Christian Duteil
«Twitter» pour le meilleur et pour le pire
Christian Duteil
L’internaute français consacre un tiers de son temps en ligne aux réseaux sociaux. Comme la langue d’Esope hier, il semblerait qu’un réseau en pleine progression comme Twitter soit utilisé aujourd’hui «pour le meilleur et pour le pire». Ca «gazouille» sec et pas seulement en musique, lors des séances de nuit à l’Assemblée Nationale où les députés frustrés se lâchent et se défoulent. Comme écrit le sociologue Gérald Bronner «La disponibilité et la diffusion de l’information que permet Internet, autorise tout esprit motivé et partisan à faire des associations entre des éléments disparates». Et à NNN, nous n’avons pas la prétention d’être au-dessus de la mêlée médiatique, encore moins au dessus de tout soupçon à ce sujet.
Le meilleur de Twitter, c’est bien sûr comme vecteur de communication de masse performant qui a permis de cimenter les manifestations de rue et les «révolutions arabes» en multipliant les messages instantanés entre les divers acteurs et en favorisant la mondialisation de l’information. Au grand dam notamment des dictateurs en place qui ne peuvent désormais plus rien contrôler et encore moins brouiller cette déferlante électronique qui leur échappe.
Un site en forme de planisphère nocturne, Tweeting.net, développé par un Français Franck Ernewein, propose même une visualisation en temps réel des tweets qui sont envoyés chaque seconde dans le monde. On peut y constater que la France est le 11e producteur de tweets dans le monde, le 5e en Europe et que près de 17 millions de tweets ont été envoyés depuis le ler novembre 2010.
« Président tweeter » titre Le Monde (12 avril 2013). On connaissait chez nous la première dame Valérie twitteuse gaffeuse, on connaît moins le président estonien twitteur, Toomas Hendrik Ilves. Après des tweets rageurs contre le Prix Nobel Paul Krugman sur la question de l’austérité, le président au nœud papillon bariolé s’en est pris à la Russie de Vladimir Poutine en deux fois 140 signes. Revanche d’une petite nation humiliée par l’histoire qui a semé le malaise dans un contexte diplomatique tendu entre Talinn et Moscou de négociation d’un traité vital sur la reconnaissance respective de leurs frontières.
Le pire de Twitter, ce sont les dérives et les dérapages dans une sorte de zone de non droit où chacun se défoule dans l’instant en avançant le plus souvent masqué. Racisme, antisémitisme, homophobie, attaques personnelles y sont hélas monnaie courante. Lundi soir, la ligne jaune a été franchie avec un appel clair au meurtre : «il faut tuer les homosexuels», alors que les incidents et les violences contre le milieu gay se multipliaient récemment à Paris, à Nice ou à Lille. Ironie de l’histoire, la Journée internationale contre l’homophobie se tiendra le 17 mai… comme chaque année. Or, si en principe, le Net n’est pas au-dessus des lois qui régissent les autres médias et tout le monde s’accorde pour dire que la liberté d’expression ne consiste pas à dire n’importe quoi ; dans la pratique, il est impossible d’identifier les auteurs de ce genre de messages et porter plainte ne sert pas à grand chose… Car le plus souvent elles restent sans suite. Dans la mesure où l’on ne peut identifier les auteurs anonymes de tels dérapages inadmissibles.
Et Gérald Bronner de conclure : «Les arguments du soupçon sont beaucoup plus aisés à produire et rapides à diffuser que ceux qui permettent de renouer les fils d’une confiance si nécessaire à la vie démocratique».
CD