2016 : année shakespearienne
pour François Hollande
Christian Duteil
Où la nouvelle année s’annonce plutôt incertaine et de tous les dangers pour le Président de la République, maltraité par la conjoncture, miné par le chômage dont il n’a pas su inverser la courbe comme promis, hanté par l’absence de croissance de notre pauvre pays, mais requinqué par l’événement de la COP21 à Paris et les derniers sondages qui lui disent que rien n’est perdu en politique.
Et où celui qu’un méchant persifleur vient de baptiser «l’Hamlet élyséen» a un moment de silence et un grand sentiment de solitude… Solitude du pouvoir qui s’enferme dans son palais élyséen avant de faire la tournée des popotes du ravi de la crèche.
Alors, pour tenter tuer le temps avant la dernière ligne droite des Présidentielles et prendre de la hauteur, François relit ses classiques, notamment Shakespeare, le monologue d’Hamlet, traduction André Gide.
Etre ou ne pas être président : telle est la question à l’aulne du Front qui est populaire à sa façon dans les urnes de la colère du peuple.
Y-a-t-il pour l’âme plus de noblesse à endurer les coups et les revers d’une injurieuse fortune, ou à s’armer contre elle pour mettre frein à une armée de douleurs? Se soumettre, se démettre : est-ce tout ? Succomber à la tentation de prolonger l’Etat d’urgence pour jouer les fiers-à-bras et les va en guerre ultimes protecteurs de la nation? Ah! Calmer dans la retraite les affreux battements du cœur! Inaugurer des Chrysanthèmes dans le Nord et dans la région Paca: quelle conclusion des maux de l’homme d’Etat serait plus dévotement souhaitée? Se soumettre, se démettre… ou rêver, peut-être. Rêver, c’est là le hic après les attentats du 13 novembre à Paris! Car si, dans le sommeil de la raison, il nous vient des songes de triomphe… halte là ! On n’en est pas encore là, même si tout est possible dans ce panier de crabe de la droite reconstituée à défaut d’être «décomplexée» ?
Et pourtant qui supporterait sans cela les calamités de la vie publique, les soufflets et les avanies, les affres de la passion dédaignée que l’on porte à son peuple, les rebuffades de ceux dont on aimerait être aimé, la suffisance des gens officiels, les outrages d’un orgueilleux qu’on a trop caressé, alors qu’une petite signature au bas d’une abdication viendrait à bout de tout cela? Qui donc assumerait ces charges, accepterait de geindre et de suer sous le faix écrasant du pouvoir, s’il n’y avait cette crainte de la mort politique, mystérieuse et ennuyeuse contrée d’où nul voyageur ne revient? Voici la peur qui nous engage à supporter les maux présents, plutôt que de nous en échapper vers ces autres que les traversées du désert nous ont fait connaître.
Et c’est la conscience de tout cela qui fait de chacun de nous un couard; c’est ainsi que la verdeur première de nos résolutions s’étiole à l’ombre pâle de la pensée désorientée; c’est ainsi que nos entreprises de grand essor s’enlisent dans le marais des occasions perdues, des échéances chaque jour reportées, des affaires immenses jamais terminées, du combat sans fin avec l’ange du désordre et du bâclé, avec les démons de la bureaucratie et du populisme.
Alors, vive Xavier Bertrand qui a su faire un coming out politique ! Vive la République qui est un moindre mal en ces temps nihilistes de sinistrose et d’Apocalypse programmée!