puissent faire garder leurs enfants, aient accès à des moyens de transport pour aller au travail et à un lieu de travail sûr, et parallèlement, il faut améliorer leur capacité à créer et à diriger leur propre entreprise (compatible avec les normes sociales en vigueur). Il s’agit là de points de départ fondamentaux si l’on veut œuvrer pour l’émancipation des femmes dans la région MENA. Comme le disent les femmes de la scène hip-hop : davantage de voix, davantage de choix.
A.S
http://menablog.banquemondiale.org/rappeuses-du-maroc-a-gaza
Soosan Firooz, la nouvelle voix du rap et des femmes Afghanes
Par Belinda Malaspina
First Afghan Rapper Soosan Firooz risking her life!
YouTube a déjà des dizaines de milliers de visiteurs: une femme, Afghanne et très jeune, ne porte pas le voile et chante des chansons sur l'oppression : Soosan Firooz est la nouvelle promesse du monde du rap. La musique est une denrée rare en Afghanistan, et plus encore lorsque c’est une jeune femme qui ose défier les autorités islamiques. Bien que les talibans contrôlent toujours plusieurs régions du pays, elle n’a pas hésité à se lancer dans un monde où, au lieu du voile et des chaînes il y a la plainte : Mes chansons dit-elle sont là pour traduire la souffrance des femmes afghanes et les atrocités infligées par la guerre."
L'histoire de Soosan est pourtant semblable à celle de beaucoup d'autres jeunes filles afghanes. Fuyant leur pays dans les années 90 et leur retour à la 2001 avec la chute du régime des talibans, après un long exil en Iran, puis au Pakistan Mais, revenue en Afghanistan, sa fille est violée et tué, alors elle décide, avec le soutien de ses parents, de se lancer dans une carrière en tant qu'actrice de télévision d'abord, puis celle de rappeur très vite. “Nos enfants ont été violés, les plus instruits envoyé pour travailler sur la route, nous avons mangé notre corps quand nous avions faim et nous avons bu nos larmes quand on avait soif", chante Soosan, dont la musique évoque un monde musical entre rap international et influences orientales.
Un parcours qui a conduit Soosan et sa famille à recevoir des menaces de mort : «Je suis très inquiete, admet la jeune rappeuse de microphones NBC, mais je ne veux pas m'enfermer dans la maison et céder à la pression. L'Afghanistan n'est pas seulement une jungle dangereuse, elle est aussi un lieu où les gens vivent” et je rajouterai “sont plus courageux que dans de nombreuses autres parties du monde.”
B.M
http://fr.apocalisselaica.net/radar-laicita/cronache-laiche/la-nuova-voce-del-rap-e-donna-e-afghana